La Banque du Japon fait-elle un pas vers la hausse des taux ?

Mardi, la Banque du Japon a assoupli son contrôle des obligations publiques japonaises. Le taux des dettes de l’Etat japonais était jusqu’à aujourd’hui plafonné à 0,25%. Mais la Banque du Japon accepte désormais que le taux de ces obligations fluctue entre -0,5% et +0,5%. Une décision qui a propulsé le Yen de plus de 3% signifiant que les marchés prenaient cette décision de la BoJ pour un début de resserrement de sa politique monétaire.
Les marchés anticipent un resserrement de la politique monétaire du Japon.
Les marchés anticipent un resserrement de la politique monétaire du Japon. (Crédits : Kim Kyung Hoon)

Est-ce le début d'un retournement de politique monétaire au Japon? Ce mardi, la Banque du Japon, gardienne du Yen, a annoncé un assouplissement des taux obligataires japonais. Les créances de l'Etat japonais à 10 ans qui sont aujourd'hui plafonnées à 0,25% vont pouvoir fluctuer entre -0,5% et +0,5% de rendement. Une réforme qui pourrait paraître insignifiante, quand on compare le taux japonais avec celui des obligations d'Etat françaises à 10 ans qui affichent 2,74% de rendement, mais qui a pourtant surpris les investisseurs.

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Mardi, peu après l'annonce surprise de la Banque du Japon, le taux obligataire à 10 ans japonais s'affichait à 0,47 %, au plus haut depuis 2015. Le yen décollait de près de 4% pour atteindre 131,73 yens pour un dollar mardi, son plus fort gain sur une séance depuis 1998, avant de redescendre à 132,20 yens pour un dollar mercredi. Des achats massifs de la monnaie japonaise par les investisseurs qui montre qu'ils s'attendent à un épisode de resserrement des taux japonais et de hausse durable du yen.« Les marchés veulent y voir (...) le début d'un nouveau cycle monétaire qui pourrait conduire à une première hausse de taux », explique Guillaume Dejean, analyste chez Western Union. « On peut imaginer que les annonces de la BoJ pourraient traduire la volonté des décideurs politiques et monétaires pour un Yen plus fort face aux autres devises. », ajoute John Plassard, spécialiste en investissements chez la banque Mirabaud.

Du côté de la bourse nippone, l'indice vedette Nikkei a cédé 0,68% à 26.387,72 points en clôture ce mercredi, après avoir déjà chuté la veille de près de 2,5% dans la foulée des annonces de la BoJ. L'indice élargi Topix a perdu quant à lui 0,64% à 1.893,32 points. La bourse japonaise craint en effet que les taux d'emprunts des entreprises augmentent et diminuent les marges de ces dernières.

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 Mauvaise compréhension des intentions de la Banque du Japon

Le marché a-t-il surinterprété l'action de la gardienne du Yen ? Il semblerait que oui si l'on en croit l'institution qui martèle que sa politique monétaire ne va pas changer. « Ce n'est pas une hausse de taux », a assuré mardi son gouverneur Haruhiko Kuroda dans une conférence de presse. Il a ajouté que les responsables de la BoJ étaient unanimes à juger « approprié » de garder un cap monétaire ultra accommodant pour soutenir l'économie nippone et viser une stabilité de la hausse des prix autour de 2%.

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D'après les explications de l'institution japonaise, ce desserrement des taux obligataires vise simplement à améliorer le fonctionnement du marché et faciliter la « transmission » de sa politique monétaire accommodante et à mieux l'inscrire dans la durée. Le Fonds monétaire international (FMI) a, de son côté, approuvé ce choix mais a conseillé à l'institution japonaise de communiquer plus clairement à l'avenir pour éviter de surprendre les marchés. « Si les marchés attendent depuis longtemps un geste de la part des banquiers japonais » ils ne pensaient « certainement pas que cela pourrait intervenir sur cette fin d'année », note l'analyste chez Western Union. Quoiqu'il en soit, il s'agit du premier ajustement de la politique de la BoJ depuis mars 2021.

Une politique monétaire à rebours des autres banques centrales

La Banque du Japon fait figure d'exception dans le paysage des grandes banques centrales. Il s'agit, en effet, de la « seule banque centrale majeure à avoir maintenu en 2022 ses taux directeurs à un niveau négatif », affirme Guillaume Dejean. L'institution monétaire a poursuivi une politique accommodante claire depuis la reprise post pandémie de Covid-19 : un taux négatif de 0,1% sur les dépôts que les banques font auprès d'elle (pour les inciter à prêter davantage) et des achats illimités d'obligations publiques japonaises pour plafonner leurs rendements à dix ans à 0,25%.

Ses consœurs ont, quant à elles, significativement durci leurs politiques monétaires tout au long de l'année pour combattre l'inflation provoquée à la fois par la reprise économique post Covid et l'explosion des prix de l'énergie avec la guerre en Ukraine. La Banque centrale européenne a relevé les taux directeurs de 250 points de base depuis juillet pour lutter contre une inflation qui a atteint 10% sur un an, en novembre, et la Réserve fédérale américaine a passé ses taux de 0% à 4,25 et 4,5% en quelques mois, dans la même optique de combattre la hausse des prix qui a atteint 7,5% en novembre.

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Une inflation en hausse

Pourtant, le pays du soleil levant connaît aussi la hausse des prix. L'inflation japonaise hors produits frais a atteint 3,6% sur un an en octobre, un record depuis 40 ans, contre 3% en septembre et 2,8% en août. Des économistes s'attendent à un niveau de 4% en fin d'année. Si on exclut l'année 2014, une année où les prix avaient été artificiellement dopés en raison d'une hausse de la TVA, l'inflation en septembre est la plus forte depuis 1991 dans l'archipel nippon.

Néanmoins, le Japon a, jusqu'ici, maintenu des taux bas pour favoriser la consommation, l'endettement et l'investissement, ce qui est perçu comme nécessaire par la Boj pour soutenir la reprise économique fragile du pays. Une politique ultra accommodante qui est soutenue par le gouvernement japonais puisque l'exécutif préfère atténuer les dommages collatéraux de cette politique monétaire par des aides publiques à répétition. Quitte à pénaliser la devise nationale qui a perdu environ 15% face au billet vert depuis le début de l'année 2022.

(Avec AFP)

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