Histoire (s) du patronat

Bernard Giroux, qui dirigea durant des décennies le service de presse du syndicat patronal français, raconte dans "Confidences d'un apparatchik" (Ed. de l'Archipel), les coulisses de l'organisation, son cortège de révélations et, partant, la récente histoire sociale de France. Et fort de cette expérience, il trace le portrait idéal du patron des patrons, au moment même où le Medef va élire un nouveau responsable.
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Tous ceux qui ont connu Bernard Giroux, indéboulonnable responsable de la presse au CNPF puis au Medef, vous le confirmeront : l'homme n'est pas une balance. Ses Mémoires, intitulés "Confidences d'un apparatchik" surprendront pourtant même le plus fin connaisseur. Non pas
tant par les révélations croustillantes que l'auteur distille au long de ce roman vrai du syndicalisme patronal. Quoique les pages sur la « cagnotte » de l'UIMM soient savoureuses, notamment lorsqu'il raconte que ce trésor de guerre constitué d'abord pour lutter contre la menace communiste dans l'après-guerre, puis pour « fluidifier les relations sociales », a aussi financé la création du RPR en 1977 par un certain Jacques Chirac...

« L'affaire de l'UIMM a permis au bal des hypocrites d'avoir lieu » et Laurence Parisot y aura laissé quelques plumes, écrit-il, en niant être au courant de ces pratiques d'un autre âge. Mais aussi parce qu'on a vraiment le sentiment, dans les portraits qu'il croque des différents présidents qui ont occupé les locaux historiques de l'avenue Pierre1er de Serbie, de vivre de l'intérieur trente#ans de relations sociales en France. Tout y passe, de ses relations avec les cinq présidents qu'il a servis, à celles avec les journalistes, dont il dit : « Ils sont comme les chats : ils savent quand on ne les aime pas. »

Pour des "accords de méthode" plutôt que les grands-messes

Des nombreuses figures patronales qu'il a rencontrées, avant son départ en 2003 à la direction de la communication de l'Assemblée des chambres de commerce et d'industrie, on retiendra, outre les cinq présidents - François Ceyrac, Yvon Gattaz, François Perigot, Jean Gandois et Ernest-Antoine Seillière -, de nombreuses personnalités qui ont marqué le patronat : Pierre Guillen, inaltérable négociateur de l'UIMM, les deux Denis (Kessler et Gautier-Sauvagnac), aussi dissemblables que peu conciliables, et beaucoup d'autres.

Mais c'est surtout avec la commission sociale du CNPF que Bernard Giroux a pu vivre les moments les plus intéressants, avec de (rares) avancées et de (nombreuses) crises au cours de nuits interminables avec les principaux négociateurs syndicaux. La façon dont il raconte les querelles de succession au sein du CNPF relativisera celle ouverte au début de 2013 par la tentative manquée de Laurence Parisot (qu'il appelle la Dame de Pique) de se maintenir à son poste.

Sous Mitterrand, éviter que l'outil de travail ne soit inclus dans l'assiette de l'ISF!

À lire Bernard Giroux, on s'amusera à constater qu'elle n'a pas été la première à s'accrocher et que les batailles d'autrefois (comme la guerre des deux Yvon - Gattaz et Chotard) n'étaient pas à fleurets mouchetés... De ces tranches-tronches de vie, on retiendra de nombreuses d'anecdotes, assez croquignolesques, comme les réactions du patronat sous les années Mitterrand, pas si terribles qu'on l'a dit : en 1982, Yvon Gattaz fut reçu sept fois en tête-à-tête à l'Élysée, notamment pour éviter que l'outil de travail ne soit inclus dans l'assiette de l'ISF!; le « drame » des 35 heures et la « duperie » de Jean Gandois, le 10 octobre 1997 (dont il raconte par le menu les raisons, avec force détails inédits)!; et la mobilisation patronale qui suivit, face à laquelle celle des « Pigeons » de l'automne 2012 est une pâle copie.

On appréciera aussi son portrait-robot du futur président d'un Medef auquel il recommande de « renoncer à un comportement hégémonique de plus en plus illusoire ». Et de redécouvrir les vertus des « accords de méthode » pour redonner du souffle à la négociation collective, quel qu'en soit le cadre (entreprise, branche ou niveau interprofessionnel), quitte à limiter le nombre de grands-messes pour les partenaires sociaux.


Bernard Giroux "Du CNPF au Medef. Confidences d'un apparatchik",  éditions l'Archipel, 200 pages, 17,95 euros.

Commentaires 2
à écrit le 28/05/2013 à 16:05
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Je ne serai pas la patronne des patronnes, nananère! Je suis en ce moment rouge bleu-vert

à écrit le 28/05/2013 à 14:56
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Comme quoi l'ambiance est sympatique aussi chez les syndicats patronaux...

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