Fiscalité : tout ce qui change pour vos clients au 1er janvier

Le gouvernement cible les contribuables aisés pour contribuer au financement des retraites. Mais de nombreuses mesures concernant la fiscalité du patrimoine contenues dans la loi de finance touchent un plus large public.

Ce n'est pas encore le Grand Soir fiscal... Mais Nicolas Sarkozy l'a annoncé lors d'un déjeuner aux députés UMP dès le 12 octobre : il y aura une remise à plat de la fiscalité du patrimoine l'an prochain, probablement dès le printemps. Une réforme qui pourrait supprimer le bouclier fiscal et, sinon supprimer, tout du moins aménager l'ISF : soit en relevant le seuil à 1,2 million d'euros (une éventualité évoquée par François Baroin) soit en excluant la résidence principale. En attendant, déficits budgétaires obligent, les épargnants sont sur la sellette avec une série de mesures contenues dans le budget 2011.

De fait, la contribution de 1 % prélevée sur les hauts revenus pour aider au financement des retraites, présentée comme une mesure phare, cache la forêt de mesures qui vont toucher les épargnants. Et pas forcément les plus fortunés. « La réduction des dépenses est largement réalisée par un coup de rabot de 10 % sur les niches fiscales, ce qui revient pour ceux qui les utilisaient à une augmentation des impôts », souligne Philippe Bruneau, directeur de la clientèle privée et des entreprises chez Banque Neuflize OBC.

Mais, au-delà du rabot passé sur les niches et du relèvement de 1% de la dernière tranche marginale de l'impôt sur le revenu à 41%, les principales mesures de la loi de finance concernent les plus-values mobilières et immobilières portées à 19 % auxquelles s'ajouteront (au 1er janvier) 12,3 % de prélèvements sociaux ; la suppression du seuil de cession boursier et du crédit d'impôt sur les dividendes ; le relèvement du prélèvement libératoire forfaitaire pour les dividendes des actions et produits des obligations augmenté de 1 point à 31,1 % ; la taxation au premier euro du fonds en euro d'un contrat multi-supports d'assurance-vie ; l'amortissement des intérêts d'emprunt pour l'achat de votre résidence principale remplacé par un prêt à taux zéro (PTZ) qui ne sera plus soumis à un plafond de ressources ; enfin, la taxation des couples se mariant ou divorçant qui devront faire une déclaration commune pour l'année de l'événement au lieu de trois (deux séparées et une commune), ce qui est moins favorable aux contribuables.

Que faire ? « La marge de manoeuvre est étroite », souligne Sophie Breuil, directrice de l'ingénierie patrimoniale à la Banque Neuflize OBC. En Bourse, vous pouvez optimiser vos cessions dans la limite du seuil de 25.830 euros avant le 1er janvier car, après, toutes les plus-values seront taxées au premier euro ; anticiper les distributions de dividendes en optant pour le prélèvement à l'impôt sur le revenu plutôt que le prélèvement forfaitaire ; surtout, favoriser la gestion de portefeuille dans des enveloppes de capitalisation : PEA, assurance-vie, contrats de capitalisation et OPCVM de capitalisation afin de limiter la fiscalité pénalisante en cas d'arbitrages, et sur les dividendes et intérêts obligataires s'ils ne correspondent pas à un besoin de complément de revenu.

4 domaines impactés passés en revue

1. L'investissement immobilier défiscalisé reste attrayant

Les nouvelles mesures fiscales vont toucher les dispositifs en faveur de l'investissement immobilier, et surtout le premier d'entre eux : le Scellier. Tous les investisseurs qui auront signé leur acte authentique de vente avant le 31 décembre 2010, bénéficieront encore de l'ancien régime, à savoir une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % sur les 300.000 premiers euros de leur achat immobilier.

Seule condition : accepter de louer le bien, neuf ou ancien réhabilité, pendant une durée de 9 ans minimum à des plafonds de loyers. Tous les achats neufs réalisés à partir du 1er janvier 2011 ne devraient bénéficier que d'une réduction de 22 %, et de 13 % dans l'ancien réhabilité, toujours dans les mêmes limites de plafonds. En 2012, la réduction devrait passer respectivement à 18 % et 9 %. « Même rogné, le dispositif Scellier neuf reste tout de même intéressant pour les investisseurs car ils profitent encore d'un coup de pouce fiscal non négligeable pour se constituer un patrimoine immobilier », précise Christine Vassal-Largy, directrice du pôle immobilier de Thésaurus.

Autre dispositif qui sera touché : le Malraux, qui permet d'investir dans des biens historiques à rénover. Auparavant il offrait une réduction d'impôt de 30 % ou 40 % du montant des travaux dans la limite de 30.000 ou 40.000 euros (selon la localisation du bien). À partir du 1er janvier prochain, la réduction sera de 27 % ou 36 %.

2. Les plus-values mobilières et immobilières sont touchées

À partir de l'année prochaine, les revenus du patrimoine vont être davantage taxés. Tout d'abord, les plus-values mobilières seront désormais imposées à 19 % (au lieu de 18 % actuellement) et elles subiront en plus des prélèvements sociaux à 12,3 % (au lieu de 12,1 %). Ces nouveaux taux de taxation concerneront les cessions de titres réalisées à partir du 1er janvier 2011.

Autre mauvaise nouvelle pour les investisseurs boursiers, « le seuil de cession de 25.830 euros sera supprimé dès le premier janvier prochain », précise Sophie Breuil, responsable de l'ingénierie patrimoniale à Neuflize OBC, « ce qui signifie que les impôts seront dus dès le premier euro de cession, tout comme les prélèvements sociaux depuis le 1er janvier 2010 », ajoute-t-elle.

Les propriétaires bailleurs ne sont pas mieux lotis, car ils devraient voir le taux de taxation des plus-values immobilières passer de 16 % à 19 %, les contributions sociales augmentant dans les mêmes proportions que celles des plus-values mobilières.

Bon à savoir : les plus-values immobilières restent exonérées de toute taxation à partir de 15 ans de détention du bien immobilier, à raison d'un abattement de 10 % par an à partir de la sixième année de détention. Cet impôt ne concerne que les investissements immobiliers et les lieux de villégiature, la résidence principale reste exonérée sans délai minimal de détention.

3. L'assurance-vie perd de son lustre avec la taxation du fonds en euro

Jusqu'à présent, la taxation des assurances-vie monosupport, qui ne comptent qu'un fonds en euro, et celle des contrats multisupports, qui permettent d'investir en Bourse, différait.

Les premières voyaient chaque année leurs intérêts soumis aux prélèvements sociaux car le gain réalisé était sûr et définitivement acquis.

En revanche, les multisupports n'étaient taxés qu'au moment des retraits ou du décès car la valeur de leur contrat fluctuait en fonction des résultats boursiers.

Au 1er janvier, cette règle pourrait changer car les fonds en euro inclus dans les contrats multisupports devraient être taxés comme les contrats monosupport. Chaque année, les intérêts encaissés sur le fonds en euro des contrats multisupports seraient donc amputés des prélèvements sociaux (12,3 % l'année prochaine). Seule bonne nouvelle pour les épargnants : si, au dénouement du contrat, l'État s'aperçoit qu'il a perçu trop de prélèvements sociaux, l'excédent acquitté par l'épargnant sera restitué sur le contrat.

Malgré cette relative mauvaise nouvelle, les titulaires de contrats peuvent se réjouir car l'assurance-vie n'a pas subi une hausse de sa fiscalité à l'inverse des autres placements. Les gains réalisés sur un contrat continueront à être taxés à 35 % en cas de sortie avant son quatrième anniversaire, à 15 % entre son quatrième et son huitième anniversaire et à 7,5 % au-delà de huit ans de détention.

4. Le bouclier fiscal prend de plus en plus de coups au fil des réformes

Décrié par l'opposition mais aussi par un nombre croissant de parlementaires UMP, le bouclier fiscal pourrait disparaître en 2011. Pour le moment, ce mécanisme permet aux contribuables de ne pas payer plus de 50 % de leurs revenus en impôts. Le souci : depuis sa mise en place, il n'a cessé d'être rogné. Par exemple, pour le calcul du bouclier, certains revenus sont inclus avant abattements fiscaux... « Cela le rend très difficilement lisible aujourd'hui et ne crée aucune stabilité fiscale, ce qui inquiète nombre de contribuables qui peuvent y prétendre », confie Arlette Darmon, notaire à l'étude Monassier.

La nouvelle loi de finances porte un nouveau coup de canif au dispositif car les nouveaux prélèvements ne seront pas inclus dans les calculs. Ainsi, la contribution supplémentaire de 1 point sur la plus forte tranche d'imposition, qui passe de 40 % à 41 %, n'entre pas dans le mécanisme. « Cela signifie que les contribuables vont continuer d'intégrer leurs impôts à hauteur de 40 %, alors qu'ils sont imposés à 41 % », souligne Arlette Darmon.

Dans la même veine, la taxation additionnelle, qui touche les plus-values mobilières et immobilières, sera également exclue dans le calcul du bouclier.

Enfin, la mesure fiscale qui touche les fonds en euros des contrats d'assurance-vie va également avoir un impact. Les intérêts étant désormais taxés chaque année, ils sont considérés comme un revenu et vont donc minorer la portée du bouclier fiscal.

L'interview de Christine Valence-Sourdille (BNP Paribas Banque Privée)

Quelles sont les nouveautés de la loi de finances 2011 ?

En terme d'augmentation de la taxation, cette loi est protéiforme car elle va toucher les revenus du patrimoine et du travail. Le taux marginal de la plus haute tranche d'imposition va ainsi passer de 40 % à 41 %. Pour le patrimoine, la hausse des taux est assez marquée, et les particuliers devraient être davantage taxés sur leurs plus-values mobilières et immobilières, et également subir une hausse des prélèvements sociaux de 12,1 % à 12,3 %.

Cette loi ne va-t-elle toucher que les hauts revenus ?

Non, car la suppression du seuil de cession et du crédit d'impôt va avoir un fort impact pour les épargnants qui disposent d'un portefeuille boursier. Elle touchera de plein fouet les particuliers qui perçoivent des dividendes, et qui ne font pas forcément partie des plus hauts revenus. Pour les épargnants à la tête d'un portefeuille boursier important, l'effet de la suppression du crédit d'impôt et du seuil de cession se fera moins ressentir.

Qu'en est-il des coups de rabot passés sur les niches fiscales ?

Le gouvernement a décidé de conserver en l'état celles qui concernent l'emploi à domicile, la garde des enfants et les dons. La réduction ne concernerait que les avantages fiscaux, comme les dispositifs Scellier, Malraux, FCPI, Girardin industriel... Ces mécanismes vont voir leur taux de réduction diminué de 10 %, mais uniquement pour les investissements réalisés à partir du 1er janvier 2011.

Ces mesures sont-elles définitives ?

Non, pour le moment, tout est encore au conditionnel, nous devons attendre le vote de la loi de finances qui interviendra courant décembre. Et le projet de loi de finances rectificatives peut encore apporter des nouveautés - cela avait été le cas l'année dernière.

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