Baisse des cotisations patronales : une réponse insuffisante au chômage de masse

Par Grégoire Normand  |   |  739  mots
"Les allègements 'emplois' représentent un effort budgétaire très significatif alors qu'ils peuvent au mieux résorber le chômage non qualifié de manière transitoire", explique La Fabrique de l'industrie.
Les allègements de cotisations patronales sur les bas salaires menés depuis plus de 20 ans "offrent dans le meilleur des cas des résultats grandement insuffisants pour constituer une réponse unique et définitive au chômage non qualifié", selon une récente note de La Fabrique de l'industrie.

Les mesures d'allègements de cotisations sociales ont-elles raté leur cible ? Selon une récente note de La Fabrique de l'industrie intitulée "Évaluation des allègements de charges : le sens du timing", les politiques publiques menées depuis plusieurs décennies pour baisser les cotisations patronales sur les bas salaires ont montré leurs limites.

« La France a-t-elle trouvé dans ces allègements "bas salaires" une recette efficace pour résorber le chômage ? Certainement pas [...] Face aux quelque deux millions de chômeurs disposant au mieux du baccalauréat en France aujourd'hui, on voit bien que ces exonérations offrent même dans le meilleur des cas des résultats grandement insuffisants pour constituer une réponse unique et définitive au chômage non qualifié ».

Au mois de janvier dernier, plusieurs économistes du conseil d'analyse économique (CAE) avaient expliqué dans une note que si les baisses de charges sur les bas salaires avaient un impact positif sur l'emploi, celles sur les salaires intermédiaires n'avaient pas eu les effets escomptés sur les exportations et la compétitivité. Sur ce dernier point, la Fabrique estime que les effets des allègements sur l'appareil exportateur ne pourront « être mesurés avant un ou deux ans ».

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Des résultats controversés

La Fabrique de l'industrie rappelle que les précédentes évaluations des différentes mesures d'allègements ont abouti à des résultats très contrastés et controversés. « Résumées grossièrement, les évaluations économétriques annoncent entre 0 et 400.000 emplois crées ou préservés, suivant les mécanismes étudiés », souligne le laboratoire d'idées. De telles différences révèlent toutes les difficultés à évaluer l'ensemble de ces mesures malgré le recul. Surtout, le niveau des cotisations sociales est loin d'être le premier frein à l'embauche pour les dirigeants.

Dans une enquête réalisée par l'Insee en décembre 2017, 17% des entreprises interrogées (dans l'industrie, les services et le bâtiment) estiment que les cotisations sociales sont trop élevées. En revanche, 32% des dirigeants interrogés affirment que le manque de main-d'oeuvre compétente constitue un frein à l'embauche.

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Un effort budgétaire en plein boom pour un effet très limité

Depuis 1993, le coût des allègements de cotisations est largement monté en puissance. « Parties de zéro en 1993, les exonérations générales en faveur de l'emploi ont atteint en 2008 le seuil des 25 milliards d'euros annuels, et le CAE table aujourd'hui sur un coût annuel de 60 milliards en régime de croisière à partir de la fin 2019. »

Outre des effets limités sur l'emploi, ces mesures doivent faire l'objet d'un financement. Ainsi, ces dispositifs d'exonération « sont compensés à plus de 90% par des abondements de l'État aux caisses de sécurité sociale eux-mêmes financés par des prélèvements obligatoires ou des économies de dépenses publiques ». Ce coût de plus en plus en plus massif amène les auteurs de la note à porter un jugement sévère sur les allègements de cotisations sur les bas salaires. « La mesure, quoi qu'elle coûte de plus en plus cher, n'est à l'évidence pas à la dimension du problème qu'elle prétend contribuer à résoudre. » Surtout, l'organisme rappelle que toutes les marges de manoeuvre ont été exploitées étant donné que, au niveau du Smic, « il n'y a quasiment plus de charges ».

Un chômage toujours pesant

Bien que le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) diminue depuis plusieurs années, il continue de frapper les moins diplômés à grande échelle et aussi les emplois intermédiaires. Dans une récente enquête, l'OCDE a alerté sur les risques de polarisation de l'emploi avec, d'un côté, des emplois à bas salaires et qui nécessite peu de qualifications et de l'autre, des emplois hautement qualifiés.

Interrogé par La Tribune, l'économiste de l'institution internationale Stéphane Carcillo indiquait que « en France, depuis 20 ans, la part de l'emploi peu qualifié a augmenté de 4 points de pourcentage dans l'emploi total, et celle de l'emploi hautement qualifié de 8 points, tandis que celle de l'emploi moyennement qualifié (le plus facilement automatisable le plus souvent) a diminué de 12 points ».

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