Normes comptables : un nouveau référentiel chinois

Dans le contexte actuel de méfiance vis-à-vis des marchés financiers, la fiabilité des comptes des sociétés représente un enjeu économique majeur. Au coeur de cette problématique : les normes comptables. Focus sur la situation chinoise.
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Les normes comptables jouent un rôle économique de premier plan : elles traduisent la santé et la performance d'une entreprise et permettent de comparer les états financiers des différentes sociétés à l'échelle mondiale.

Les normes IFRS, créées en 1973, sont désormais devenues une référence internationale remplaçant progressivement les normes américaines (US GAAP). Face à cette généralisation croissante des IFRS, impossible pour la Chine de ne pas faire valoir son particularisme économique et culturel. Les Chinese Accounting Standards (CAS), concurrents directs des normes internationales IFRS, voient le jour en 1998 et se développent à une vitesse fulgurante : 38 normes instaurées par l'État chinois en l'espace de dix ans (contre 45 élaborées en 40 ans pour les normes comptables internationales). Néanmoins, le référentiel comptable chinois cherche toujours sa place...

Les normes chinoises tendent à se rapprocher des IFRS : chaque norme internationale, à de rares exceptions près, trouve son équivalent en CAS. Les différences en termes de présentation restent mineures. Cette convergence, souhaitée par le gouvernement, cherche à rassurer les investisseurs étrangers.

Néanmoins, les deux référentiels présentent des différences structurelles révélatrices des préoccupations des autorités chinoises. Les CAS encadrent et limitent plus les pratiques de recours à la juste valeur et la possibilité de constater des pertes de valeur sur des actifs suivies de reprises. L'affichage au bilan des actifs en juste valeur, c'est-à-dire schématiquement à la « valeur de marché », s'avère en effet potentiellement dangereux dans un marché encore jeune. C'est donc avec une certaine clairvoyance que les autorités chinoises en ont limité l'application. Les CAS permettent également de se prémunir d'une forme de manipulation des comptes : les dépréciations d'actifs suivies de reprise lors des exercices suivants, qui permettent d'améliorer fictivement le résultat. Les autorités chinoises ont jugé primordial d'encadrer ces pratiques afin d'éviter tout scandale financier et toute crise de confiance sur les marchés.

Paradoxalement, les CAS peinent à se faire accepter comme référence exclusive parmi les entreprises cotées. Pour preuve, depuis 2011, les autorités boursières de Hong Kong permettent aux entreprises chinoises de choisir entre la présentation IFRS et la présentation CAS. Sur les 588 firmes concernées par cette autorisation, seules 17 ont opté pour les CAS, les autres préférant se soumettre aux contraintes de la double présentation de leurs comptes, à la fois en CAS et en IFRS.

Cette attitude est aisément compréhensible. En effet, Hong Kong reste pour les sociétés cotées la voie d'accès aux capitaux étrangers. L'abandon des IFRS au profit des normes chinoises pourrait donc être perçu par les investisseurs étrangers comme un manque de transparence. Il est important pour le gouvernement de faire adopter ce système par toutes les entreprises cotées en Bourse. La stratégie de l'État est claire : imposer les CAS au sein de son marché. Les normes chinoises, contrairement aux IFRS, ont en effet valeur de loi.

Par ailleurs, il semble qu'une dimension économique internationale vienne s'ajouter à la problématique. Le but recherché par le gouvernement chinois n'est-il pas finalement de mettre en place un futur référentiel internationalement reconnu à l'instar des US GAAP et d'asseoir ainsi un peu plus son rayonnement économique à l'échelle mondiale ? Effectivement, dans le cas d'une cotation à Hong Kong, les entreprises chinoises publient d'abord leurs comptes en CAS puis en IFRS. Les investisseurs sont donc d'ores et déjà accoutumés à la présentation selon le référentiel chinois, puisqu'ils consultent les premiers comptes publiés pour anticiper leurs mouvements.

La crainte d'une opacité du référentiel local apparaît comme infondée, et il est probable qu'une partie des entreprises ayant opté pour la double présentation ne tardent pas à abandonner les IFRS.

En imposant un système comptable proche mais distinct des IFRS, les autorités chinoises ont ainsi su combiner les exigences d'une ouverture internationale et les risques liés à un marché encore jeune. Une inquiétude demeure cependant. Les CAS sont intégrées dans le système législatif chinois, mais aucun organe de régulation n'est pour l'instant en activité. La croissance spectaculaire de l'économie chinoise expose son marché financier à des risques de crise, et l'absence de structure de contrôle pourrait, en cas de difficulté, entraîner une crise de confiance bien plus néfaste que la crise financière elle-même.

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