Assurance chômage : renforcer les contrôles ne résoudra pas le problème selon l'OFCE

Le président de la République a prévu une vaste réforme de l'assurance chômage, consistant notamment à l'étatiser et à renforcer les contrôle des chômeurs. Pourtant, le système d'accompagnement des demandeurs d'emplois est déficient, l'OFCE propose plusieurs pistes de réformes pour l'améliorer. Si le dispositif a besoin de plus de clarté, l'étude recommande fortement de revoir le mode de calcul de l'allocation chômage.
Jean-Christophe Catalon
En échange de nouveaux droits, comme l'indemnisation des salariés démissionnaires, Emmanuel Macron prévoit, dans sa reforme de l'assurance chômage, de mettre en place "un contrôle accru de la recherche d'emploi", accompagné de "sanctions rendues justes et crédibles".

Faut-il obliger les chômeurs à retourner au travail ? En échange de nouveaux droits, comme l'indemnisation des salariés démissionnaires, Emmanuel Macron prévoit, dans sa reforme de l'assurance chômage, de mettre en place "un contrôle accru de la recherche d'emploi", accompagné de "sanctions rendues justes et crédibles". Parmi ces dernières, on retrouve la fameuse proposition de suspension des allocations chômage "si plus de deux offres d'emploi décentes, selon des critères de salaire et de qualification, sont refusées", ou si "l'intensité de la recherche d'emploi est insuffisante".

Ces mesures n'ont rien d'une révolution. Le contrôle des chômeurs est vieux comme Hérode et la réglementation actuelle, avec le dispositif de "l'offre raisonnable d'emploi" (ORE) mis en place en 2008, prévoit déjà la radiation en cas de deux refus. Dans ces conditions, pourquoi Emmanuel Macron a-t-il proposé des mesures vieilles de neuf ans ? D'abord il est question dans son programme d'offres "décentes" et non "raisonnables", une nuance qui pourrait cacher une redéfinition du dispositif. Comme à son habitude, le président de la République a affiché son intention de réformer sans entrer dans les détails.

Dans un policy brief intitulé "Obliger les chômeurs indemnisés à reprendre un emploi : la bonne mesure", l'OFCE dresse un état des lieux du dispositif existant de contrôle et de sanction des chômeurs dans leur recherche d'emploi. Il en ressort que le problème centrale du système d'accompagnement des demandeurs d'emploi relève du mode de calcul des allocations.

> Lire aussi : quand Macron veut transformer l'assurance chômage en allocation chômage

"Les chômeurs ne sont pas inertes"

Avant de revoir le dispositif, il convient de savoir à qui celui-ci s'adresse. Alors que la France compte 5,5 millions de demandeurs d'emplois, entre 120.000 (Dares) et 800.000 (COE) postes demeurent vacants, d'où l'amalgame formulé par certains : "Les chômeurs ne veulent pas travailler." Un postulat invalide selon l'auteur de l'étude, Bruno Coquet, chercheur affilié à l'OFCE et à l'IZA. "L'idée convenue selon laquelle les chômeurs indemnisés refuseraient de reprendre un emploi doit aussi être battue en brèche", insiste-t-il.

Preuve en est, en France, huit contrats de travail sur dix signés chaque mois sont de très courte durée (moins de 1 mois), et ces derniers sont pourvus en immense majorité par des chômeurs. "Les sorties vers l'emploi, la fréquence élevée des passages par 'l'activité réduite', les entrées dans les programmes de formation ou d'emploi aidés démontrent que les chômeurs ne sont pas inertes", souligne l'OFCE. "Les études réalisées en France montrent [...] qu'il n'y a pas de réticence généralisée à la reprise d'emploi de la part des chômeurs indemnisés." Dans ces conditions, toute réforme du contrôle et des sanctions des chômeurs dans leur recherche d'emploi doit être calibrée pour répondre à un phénomène marginal.

"L'ORE est largement inapplicable"

Actuellement, le dispositif de prise en charge des demandeurs d'emploi fonctionne de la façon suivante : les chômeurs inscrits à Pôle emploi doivent constituer, avec leur conseiller, un Projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE). Formation, qualifications, situation familiale, salaire attendu etc., il recense les éléments permettant de définir les offres raisonnables d'emploi (ORE), mentionnées plus haut, censées contraindre les chômeurs indemnisés à accepter des emplois disponibles.

Les critères de l'ORE évoluent au fur et à mesure que le chômeur consomme ses droits. Plus cette période dure, plus le demandeur doit se montrer flexibles sur ses conditions salariales et géographiques (distance et temps de trajet entre le lieu travail et le domicile). L'objectif est d'abaisser les critères d'exigence du demandeur pour qu'il reçoive plus d'offres, élargissant ses opportunités de retour à l'emploi.

Problème, selon l'étude, ce dispositif tel qu'il est conçu n'est pas compatible avec les règles d'indemnisation. "L'ORE apparaît donc comme un archétype de fausse rigueur car elle est largement inapplicable", pointe l'OFCE. Par exemple, pour un chômeur indemnisé depuis six mois, les offres raisonnables qui lui sont soumises doivent proposer un salaire brut d'au moins 85% de celui perçu avant de "pointer" à Pôle emploi. Or, avec le mode de calcul existant des indemnités, "l'allocation nette est supérieure au salaire net" que procurait cet emploi, selon l'auteur. Autrement dit, le système tel qu'il est conçu incite, dans certaines conditions, les allocataires à rester au chômage plutôt qu'à reprendre un emploi.

Un dispositif inégalitaire et flou

Pour redonner de la pertinence au dispositif, l'OFCE propose de s'attaquer à ses aspects inégalitaires. Aujourd'hui, le système d'accompagnement traite différemment les chômeurs selon la durée de leurs droits. La dégressivité de l'exigence des offres raisonnables est planifiée selon des périodes fixes (trois mois, six mois et douze mois). Or tous les allocataires n'ont pas les mêmes droits au chômage. Pour rappel, selon sa durée de cotisations et son âge, un chômeur peut être indemnisé de 4 à 36 mois. Résultat, un demandeur d'emploi ayant 4 mois de droits se verra proposer des ORE moins exigeantes uniquement après son troisième mois de chômage, alors qu'un demandeur ayant un an de droits se verra proposer des ORE moins exigeants après trois mois de droits, puis encore moins avantageuses à partir de six mois. Pour pallier cette situation, l'étude de l'OFCE propose de supprimer ces périodes fixes et d'en réduire le nombre. Par exemple, tous les chômeurs devraient baisser leurs exigences à la moitié de la durée de leurs droits.

Le caractère inégalitaire du système est même couplé à un manque de clarté en ce qui concerne la rémunération proposée. Au début des droits, les salaires planchers des offres raisonnables sont calculés à partir du salaire de référence*. Selon la durée des droits d'un chômeur, le référentiel peut ensuite devenir l'allocation. Si, en plus, on estime qu'il est difficile de savoir si l'ORE se base sur un salaire horaire, journalier ou mensuel, alors que l'allocation est, elle, calculée sur une base journalière, le système devient de plus en plus flou. L'OFCE propose d'identifier clairement un référentiel et de s'y tenir.

Revoir le calcul de l'allocation, sans en faire un outil de réduction des dépenses

Cette question de la rémunération renvoie également au mode de calcul des allocations, cœur d'une prochaine réforme selon l'auteur de l'étude.

"Un dispositif d'ORE efficace et équitable est de toute façon subordonné à la résolution des défauts actuels qui tiennent aux modalités de calcul des allocations, afin de rétablir des incitations lisibles, homogènes et saines. Tant que ces réformes structurelles des règles ne sont pas accomplies, il n'y a pas de solution satisfaisante."

L'OFCE propose notamment un taux de remplacement unique, autrement dit que la proportion de l'allocation chômage par rapport à l'ancien salaire perçu soit identique pour tous. Cette modification figure dans le programme d'Emmanuel Macron. Aujourd'hui, les chômeurs indemnisés perçoivent en moyenne 71% de leur précédent salaire net selon l'Unédic. Mais ce taux varie d'une personne à l'autre, la réglementation prévoyant qu'il soit d'au moins 57% et d'au plus 75%.

En revanche, l'auteur met en garde sur le fait que cette réforme doit avoir pour seul objectif "d'améliorer la gestion de l'assurance chômage", et non pas de "construire une machine à réduire à tout prix les dépenses d'indemnisation". Or, c'est le risque. Car en étatisant l'assurance chômage, l'administration va pouvoir contrôler le niveau d'allocations versées. Dans son programme, Emmanuel Macron prévoit 10 milliards d'euros d'économies pour l'Unédic qui, mathématiquement, pourraient bien se faire sur le dos des chômeurs.

> Lire aussi : Assurance chômage : les vraies raisons du déficit

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*Le salaire journalier de référence est censé représenter le salaire que percevait une personne avant d'être au chômage. Il est calculé en divisant le salaire brut touché sur les 12 derniers mois par le nombre de jours travaillés sur la période.

Jean-Christophe Catalon
Commentaires 14
à écrit le 14/07/2017 à 11:00
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l'allocation chomage doit etre ramenée au SMIC avoir une "periode fixe" pour les gens ayant perdu un emploi ,et la moitie du SMIC pour les 1ers demandeurs d'emploi ,avec une "periode fixe" double ou triple ,dans le but d'inciter les gens à cherche...

à écrit le 13/07/2017 à 7:08
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Pour limiter les abus et simplifier ce système kafkaïen, il faudrait remplacer le chômage par un crédit à taux 0 => aujourd'hui les cotisations chômage font que la majorité des personnes cotisent plus qu'elles ne touchent, une grande partie qui a ou ...

le 13/07/2017 à 8:57
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On reste dans la culpabilisation du chômeur. Cela fait une trentaine d'année que cela dure, mais nos élus politiques n'ont toujours pas mis à jour leur logiciel : ils ne comprennent pas la mondialisation, et ce qui à fait la force de la France et pou...

le 13/07/2017 à 12:33
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Si l'on pousse votre raisonnement, (en extrapolant à l’excès) autant supprimer l'emploi salarié. On gagnera du temps, puisque c'est déjà la tendance générale. Après tout ce type de travail n’est qu’une exception historiquement parlant, due en part...

à écrit le 13/07/2017 à 4:33
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Vous en connaissez beaucoup, des chômeurs qui ont eu 2 offres d'emploi?

le 15/07/2017 à 9:33
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"Pole Emploi ne fera rien pour vous". C'est ce que l'on vous dit lors d'un entretien: toujours oralement / pas de traces écrites. Un service public qui vous écrirait pour vous dire qu'il ne travaille pas... Pour satisfaire des statistiques interne...

à écrit le 12/07/2017 à 18:15
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Attention ! Il n'y a que quelque dizaines de milliers d'intégristes en France, mais plus de six millions de chômeurs qui pourraient se fâcher. Si les chômeurs n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche : Cela ne vous rappel rien ?

le 12/07/2017 à 19:05
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Aucune chance ... Un chômeur aura toujours de quoi manger et de l'argent pour les loisirs. Si tu ne sais pas pourquoi demande à la classe moyenne qui aura toujours plus de taxes ou d'impôts pour pallier à ce problème ! Et on peut même doubler le nom...

à écrit le 12/07/2017 à 17:29
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La plupart des chomeurs ne recoivent aucune aide de PE. La preuve en est que les "conseillers" ( ça s'appelle comme ça) demandent aux chomeurs de ne pas venir à PE et de ne rien demander à PE. "votre demande d'information sur un financement de fo...

à écrit le 12/07/2017 à 17:14
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Je crois qu’il faut 2 % de croissance pour commencer à créer de l’emploi, en dessous c’est de la répartition ou de la réorientation. Cela fait des décennies que le système est trituré (depuis la fin de la croissance des 30 glorieuses ?), passant alt...

à écrit le 12/07/2017 à 15:01
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Pour obliger les chômeurs à retourner au travail, il faut déjà que les entreprises recrutent les chômeurs obligatoirement alors et c'est bien là le problème. Comment voulez vous obliger les chômeurs à travailler alors que ce sont les entreprises qui ...

à écrit le 12/07/2017 à 15:01
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faute de boulot de plus en plus d'indépendants se mettent à leur compte, des auto-entrepreneurs dont une minorité ne se verse en moyenne que 300/400 euros de salaires et la majorité survivent et le reste des coquilles vides fautes d'activités... Mais...

à écrit le 12/07/2017 à 14:35
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Entre 120.000 (Dares) et 800.000 (COE) postes demeurent vacants : entre les doublons, les oubliés déjà pourvues, offres indécentes,... où est le vrai chiffre des non-pourvus ? Le problème c'est que la France avec 1,5% de croissance n'est plus capable...

à écrit le 12/07/2017 à 14:05
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La question posée est de savoir s'il est pertinent de maintenir une assurance publique. Il vaudrait peut-être mieux pour une dépense équivalente avoir une garantie d'emploi par l'état rémunéré au SMIC (je n'ai pas dit au SMIC horaire). Le financement...

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