
La réforme des retraites entreprise par le gouvernement d'Élisabeth Borne s'inscrit dans la droite ligne des précédents projets de loi votés sous François Hollande (réforme Touraine de 2014), Nicolas Sarkozy (loi Woerth de 2010), Jacques Chirac (réforme Fillon de 2003)... ou même François Mitterrand (réforme Balladur en 1993).
Si certains conflits sociaux qui ont émaillé le passage de ces textes sont restés dans les mémoires, le bilan financier et social de ces réformes n'est pas plus négligeable. Retour sur leurs retombées en quatre points.
Des économies pour les caisses de retraite
« Les quatre grandes réformes : Balladur en 1993, Fillon en 2003, Woerth en 2010, et la réforme Touraine dans une moindre mesure parce que ses effets ont été décalés dans le temps, ont dégagé des économies considérables. Sans cela, la dépense publique serait plus élevée aujourd'hui d'au moins 6% rapportée au PIB et le système de retraites serait sous l'eau », estime Bruno Chrétien, président de l'Institut de la Protection Sociale.
Ces réformes produisant des effets à terme, c'est sur le temps long que les gains financiers sont les plus notables. Selon les hypothèses du Conseil d'orientation des retraites (COR), le niveau des dépenses de retraites rapporté au PIB aurait atteint 19% en 2070 si le système des retraites n'avait pas été réformé. En prenant en compte les réformes passées depuis les années 1990, le COR prévoit que le montant des dépenses atteigne « seulement » 12% à 15% du PIB.
Son rapport 2022 explique que ces économies sont obtenues grâce à l'augmentation de l'âge effectif de départ à la retraite. Cet allongement des carrières augmente la durée de cotisation et diminue le temps de vie à la retraite, ce qui signifie plus de cotisations à percevoir et moins de pensions à verser pour le système de retraites.
D'une amélioration du taux d'emploi des seniors...
L'activité des seniors s'est améliorée grâce à la loi Woerth de 2010 et à la loi Touraine de 2014, vante le gouvernement dans sa présentation de la réforme des retraites.
Par exemple, le taux d'emploi des hommes de 55-59 ans est passé de 56% en 2003 à 62% en 2010 puis à 75% en 2021. Dans cette tranche, la moyenne européenne d'âge reste supérieure, respectivement à 62,7%, 68,5% et 79,2%.
Sur le segment des hommes de 60-64 ans, le taux d'emploi a également fortement progressé passant de 14,3% en 2003 à 19,1% en 2010 et à 35,5% en 2021 - là aussi, en dessous des standards européens (respectivement, 30,9%, 35,6% et 53,6%).
« Quand on décale l'âge de départ à la retraite, on améliore l'emploi des seniors puisqu'ils deviennent employables plus longtemps par leurs entreprises. Le taux d'emploi des seniors a augmenté de 20 points avec les réformes successives des retraites de 2003 et de 2010 les réformes successives », expliquait en décembre Bertrand Martinot, économiste spécialiste du marché du travail à l'Institut Montaigne, à La Tribune.
« Les entreprises investissent sur le capital humain et calculent le temps que cela prend de former un senior. Or, quand l'âge de départ en retraite est suffisamment loin, cela donne du temps pour rendre intéressante une embauche. Le problème d'employabilité des seniors en fin de carrière existe encore mais il se décale dans le temps. C'est de toute façon du temps gagné puisqu'avec le report de l'âge légal, les seniors restent actifs plus longtemps », précise l'économiste Nicolas Marques, directeur général de l'institut Molinari.
... à une nouvelle hausse du chômage des seniors
L'INSEE souligne que cet effet a été particulièrement visible à la suite de la réforme de 2010. Entre les premières générations concernées par le nouveau système de retraites post-2010 et les générations antérieures, la probabilité d'occuper un emploi à 60 ans a augmenté de 17 points chez les hommes et de 16 points chez les femmes.
Si report de l'âge légal de départ à la retraite est susceptible d'entrainer une « hausse transitoire du chômage, puisque une partie des gens qui auraient été à la retraite pourraient être chômage, cet effet s'estompe. A long terme, reculer l'âge de la retraite est créateur d'emplois », justifie Nicolas Marques qui considère que cette mesure est bénéficiaire pour l'État malgré l'augmentation du nombre de chômeurs dans un premier temps :
« Au total, le jeu est gagnant pour l'État puisqu'un chômeur coûte moins cher qu'un retraité. »
La réforme Balladur, la plus radicale pour le montant des pensions
Le montant brut des pensions continue de s'améliorer en France. Néanmoins, la pension moyenne augmente moins vite que le salaire moyen. La tendance devrait s'amplifier selon le COR dans les prochaines décennies et la retraite moyenne devrait représenter moins de 50% du salaire moyen en 2070, contre plus de 60% aujourd'hui.
Ce décalage tient à la réforme Balladur de 1993 qui avait fait le choix d'indexer et de réévaluer le montant des retraites en fonction de l'inflation, et plus du salaire moyen dans l'économie.
Autre changement radical introduit en 1993 : le salaire moyen utilisé pour calculer la valeur des pensions n'est plus celui des 10 meilleures années de rémunération mais des 25 meilleures années.
« La réforme Balladur est celle qui a le plus joué sur le montant des pensions de retraite et dégagé des économies en limitant la progression des pensions », observe Bruno Chrétien de l'Institut de la Protection Sociale.
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