Ce qu'il faut retenir de la déclaration d'Emmanuel Macron

Par latribune.fr  |   |  2281  mots
Concernant le pouvoir d'achat, le président a rappelé que le "fil rouge" sur lequel il s'était engagé était le travail mais que cela prendrait du temps. (Crédits : BENOIT TESSIER)
De l'Europe au nucléaire, du chômage au Brexit, le chef de l'Etat est revenu sur plusieurs points de l'actualité, mardi soir, lors d'une conférence de presse. Retour sur ses déclarations.

Emmanuel Macron s'est exprimé mardi à Paris devant les journalistes de l'Association de la presse présidentielle (APP) neuf mois après son arrivée à la tête du pays. Le chef de l'Etat est revenu sur plusieurs points. Revue de détail des déclarations à retenir :

■ Pouvoir d'achat

"Je ne suis pas obsédé par l'idée qu'à ce stade du quinquennat on me fasse confiance sur la question du pouvoir d'achat", a estimé Emmanuel Macron.

Le président a rappelé que le "fil rouge" sur lequel il s'était engagé était le travail mais que cela prendrait du temps. "Il faut continuer à expliquer", a-t-il ajouté.

"Il faut progressivement que les choses deviennent perceptibles pour qu'elles soient crues. Il y a une partie des gens légitimement qui veulent attendre de le voir et je le respecte profondément. C'est en 2020 qu'ils auront la totalité de ces mesures."

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■ Chômage et économie

Les plans sociaux "ne sont pas inquiétants quand ils traduisent des ajustements" économiques. "Le plus inquiétant aujourd'hui dans notre économie, c'est la dégradation du niveau de qualification. Les gens vous disent que (...) le taux de chômage structurel en France est de 9%, c'est ça le scandale", a note le président.

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Il a ensuite rappelé qu'il ne suffisait pas de "juste" jouer sur le cycle économique pour baisser le chômage alors que près de 2 millions de chômeurs avaient des problèmes de qualification. Pour Macron, il est donc nécessaire de développer la formation, "ce que l'exécutif est décidé à faire" en investissant 15 milliards d'euros sur le quinquennat.

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■ Nicolas Hulot et Gérald Darmanin

Emmanuel Macron a pris la défense de ses membres du gouvernement, soupçonnés dans deux affaires. D'un côté, Nicolas Hulot, ministre de l'Environnement, fait l'objet de soupçons de violences sexuelles après les révélations du nouveau média Ebdo à ce sujet. D'autre part, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes public, est cité dans une enquête pour viol.

"Je n'ai pas demandé à celles et ceux que le Premier ministre m'a proposé de nommer ministres s'ils avaient fait l'objet de plaintes qui avaient été dûment regardées par des juges, classées sans suite parce que les faits n'étaient pas établis et parce qu'ils étaient prescrits", a défendu le président de la République.

"On veut que les dirigeants soient exemplaires, on s'est donné des règles, il y a des contre-pouvoirs qui sont légitimes et qui permettent que ces règles fonctionnent bien mais quand le but des contre-pouvoirs finit par être de détruire ceux qui exercent le pouvoir sans qu'il y ait de limites ni de principes, ce n'est plus une version équilibrée de la démocratie."

■ Réforme constitutionnelle

Concernant la réforme constitutionnelle, le chef de l'Etat a annoncé un calendrier : "C'est dans les semaines qui viennent que ce projet sera finalisé."

Il a ajouté que l'objectif était qu'au début du printemps, un projet de réforme constitutionnelle puisse être déposé "après des concertations avec l'ensemble des formations politiques". Plus précisément, une première lecture devrait avoir lieu avant le premier semestre ou, au retour de la pause estivale.

■ Elections européennes

C'était l'un des sujets clés d'Emmanuel Macron, lors de la présidentielle : l'Europe. Le chef de l'Etat a assuré qu'une recomposition politique permettrait à l'Europe de gagner démocratiquement. Il projette cette initiative au moment des européennes, c'est-à-dire en mai 2019, et, dans la continuité, juste après celles-ci.

Le président français a donc réaffirmé son souhait de faire émerger une nouvelle force au Parlement européen afin de faire exploser le duopole du Parti populaire européen et des socialistes européens.

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■ Syrie

Concernant la politique étrangère, Emmanuel Macron a souhaité tenir un discours plutôt ferme quant à la Syrie.

"Sur les armes chimiques, j'ai fixé une ligne rouge, je la réaffirme très clairement. Si nous avons des preuves avérées que les armes chimiques proscrites par les traités (...) sont utilisées, nous frapperons l'endroit d'où ces envois sont faits ou sont organisés. La ligne rouge sera respectée par une réplique."

Il a cependant ajouté, avec prudence, juste après, qu'il n'y avait, pour l'heure aucun moyen "établi" d'obtenir la preuve que des "armes chimiques proscrites par les traités avaient été utilisées contre les populations civiles". Et d'ajouter :

"Evidemment nous sommes en surveillance extrême sur ce sujet."

De la même façon, Emmanuel Macron a formulé le souhait qu'une réunion prochaine ait lieu dans les prochaines semaines afin "d'éradiquer les activités balistiques depuis la Syrie qui mettent en danger l'ensemble des puissances de la région". Quant à l'Iran, il a poursuivi :

"Les activités balistiques iraniennes ou liées à l'Iran, nous avons vu que vraisemblablement, à la fois au Yémen et également dans la zone syrienne, elles étaient une source de déstabilisation, un problème pour la sécurité de plusieurs de nos alliés."

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■ Djihadistes français détenus en Syrie et Irak

La question d'un retour, ou non, en France des détenus français partis faire le djihad et arrêtés en Syrie et Irak fait débat depuis quelques temps. Là-dessus, Emmanuel Macron a estimé que la France est resté ambigu. Il a déclaré, sans pour autant trancher clairement  :

"Si l'Irak venait à prononcer la peine de mort contre un de nos ressortissants, à ce moment-là, nous aurons des échanges pour commuer cette peine en ce qui est acceptable dans le droit français comme nous le faisons avec tous les Etats qui prononcent la peine de mort contre un de nos ressortissants."

"Pour ce qui est de la zone syrienne, et nos ressortissants capturés par les forces kurdes en Syrie (...), il est évident que d'une part nous sommes attachés à ce que les jugements puissent respecter le droit et ses règles et que des peines qui ne soient pas conformes à ce que nous avons prévu dans notre droit puissent être transformées en quelque chose de compatible."

■ Service national universel

Emmanuel Macron a confirmé mardi soir le caractère obligatoire  du service national universel de "trois à six mois" qu'il souhaite mettre en place, mettant un terme à une semaine de divergences d'interprétation au sein du gouvernement.

La ministre des Armées Florence Parly avait notamment parlé la semaine dernière d'un service non obligatoire avant de le qualifier lundi de non "facultatif".

"Je n'ai pas le sentiment qu'on ait voulu donner dans la clarté" sur ce sujet ces derniers jours, a plaisanté le chef de l'Etat.

"Ce service n'est pas un service militaire, même si j'ai souhaité qu'on puisse y prévoir l'ouverture à la chose militaire, c'est pour cela qu'il est national, et il est universel parce que je souhaite qu'il puisse être obligatoire. Sa forme pourra aussi être civique", a-t-il dit. "L'idée n'est pas que ça dure un an, je pense qu'aujourd'hui c'est autour du trimestre que les gens sont en train de réfléchir (...). La partie obligatoire elle-même n'est pas encore finalisée mais je pense que ce sera entre trois et six mois."

Le chef de l'Etat a également répondu aux inquiétudes émises sur le potentiel coût du dispositif, estimant qu'il ne s'agissait pas de rétablir un "service militaire à l'ancienne où il faut loger des gens pendant un temps donné loin de leur famille".

"Cela aura un coût, je ne pense pas qu'il soit prohibitif", a-t-il dit. Mais "en terme de cohésion nationale, ça sera un vrai élément de transformation".

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■ Nucléaire

Emmanuel Macron n'a pas exclu la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, estimant qu'il n'y avait pas de tabou sur cette question.

"J'attends d'abord les délais finalisés pour (l'EPR de) Flamanville et aussi d'avoir les analyses de l'autorité de sûreté nucléaire, c'est dans ce contexte-là (...) qu'il conviendra de mettre en oeuvre une stratégie pour le groupe EDF", a dit le chef de l'Etat.

Dans cette stratégie, "aucune option ne doit être aujourd'hui a priori exclue".

"Il n'y a pas de tabou sur le sujet et donc je n'exclus pas l'option (d'ouverture de nouveaux réacteurs) mais je ne suis pas en situation - compte tenu en particulier de ce que l'Autorité de sûreté nucléaire(ASN) peut nous dire à ce stade - de vous dire si ce sera à court terme, à moyen terme, à long terme ou si c'est à exclure".

Le chef de l'Etat a également réaffirmé sa détermination à remplir les engagements internationaux pris par la France en matière de réduction des émissions de CO2 et d'en "finir avec les centrales thermiques et charbon". "Ce sera mis en œuvre dans le quinquennat", a-t-il assuré.

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■ Renault-Nissan

Emmanuel Macron a souhaité que les équilibres stratégiques soient préservés dans le cadre de l'évolution de l'Alliance Renault-Nissan.

"Je n'ai pas à m'exprimer publiquement sur les intercessions que je peux avoir sur la gouvernance de Renault", a assuré le président de la République.

Les représentants de l'Etat au conseil d'administration ont fait valoir "la volonté d'avoir un plan de succession sur lequel je constate que (...) l'entreprise a avancé", a-t-il ajouté.

Il a parallèlement exprimé "la volonté d'avoir une feuille de route claire qui permette de défendre pleinement les intérêts du groupe, de l'Alliance et de l'ensemble des sites industriels français".

"Ce qui m'importe, c'est que Renault-Nissan (...) continue à être le plus compétitif possible parce que c'est bon pour le site de production France", a poursuivi Emmanuel Macron. "Et je souhaite que les équilibres stratégiques de l'Alliance soient bien préservés."

Le conseil d'administration de Renault, présidé par le Pdg Carlos Ghosn, doit se réunir jeudi, à la veille de la publication des résultats annuels du groupe et de l'annonce probable de la nomination d'un numéro deux, sans doute Thierry Bolloré. Pour rappel, l'Etat français détient 15% du capital de Renault.

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■ Télécoms

Emmanuel Macron a rappelé le rôle de régulateur de l'Etat alors qu'Altice- SFR connaît une forte restructuration ou encore que Orange mène un bras de fer avec TF1 concernant la distribution de chaînes télévisées.

"Sur Orange, SFR et la téléphonie mobile, je n'ai pas de jugement à porter sur les opportunités d'une consolidation ou autre. J'ai comme vous constaté les annonces qu'il y a pu y avoir sur des sujets financiers non français du groupe de tête détenteur de SFR, je constate aussi que les derniers chiffres publics de SFR sont plutôt de nature à traduire des améliorations. J'attends les prochains chiffres publics et ce sera à l'entreprise de dire comment elle entend évoluer. Pour ma part, je n'ai pas lieu d'avoir des inquiétudes particulières sur ce groupe."

Quant à la consolidation, le président a ajouté :

"Se prononcer sur une éventuelle consolidation de manière théorique n'a pas lieu d'être, il s'agit de savoir quelle est la nature de cette consolidation et quel impact elle aurait sur les différents éléments sur lesquels je viens de revenir et dont l'Etat a la charge en tant que régulateur. (...) Des engagements ont été pris très clairement par les opérateurs en matière de téléphonie mobile à la fin de l'année dernière pour des investissements supplémentaires, des engagements ont été contractés par ces opérateurs lors des dernières enchères, la loi en 2016 a accru les contraintes sur ces opérateurs."

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■Brexit

Emmanuel Macron s'est montré plutôt sévère avec le Royaume-Uni alors que les négociations du divorce sont encore en cours.

"Il n'y a pas de cherry-picking (de choix à la carte, Ndlr.) dans le marché unique, il y a des modèles, on les connaît, on peut définir de nouveaux modèles, mais on ne choisit pas une liberté parmi les quatre de l'Europe (libertés de circulation des biens, des capitaux, des personnes et des services, Ndrl.), on ne peut pas avoir un accès plein au marché unique si on n'a pas une contribution budgétaire et la reconnaissance des juridictions, il y a une grammaire qui ne bougera pas parce que c'est la condition de survie du marché unique."

Le chef de l'Etat n'a pas manqué de rappeler les difficultés des négociations :

"Il y a beaucoup de fébrilité parce qu'il y a beaucoup d'intérêts en jeu, beaucoup de lobbies, beaucoup de désinformation de toutes part mais il faut dans ces cas-là garder les esprits clairs."

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(A.F. avec Reuters)