Inscrire la rigueur dans la constitution ?

Copyright Reuters

Nouvelle illustration de la cacophonie européenne, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a minimisé cette semaine la portée de la « règle d'or » budgétaire que Paris et Berlin veulent imposer à l'ensemble de la zone euro, la considérant au mieux comme un « plus ». Alors que François Fillon a une nouvelle fois interpelé ce week end le PS au rassemblement UMP, citant en exemple le cas espagnol, Ségolène Royal s'est à nouveau démarquée des autres candidats aux primaires en jugeant qu'il s'agit d'une « très bonne règle », mais que son inscription dans la Constitution ne peut intervenir qu'en «début de mandat», après la présidentielle.

Bien que présenté comme un élément important de la nouvelle gouvernance économique européenne, ce concept ne fait pas l'unanimité, ni dans la classe politique, ni chez les économistes. A priori, personne ne pourrait reprocher la fixation d'un objectif de disparition du déficit budgétaire, considéré par beaucoup comme un impôt sur les générations futures. On peut toutefois se demander si le verrouillage constitutionnel des dépenses ne risque pas de porter un coup fatal au rôle de l'État en tant que stabilisateur de l'économie. Les États européens auraient-ils pu sauver leurs banques en 2008 et faire face ensuite à la dégradation brutale de la conjoncture si la règle d'or avait existé un peu partout dans l'UE ?

Par « règle d'or », on entend généralement l'inscription, dans les textes fondamentaux, de l'obligation de revenir, dans un certain laps de temps, à l'équilibre budgétaire. En Europe, c'est l'Allemagne qui a montré la voie, en gravant en 2009 dans le marbre constitutionnel un retour à l'équilibre des comptes publics de l'État Fédéral et des Länder. À partir de 2016, le déficit du gouvernement fédéral ne pourra pas dépasser 0,35 % du PIB. Et à partir de 2020, les déficits dans les Länder seront proscrits. L'application de la règle peut être suspendue en cas de circonstances exceptionnelles (catastrophes naturelles, situations d'urgence). Les écarts par rapport à la cible de solde structurel sont alors enregistrés et doivent ensuite faire l'objet d'un plan d'amortissement.

La règle d'or telle qu'elle est comprise à Berlin et à Paris n'est pas un concept bien déterminé de la théorie économique. Beaucoup d'économistes l'évoquaient pour parler d'un équilibre budgétaire excluant les dépenses d'investissement. Autrement dit, cela consiste à autoriser le recours à l'emprunt pour les dépenses d'investissement et à l'interdire pour les dépenses de fonctionnement. De telles règles existent déjà dans certains pays pour les régions ou les collectivités locales. Il s'agit là d'aller un cran plus loin en interdisant tout déséquilibre budgétaire. Est-ce pertinent ? Dans un rapport sur les finances publiques dans la zone euro en 2010, la Commission européenne constatait que les pays qui ont adopté ce type de loi bénéficiaient d'une plus grande crédibilité auprès des marchés financiers. D'où son avis plutôt favorable. Elle émettait toutefois une réserve : des risques pour la qualité des dépenses. « Si certains éléments ne sont pas exclus, un ajustement fiscal peut reposer trop exclusivement sur des coupes dans des dépenses politiquement non sensibles, mais cruciales pour l'amélioration de la croissance, comme la recherche ».

Vincent Bodart, professeur à l'UCL et directeur du service d'analyses économiques de l'Ires, s'interroge sur l'efficacité de la mesure : « c'est un dispositif parmi d'autres pour limiter le pouvoir qu'ont les politiques de déterminer le niveau des finances publiques. Est-ce qu'il sera plus contraignant que le pacte de stabilité et de croissance, qui prévoyait pourtant des sanctions en cas de dépassement des 3 % de déficit ? Il n'y a jamais eu de pénalités », rappelle-t-il. De son côté Peter Vanden Houte, économiste en chef d'ING Belgique, est favorable à l'adoption d'un tel instrument. « Avec le Pacte de stabilité européen, les politiques pouvaient se cacher derrière l'Europe pour justifier certaines économies. Dans ce cas-ci, ils vont devoir expliquer directement leurs positions politiques et leurs divergences sur les questions budgétaires. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.