L'Égypte tire le baril au-dessus des 100 dollars

En pleine crise égyptienne, le brent, à 100 dollars lundi, s'impose face au WTI, pourtant moins cher. Le passage de flambeau fragilise l'OCDE face à l'OPEP.
Copyright Reuters

Le baril de pétrole vaut-il plus de 100 dollars, comme l'indiquait lundi, pour la première fois depuis octobre 2008, la référence européenne du Brent coté par l'Intercontinental Exchange ? Ou plutôt 10 dollars de moins, comme le suggère le West Texas Intermediate, référence utilisée en Amérique du Nord ? « Ni l'un ni l'autre, en fait les deux références font face à leurs propres problèmes actuellement. Le vrai prix du baril se situe entre les deux », estime Eugen Weinberg, spécialiste des matières premières chez Commerzbank. Le brent est plutôt surévalué en raison d'un effet rareté, après des dysfonctionnements dans des champs de la mer du Nord. À l'inverse, le WTI est pressurisé pour des questions de stockage : les capacités de son lieu de stockage, à Cushing en Oklahoma, étant quasiment pleines, les ordres d'achat ne se bousculent pas. Une situation qui décrédibilise la référence américaine, et renchérit l'attrait du brent. L'Arabie Saoudite et le Koweït utilisent désormais le brent comme référence de prix. Et en plus de sa performance en dollars, le brent a établi un record historique de volumes échangés le 12 janvier, avec 726.578 contrats de 1.000 barils échangés à terme. Soit l'équivalent de la production quotidienne des États-Unis. Autre atout du brent : celui du dumping règlementaire. Contrairement au Nymex, qui est aujourd'hui soumis au corpus réglementaire américain sur les dérivés et sur les matières premières, « le brent proposé par l'ICE a des règles laxistes » estime Eugen Weinberg. Un momentum contre lequel le CME protestait lundi, en assurant que « le WTI reste l'étalon le plus liquide et le plus transparent pour le pétrole brut ».

58 jours de réserve

En attendant que le brent remplace officiellement le WTI, le vrai prix du baril est sujet à débat. Ainsi, « l'Opep pourrait décider de ne pas relever ses quotas de production même si le pétrole passe les 100 dollars, en attribuant la hausse au mauvais fonctionnement des indices », estime Jochen Hitzfeld chez UniCredit. De fait, les errements du WTI, qui a bondi de près de 5 % vendredi dernier alors que la crise égyptienne faisait tout d'un coup craindre pour le canal de Suez, laissent planer un certain flou autour du vrai prix du pétrole. Et donnent un argument à l'Opep pour ne pas s'appuyer sur ces marchés financiers devenus irrationnels. L'Opep cite d'ailleurs de plus en plus un autre indicateur : celui des stocks. Les pays de l'OCDE ont aujourd'hui en réserve 58 jours de consommation, et historiquement l'Opep n'a jamais relevé ses quotas de production tant que les stocks n'étaient pas au moins à 53 jours de consommation. Le secrétaire général de l'Opep, Abdalla el-Badri, s'est néanmoins ému de la crise égyptienne lundi en précisant que l'Opep augmenterait la production en fonction d'un nouveau facteur : si l'offre venait à être réduite de plus d'un million de barils par un éventuel incident dans la région.

En plus du canal de Suez, qui fait transiter environ 1,6 million de barils de pétrole, l'Egypte est traversée par un pipeline du nom de Sumed qui relie la mer Rouge à Alexandrie sur environ 400 km de long, à raison de plus de 2 millions de barils par jour. Si la fermeture de ces deux installations n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant, la crainte d'autres événements insurrectionnels dans la région risque de laisser le pétrole sous pression.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.