L’action Adyen s’envole au-dessus des 2.000 euros

La fintech néerlandaise spécialisée dans les paiements pèse désormais plus de 65 milliards d’euros en Bourse, soit une valorisation multipliée par neuf en moins de trois ans. Son modèle de plateforme unique pour tous les modes de paiement et tous les pays a séduit les géants de la Tech américaine, dont la croissance alimente la croissance de la fintech, de près de 30% par an.
Le cofondateur d'Adyen, Pieter van der Does, mise sur un modèle de paiement avec une plateforme unique pour les paiements on-line et off-line, partout dans le monde. Une simplicité qui séduit les géants du Net et de la distribution.
Le cofondateur d'Adyen, Pieter van der Does, mise sur un modèle de paiement avec une plateforme unique pour les paiements on-line et off-line, partout dans le monde. Une simplicité qui séduit les géants du Net et de la distribution. (Crédits : Adyen)

Adyen est décidément la nouvelle star de la cote européenne. Déjà, son introduction en Bourse, en juin 2018, avait défrayé la chronique. Plus importante opération de l'année en Europe, la jeune fintech, fondée en 2006 et spécialisée dans les paiements, avait ouvert son capital, presque en catimini, au prix de 240 euros l'action (soit 7,1 milliards d'euros de valorisation). Un cours qui devait aussitôt s'envoler pour clôturer à 450 euros lors de son premier jour de cotation et valoriser la société à 14 milliards d'euros.

Bulle spéculative sans lendemain ? Non, car deux ans et demi plus tard, le titre a allègrement franchi le seuil des 2.000 euros dans la foulée de la publication de ses résultats annuels. La fintech néerlandaise, et ses 1.700 salariés (+50% en un an), pèsent désormais en Bourse 65,5 milliards d'euros, une capitalisation supérieure aux mastodontes bancaires européens, comme BNP Paribas (200.000 salariés) ou UBS (68.000 salariés).

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Objectif de 65% de marge en 2021

Cette valorisation peut affoler. En termes de multiples, cela équivaut à 157 fois ses bénéfices estimés pour 2021 ! C'est le prix d'une croissance effrénée. D'un trimestre à l'autre, la société affiche un taux de croissance de 20% de son chiffre d'affaires, et même 27% lors du dernier trimestre 2020. Au total, le chiffre d'affaires progresse de 28% en 2020 à 686 millions d'euros, malgré un fléchissement du taux de commission (take rate), de 25 à 21,5 points de base sur l'année. Le volume traité atteint 304 milliards d'euros et la marge opérationnelle (Ebidta) 402 millions d'euros (+27%).

Ces chiffres 2020 sont conformes aux attentes des analystes mais la startup a relevé ses prévisions de marge opérationnelle pour 2021 de 55% à 65%. De quoi propulser le cours au-delà des 2.000 euros (+16% en trois séances) pour terminer vendredi soir à 2.190 euros. La plupart des valeurs du secteur a d'ailleurs suivi le mouvement haussier, notamment l'autre champion européen, Worldline.

La rampe de lancement d'eBay

Quel est donc le secret d'Adyen ? Certes, les paiements sont une industrie à coûts fixes et chaque nouveau client dope la rentabilité. Mais la particularité d'Adyen repose sur sa plateforme unique, capable de gérer les paiements on-line et off-line, dans le monde entier. Les infrastructures sont toutefois légères, ce qui permet de générer une forte croissance sans investissements lourds et d'assurer d'abondants cash-flows.

Au départ, cette solution a surtout séduit les géants d'Internet, comme Netflix, Uber ou bien Microsoft, notamment pour leur croissance à l'international, notamment en Europe. L'avantage est bien de se passer d'une multitude de prestataires de paiement dans chaque pays. Le commerce en ligne a été, et reste, le principal moteur de croissance de la société (30% par an), surtout depuis qu'eBay a laissé tomber, en 2018, son ancienne filiale PayPal pour Adyen. De fait, une partie de la performance d'Adyen dans le commerce en ligne est tirée par eBay.

Nouveau potentiel de croissance

« Adyen est un acteur unique dans l'écosystème européen car ses principaux clients sont les géants de la Tech américaine, qui connaissent eux-mêmes des taux de croissance élevés. Du coup, la croissance d'Adyen provient à 80% de ces propres clients », observe Olivier David, co-gérant du fonds Vega Disruption, qui suit la valeur depuis son introduction en Bourse.

Pour le gérant, si la pandémie a dopé les ventes en ligne, la sortie de crise sanitaire devrait « offrir également un nouveau potentiel de croissance compte tenu de la forte exposition de la société au secteur du tourisme, avec des clients comme Uber ou Airbnb ».

Pour Adyen, cette porte unique sur les paiements est son principal atout. « Nos clients, souvent des leaders dans leur industrie, apprécient d'avoir un seul interlocuteur, avec une seule plateforme, dont nous sommes propriétaire à 100%, capable d'accompagner leur croissance rapide, partout dans le monde. En cas de problème, ils savent à qui s'adresser », confirme Philippe de Passorio, directeur général d'Adyen France.

La startup a, comme d'autres acteurs, profité de la digitalisation accélérée des paiements pendant la crise sanitaire. La plupart des commerçants en boutiques ont dû en effet rapidement proposer une offre de vente en ligne pour pallier les fermetures ou la baisse de fréquentation des points de vente. « Notre plateforme est dès le départ omnichannel et les commerçants ont pu assez naturellement basculer sur des ventes on-line. La moitié de nos clients a pu ainsi maintenir son chiffre d'affaires pendant la pandémie », précise Philippe de Passorio.

Offensive sur le « vieux monde »

La priorité du groupe est clairement la croissance, même au détriment des marges, souligne une note d'analyse d'UBS. Si Adyen compte bien poursuivre l'accompagnement de ses clients du web à l'international, il mise désormais des enseignes, souvent leaders, qui disposent des réseaux de boutiques, comme le groupe textile H&M, y compris pour le marché américain.

Pour le fondateur d'Adyen, Pieter van der Does, l'avenir passe bien par un modèle qui repose à la fois sur le paiement en ligne et le paiement en boutique. Si les achats en boutique ont été cannibalisés par le on-line pendant la crise, le commerce physique devrait rebondir assez fortement après la crise, et assurer ainsi une croissance des volumes pour Adyen.

D'autant que la société vise également une cible plus large d'entreprise. « L'un des axes de notre stratégie est de nous concentrer sur les PME. C'est notamment le cas, en France, avec des sociétés comme Mise au Green ou Tediber. Cela nous permettra de mieux automatiser la plateforme et de mettre en place des standards par type d'industrie », avance Philippe de Passorio.

Les mantras d'Adyen

C'est également une des spécificités d'Adyen de privilégier une approche standard des besoins des clients, plutôt que le sur-mesure. En clair ce qu'Adyen développe pour un client sera proposé à tous les clients d'un même univers. Ainsi, à la demande de certaines marketplaces, la société s'est diversifiée dans les activités d'émission de cartes qui pourraient être généralisées à terme en cas de succès.

C'est le fruit également d'une culture d'entreprise très orientée « startup », soigneusement entretenue. Elle permet à Adyen de gérer sa très forte croissance autour de quelques principes fondateurs, les « Adyen formula », et maintenir la cohérence de l'ensemble, malgré des recrutements accélérés. Le principal mantra du groupe peut se résumer ainsi : « tout ce que l'on fait est pour le bien des commerçants », une façon de donner la priorité à la satisfaction du client, de tous les clients et non d'un seul, si important soit-il.

Ces principes simples encadrent une organisation peu hiérarchisée, très décentralisée, avec des méthodes de travail « en réseau » pour connecter, sur chaque projet ou prospect, les bonnes personnes avec les bonnes informations, au sein du groupe. Cela permet à la société de lancer rapidement de nouveaux projets, et de les valider ensuite sur le terrain.

« Nous prenons soin d'embaucher des personnes qui ont cette culture d'entreprendre et cette capacité à prendre des décisions eux-mêmes », confirme Philippe de Passorio, dont la filiale française compte déjà une cinquantaine de salariés. Adyen va vite et compte aller encore plus vite.

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Commentaire 1
à écrit le 15/02/2021 à 14:14
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La bonne tête du gars qui a l'air sincère, rare mais ça sert pour séduire les américains qui doivent en avoir marre de nos vieux financiers magouilleurs européens. Faites de mauvaises affaires avec une bonne personne et il peut en faire de bonnes...

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