
C'était la nouvelle que tout le monde attendait sur les marchés pour revenir sur les actions après des semaines de correction dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février dernier.
Alors que les premiers échos - crédibles - d'une amorce de négociation entre les belligérants se font entendre, les Bourses mondiales sont ainsi vite reparties à la hausse. Le mouvement était engagé depuis lundi mais il s'est brusquement accéléré ce mardi à l'annonce de pourparlers jugés « constructifs » par le principal négociateur russe, Vladimir Medinski. La Russie a même indiqué qu'elle avait décidé de réduire « radicalement » ses activités militaires autour la capitale ukrainienne Kiev.
En fin de séance, l'indice parisien CAC 40 gagne plus de 3% pour tutoyer les 6.800 points alors que l'indice Euro Stoxx 50 (50 premières capitalisations de la zone euro) s'affiche en hausse de près de 3% à plus de 4.000 points.
C'est bien sûr les entreprises les plus exposées à la Russie, et donc les plus massacrées ces dernières semaines, qui enregistrent les rebonds les plus spectaculaires. Le constructeur automobile Renault, qui a pourtant annoncé la suspension de ses activités en Russie, reprend près de 12% alors que Société Générale, qui dispose d'une importante filiale bancaire dans le pays, gagne plus de 8%. Egalement très présent en Russie, Alstom a également vu son cours progresser de près de 8%.
En revanche, TotalEnergies, pourtant fortement engagé lui aussi en Russie, ne profite guère de l'embellie, contrecoup du gel de ses projets russes mais aussi de la baisse du prix du pétrole, fruit de la détente sur le front de l'Est, mais aussi d'un ralentissement attendu de la demande chinoise après de nouvelles mesures de confinement.
Un optimisme prudent
A Wall Street, l'optimisme est également au rendez-vous. Tous les principaux indices poursuivent leur hausse, entamée lundi avec les négociations en cours en Turquie. Comme si les perspectives de cessez-le-feu dissipent sur les marchés le ton très offensif à l'encontre de la Russie de l'administration Biden et les menaces de nouvelles sanctions, voire, sur un autre registre, les craintes de nouvelles perturbations dans les chaînes d'approvisionnement liées au verrouillage partiel de la capital financière chinoise Shanghai.
Ce rebond souligne à quel point les marchés actions se montrent résilients face à la crise, les gérants semblant toujours accrochés à l'idée que les fondamentaux restent suffisamment solides pour ne pas (trop) s'écarter des actions. « Nous avons atteint un point bas sur l'EuroStoxx autour de 3.400 points et aucun signe de rechute des marchés ne se manifeste aujourd'hui », avance, optimiste, un gérant. Toutefois, pas d'euphorie pour autant.
Les grands fonds restent prudents sur les actions, avec des expositions à « neutre ». Autre signe d'attentisme, relevé par AllianzGI, « les niveaux de cash dans les portefeuilles atteignant des niveaux records ». Ce cash pourrait soutenir une remontée des indices, même si une partie est mobilisée pour financer la couverture des portefeuilles et les éventuels appels de marge.
Sans réelles inquiétudes sur la croissance, les investisseurs restent donc sur leurs gardes face à une Russie toujours menaçante mais surtout face à l'inflation et aux politiques de resserrement monétaire.
Nouveau cycle de hausse des taux
Sur les marchés obligataires, le cycle de hausse des taux est bien là. Il semble même s'accélérer. Des deux côtés de l'Atlantique. Aux Etats-Unis, le rendement des bons du Trésor à 10 ans s'apprête à sortir, selon Deutsche Bank, d'un canal baissier qui remonte au milieu des années 80... Et c'est nouveau. La digue a sauté la semaine dernière avec des rendements qui grimpent en flèche, avec un taux à dix ans autour de 2,4% (soit une hausse de 70 points de base en un mois). Vendredi dernier, le taux à 10 ans avait même atteint son plus haut depuis mai 2019.
Rappelons que le 16 mars dernier, la Fed a relevé son taux directeur pour la première fois depuis 2018 de 25 points de base, pour tenter de contenir l'inflation. Les anticipations des marchés tablent désormais sur au moins 150 points de base de hausse des taux directeurs aux Etats-Unis en 2022, auxquels il faut désormais ajouter une réduction de bilan de la Réserve fédérale à partir du troisième trimestre. « On a commencé l'année avec des achats de la Fed et on va la finir avec des ventes de la Fed », prévient un gérant obligataire.
Pour mesurer l'ampleur du changement de cap, la Fed et les marchés ne prévoyaient pratiquement aucune hausse des taux avant...2024 ! Même en début d'année, les anticipations se limitaient à trois hausses de taux en 2022 contre sept aujourd'hui. Toutefois, l'ampleur des hausses des taux ne sera toujours pas de nature exceptionnelle d'un point de vue historique. Les banques centrales affichent toujours une certaine prudence pour éviter de faire dérailler les marchés obligataires.
Le taux de l'OAT à plus de 1%
La zone euro n'échappe pas à la hausse des rendements. Mardi, en séance, le taux à deux ans de la dette allemande, la plus prisée car la moins risquée en zone euro, est même passé en territoire positif (0,01%), pour la première fois depuis la fin 2014 ! Quant au taux de référence à 10 ans, le Bund allemand est déjà positif depuis le 7 mars dernier, pour osciller autour de 0,63%, soit un gain de 70 points de base en un mois.
Sur la même échéance, l'OAT français a franchi le seuil des 1 % alors que le taux à 10 ans de la dette italienne s'envole bien au-delà des 2%. Ce mouvement s'explique également par la montée des anticipations de relèvement des taux d'intérêt directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) dans les prochains mois face à l'accélération de l'inflation.
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