
Si les Bourses occidentales ont clôturé en légère baisse ce jeudi après l'annonce d'une révision en hausse de la croissance du PIB américain au troisième trimestre, elles font preuve d'une incroyable bonne santé par rapport à la semaine dernière. Ce matin, la Bourse de Paris augmentait de 0,37%, prolongeant sa meilleure séance depuis plus d'un mois. Francfort évoluait également de +0,29%, Londres de +0,36% et Milan de +0,17% vers 9h15. Ainsi, elles prolongeaient leur entrain de la veille, déclenché par la bonne santé de la confiance du consommateur américain et les bons résultats d'entreprises aux Etats-Unis, comme le groupe d'équipements sportifs Nike (+13,56%) ou le transporteur Fedex (+4%).
Le marché s'est raccroché aux « très bons résultats de Nike et Fedex pendant cette période de trêve des confiseurs, sans décision des banques centrales avant fin janvier et sans données macroéconomiques majeures », explique Yann Azuelos, gérant de fonds chez Mirabaud.
« Les mauvaises nouvelles de politique monétaire de ces derniers jours ont été traitées, et maintenant l'humeur positive sur le marché boursier qui était prévue autour de Noël peut s'installer », commente ainsi Jochen Stanzl, analyste chez CMC Markets. Malgré tout, un véritable « santa rally » (période des derniers jours de décembre et deux premiers jours de janvier durant laquelle le prix des actions augmente) est désormais difficile à prévoir. « Noël approche mais le père Noël n'est pas en vue. À l'inverse, une humeur grincheuse a infiltré Wall Street », déclare à l'AFP Patrick O'Hare de Briefing.com. « Le moins qu'on puisse dire est que le marché boursier est bien déséquilibré en décembre, un mois pourtant généralement bon pour les actions », se désole-t-il.
Surtout que la publication de l'indicateur de l'inflation américaine PCE, que la Réserve fédérale américaine (Fed) privilégie, pourrait engendrer un regain de nervosité ce vendredi 23 décembre. « La réalité est que tous ceux qui ont gagné de l'argent cette année se contenteront de conserver leurs gains, tandis que les autres ne voudront probablement pas aggraver leur misère de 2022 par de nouvelles pertes potentielles », estime Patrick O'Hare.
Les Bourses mondiales ont chuté après les annonces de banques centrales
Malgré les bons résultats de ces derniers jours, les Bourses mondiales reviennent de loin. Entre la hausse des taux directeurs de la Fed, de la Banque centrale britannique (BoE) et de la Banque centrale européenne (BCE), l'évolution des politiques monétaires inquiétaient les investisseurs, craignant que des taux d'intérêt élevés poussent l'économie mondiale en récession.
Si la hausse de 0,5 point des taux d'intérêt de la Fed, le 14 décembre dernier, était largement anticipée par les marchés, ce sont ses prévisions d'inflation qui ont refroidi les investisseurs. « Les prévisions sont plus sévères que ce que l'on attendait », a indiqué à l'AFP Ian Shepherdson de Pantheon Macroeconomics. Et Patrick O'Hare d'ajouter que « dans l'ensemble, tout ce que le marché a entendu ce mercredi (le 14 décembre, ndlr) était belliciste ». Suite à cette annonce, les principales Bourses mondiales, à savoir celles de New York, de Tokyo, de Hong Kong ou encore de Paris, ont toutes reculé, voire fini dans le rouge.
Une tendance qui se poursuivait encore le 15 décembre au matin, et que les résultats de la BCE et de la BoE n'ont pas arrangé. En effet, les Bourses européennes ont connu leur pire séance depuis plusieurs mois, apeurées par le ton plus agressif de la BCE qui a relevé ses anticipations d'inflation. Ainsi, Francfort a reculé de 3,28%, sa pire séance depuis six mois, et Paris de 3,09%, une chute inédite depuis plus de neuf mois. Les indices de Wall Street terminaient également dans le rouge, anticipant une récession après les positions prises par les banques centrales.
« La combinaison d'une BCE préoccupée et des faibles données économiques » aux Etats-Unis « a rendu les marchés inquiets, qui jusqu'ici n'avaient pas pris en compte le risque d'un atterrissage difficile avec une récession plus marquée », a indiqué Karl Haeling de LBBW à l'AFP.
D'autant qu'à Paris, la situation s'est encore aggravée en fin de semaine dernière. En effet, l'activité du secteur privé s'est contractée plus qu'attendue en décembre et a atteint son niveau le plus bas depuis février 2021, selon l'indicateur PMI Flash publié par le cabinet S&P Global. Le repli de l'activité du secteur privé « en France, deuxième économie de la zone euro, augmente le risque de récession dans la région », déplorait Joe Hayes, économiste chez S&P Global cité dans le communiqué. Ainsi, la Bourse de Paris avait conclu, vendredi dernier, une troisième séance dans le rouge (-1,08%) après les perspectives de décélération économique, voire de récession.
Un début de semaine compliqué avec l'annonce japonaise
« Après une semaine éprouvante, en cette fin d'année, les marchés financiers devraient se stabiliser et marquer une pause », déclarait à l'AFP Christian Parisot, pour le courtier Aurel BGC. Et malgré un lundi plutôt calme, les Bourses mondiales ont de nouveau chuté à la suite d'une annonce inattendue de la Banque centrale japonaise (BoJ). En effet, le 20 décembre, la BoJ a assoupli son contrôle des rendements des obligations publiques japonaises à dix ans « afin d'améliorer le fonctionnement du marché », tout en voulant préserver des « conditions financières accommodantes ».
Elle a alors annoncé tolérer une fluctuation de ces rendements entre -0,5% et +0,5%. Premier ajustement de la politique de la Banque du Japon depuis mars 2021, cette annonce a surpris la plupart des analystes, qui ne s'attendaient pas à une évolution avant la fin du mandat de son gouverneur Haruhiko Kuroda en avril 2023. Ce dernier a d'ailleurs déclaré « qu'il ne s'agit pas d'une hausse de taux », ajoutant que les responsables de la BoJ voulaient conserver une politique monétaire accommodante afin de soutenir l'économie et viser une stabilité de la hausse des prix autour de 2%.
Suite à cette annonce, la Bourse de Tokyo a terminé dans le rouge (-2,46% pour l'indice vedette Nikkei) et les Bourses européennes ont ouvert en repli. « Cette tournure belliciste de la Banque du Japon a pris les marchés par surprise », notait Joe Manimbo de Convera Financial Services. Ainsi, ils n'ont pas réussi à enchaîner une deuxième séance dans le vert, Francfort reculant de 0,42% et Paris de 0,35%.
Qu'attendre pour 2023 ?
La situation reste plus qu'incertaine pour les semaines à venir. Toutefois, les taux obligataires laissent à penser que les investisseurs prévoient un pivot de la Fed l'an prochain, provoqué par un accident sur les marchés financiers ou une récession, et non pas un « atterrissage en douceur ». Ainsi, leur comportement pourrait changer concernant les statistiques économiques, selon Vincent Boy, analyste marchés chez IG France. Jusqu'ici, toute mauvaise statistique était applaudie par les investisseurs et était positive pour les marchés financiers, puisqu'elle permettait d'anticiper une plus grande clémence de la Réserve fédérale américaine.
Mais à partir de maintenant, il est probable que les mauvaises données économiques soient négatives pour l'évolution des indices mondiaux, en raison des craintes d'une récession l'année prochaine. Les investisseurs devraient donc s'intéresser davantage à l'économie mondiale, surtout quand le premier trimestre 2023 pourrait confirmer que certaines zones se dirigent vers une récession, plus ou moins importante.
(Avec AFP)
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