Budget 2023 : la piste d'un crédit impôt recherche vert se précise

Verdir l'économie, c'est le credo du gouvernement. Y compris via la fiscalité. Alors que le projet de loi de finances se prépare pour 2023 - la présentation est prévue le 26 septembre- , la piste d'un crédit impôt recherche vert se précise. Une proposition qui, en coulisse, ne réjouit pas toutes les entreprises.
Fanny Guinochet
(Crédits : Reuters)

En ces temps de sobriété énergétique, l'exécutif tient par tous les moyens, à montrer son engagement sur le sujet. Et le gouvernement souhaite que cette priorité se voit aussi dans le prochain budget, qu'il présentera le 26 septembre en Conseil des ministres. C'est le message que Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, a transmis notamment à la « task force », ce groupe de parlementaires chargé de trouver des pistes d'économie de dépenses publiques pour ce budget 2023. Parmi les propositions de cette task force, l'une d'elle semble tenir la corde : le crédit impôt recherche (CIR) vert. Portée par le groupe Renaissance, issu de la majorité, cette suggestion consiste à inciter les entreprises, et notamment les plus grandes, à orienter leurs dépenses de recherche vers la transition écologique.

Le crédit impôt recherche, première niche fiscale des entreprises

Député de la seconde circonscription de l'Indre et Loire, Daniel Labaronne est le « patron» de cette task force. Il explique à la Tribune le principe de ce CIR Vert : « Il s'agit de redéfinir le cadre du crédit impôt recherche actuel pour qu'il intègre les orientations et les nouveaux enjeux environnementaux ».

Et ce levier pourrait être particulièrement puissant. Pour rappel, le crédit impôt recherche est un dispositif très apprécié des entrepreneurs, c'est même la première niche fiscale des sociétés. Chaque année, plus de 20.000 sociétés en bénéficient. La mesure permet aux grands groupes comme aux plus petites structures - les TPE/PME- d'obtenir sur leur imposition, un crédit égal à 30% de dépenses de recherche dans la limite de 100 millions d'euros, et à 5 % au-delà. Au total, le crédit impôt recherche représente plus de 7 milliards d'euros. Et le dispositif est régulièrement pointé du doigt, jugé trop généreux et insuffisamment contrôlé. Plusieurs fois, la Cour des comptes a conseillé d'en revoir les modalités. En février dernier, le conseil des prélèvements obligatoires préconisait par exemple de baisser le plafond du crédit impôt recherche, afin de mieux en maîtriser le coût.

La crainte d'une usine à gaz

Quelles seraient alors les critères environnementaux pour bénéficier du crédit impôt recherche vert ? Pour l'instant, rien n'est défini. Mais Daniel Labaronne évoque deux options : « La première consiste à ne sélectionner, pour le CIR vert, que les projets de recherche qui ne portent pas atteinte à l'environnement, et la seconde, pourrait être incitative, avec la mise en place d'un taux qui serait soit majoré pour les dépenses vertes, soit minoré pour les dépenses dites brunes ».

De l'aveu même du député, il ne sera pas facile difficile d'instaurer un système qui ne vire pas très vite au casse-tête : « Car cela revient à définir ce qu'est une dépense verte...».

Par ailleurs, pas question de priver certaines entreprises de crédit impôt recherche, souligne encore le parlementaire. « On ne va pas réduire le crédit impôt recherche d'une société qui travaille sur un remède contre le cancer, précise-t-il, alors même que ce n'est pas une dépense verte.... En revanche, on pourrait limiter le crédit impôt recherche de certains groupes de l'énergie qui font de l'extraction fossile ».

Enfin, comment faire avec des industriels qui, justement, utilisent le crédit impôt recherche actuel pour être plus vertueux. « Je pense à l'automobile, souffle Daniel Labaronne, ce serait ballot de leur couper les aides alors qu'ils font de la recherche pour des véhicules plus propres, justement ». Vigilant, il veut aussi éviter les manipulations : « le risque c'est que les dépenses soient toutes repeintes en vert, pour être éligibles aux conditionnalités du nouveau crédit d'impôt recherche vert. Ce serait alors un greenwashing inefficace ».

La crainte d'une usine à gaz et de budgets diminués

D'ailleurs, les patrons sont plutôt dubitatifs. Officiellement, ils applaudissent la mise en place de critères plus verts, en expliquant que cela correspond aujourd'hui à une nécessité qu'ils ont bien intégrée dans leurs business. Mais, en coulisse, ils craignent une usine à gaz. « Si le principe est intéressant, la réalisation peut vite tourner au cauchemar », s'agace un membre du Medef.

Surtout, ils s'inquiètent de voir l'enveloppe habituellement allouée au crédit impôt recherche être réduite comme peau de chagrin.

A Bercy, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, quid se dit ouvert à une évolution du dispositif du crédit d'impôt recherche, tient, toutefois, à les rassurer. Verdir ne veut pas forcément dire réduire l'enveloppe du dispositif. Le ministre l'a d'ailleurs répété à la REF, l'université d'été du Medef qui se tenait fin août, « ce gouvernement est celui de l'innovation ». A un moment où l'inflation sévit, le gouvernement ne souhaite pas réduire les dépenses de recherche qu'il cofinance.

Pas sûr, cependant, que les députés, y compris de la majorité, ne l'entendent ainsi. Daniel Labaronne est clair : « cette réflexion sur le verdissement du crédit impôt recherche va évidemment s'accompagner d'une réflexion sur le périmètre de cette niche fiscale, mais aussi de ses taux, et de ses plafonds, c'est indispensable car notre objectif est aussi de réduire les dépenses publiques, et nous avons tous que le crédit impôt recherche manque de contrôle ».

Le travail de réflexion autour de cet éventuel CIR Vert promet de s'accélérer les prochains jours. La task force a pour objectif de remettre rapidement sa copie aux locataires de Bercy, Bruno Le Maire et Gabriel Attal, au plus tard la semaine prochaine.

Fanny Guinochet
Commentaires 2
à écrit le 06/09/2022 à 22:40
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Le credit d'impôt recherche est déjà sous sa forme actuelle une grosse usine à gaz dévoyée par les grosses entreprises qui tricotent des dossiers bidons, et qui fait manger un tas de consultants qui ont senti le filon. Ces subventions déguisées se...

à écrit le 06/09/2022 à 19:05
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Après les PGE remboursés aux calendes grecques, de nouvelles subventions pour le MEDEF...

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