Démocratie actionnariale : et si le mieux était l'ennemi du bien ?

Comment prendre en considération l'abstention en assemblée générale ? Quel rôle donner aux actionnaires qui se sont endettés pour acheter leurs titres ? Faut-il supprimer les stocks-options ? Les spécialistes de la défense des actionnaires ont toujours beaucoup de pain sur la planche. Et ce, à deux mois de la parution du projet de loi devant encadrer la gouvernance des entreprises et la rémunération des patrons.
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En attendant le nouveau texte de loi sur la gouvernance des entreprises et le mode de rémunération des patrons, plusieurs spécialistes étaient appelés à donner leur avis sur le sujet jeudi matin à l?initiative de Havas Worldwide. Parmi leur préoccupation du moment : le poids à donner aux votes abstentionnistes en assemblée générale, les différents conflits d?intérêts entre actionnaires, les outils adéquats pour favoriser la fidélité des actionnaires ou l?importance à donner aux stock-options.
Côté abstentions, Pierre Bollon, délégué général de l?AFG (Association française de la gestion), comme Colette Neuville, présidente de l?ADAM (Association de défense des actionnaires minoritaires) sont contre la mise en place d?un nouveau système de vote en assemblée prenant en compte le vote des abstentions. « Avec un tel système, certaines résolutions pourraient être approuvées avec un nombre de votes positifs inférieurs à celui des votes négatifs. Je pense que les actionnaires sont des personnes responsables. Elles doivent savoir si elles sont pour ou contre un projet de résolution. L?abstention est une solution de facilité permettant à certains représentants de fonds de se donner bonne conscience en votant mais qui ne fait absolument pas avancer la démocratie actionnariale, bien au contraire" , lance Colette Neuville. Propos en référence aux injonctions faites aux représentants des fonds d'investissement de voter aux AG. Ce qu'il font de plus en plus mais pas forcément en connaissance de cause ou avec beaucoup de convictions, d'où leur nombreuses abstentions.

Des conflits d'intérêt multiples

Pour la présidente de l?ADAM, un autre chantier l?attend cette année : celui des conflits d?intérêt entre certains actionnaires. « On parle beaucoup des conflits d?intérêt entre administrateurs mais pas assez de ceux présentés par certains actionnaires de l?entreprise ayant acquis leur titres via plusieurs emprunts. Ceux-ci sont contraints de favoriser la distribution d?importants dividendes pour permettre le remboursement de leur dette au mépris de la santé de la société. Pire, ils ont parfois nantis leurs actions auprès de banques qui, une fois propriétaires de ces titres prennent de fait le contrôle de la société sans que personne n?ait vu venir le coup », soutient-elle. Et de donner comme exemple celui de la foncière Gécina qui a connu ce cas de figure avec ses actionnaires espagnols. Mais aussi Belvédère, Lagardère ou Pages Jaunes. « Ces actionnaires ne devraient pas avoir le droit de vote car ils n?agissent pas pour le bien de la société. Ils ne sont motivés que par le souci de résorber leur situation personnelle ».

Des conditions fiscales décourageantes

Tous les défenseurs de l?actionnariat français ont bien conscience des écueils actuels à l?encontre du placement action à commencer par l?évolution fiscale assez décourageante. Ils sont pourtant tous unanimes pour militer en faveur d?une politique d?investissement de long terme dans les entreprises. Pour ce faire, ils sont même prêts à encourager des mécanismes qu?ils n?hésitaient pas à critiquer il y a encore quelques années. Comme le dividende majoré ou les droits de vote multiples (au-delà du doublement) pour récompenser la fidélité de ces porteurs de parts.

Quid des stocks-options ?

Quant aux stock-options dont certains prônent purement et simplement la suppression, le sujet divise davantage. « Si l?on veut supprimer ces titres de rémunération, il ne faut pas les considérer à part. Dans ce cas, il faut également s?en prendre aux autres catégories de titres permettant des rémunérations différées. Plus globalement, si les conditions d?obtention sont bien calculées et qu?elles vont dans l?intérêt de l?entreprise, il n?y a pas de raison de les supprimer », estime Pierre Bollon. Pierre-Henri Leroy, patron de Proxinvest, société de conseil de votes en assemblée générales est même plus catégorique : pour lui, il ne faut absolument pas s?en prendre à ce système même s?il verrait d?un bon oeil une différenciation fiscale entre les PME et les grandes entreprises. D?autres responsables prônent également une différence de traitement entre ceux qui utilisent leurs stocks-options pour faire des transactions purement spéculatives lorsque les cours de Bourse s?y prêtent et ceux qui lèvent les titres et conservent dans la durée leurs actions. « Ce qu?il faut surtout mettre en place et de façon urgente, ce sont des mesures qui récompensent ceux qui prennent des risques. C?est bien la raison pour laquelle il est complètement dépassé d?opposer le capital et le travail. Osons prôner la rémunération du risque à savoir le dividende », lance Colette Neuville.
 

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