
L'économie française s'apprête à affronter une année 2023 de tous les dangers. Après une longue pandémie mondiale et l'éclatement du conflit en Ukraine, les entreprises se préparent à entrer dans une période de pénurie d'énergie. Au mois de janvier, l'État pourrait procéder dans certains territoires à des délestages d'électricité, des coupures programmées d'une durée maximale deux heures.
Dans ses vœux aux Français le 31 décembre dernier, le président de la République Emmanuel Macron a voulu se montrer rassurant.
« Aura-t-on des coupures d'électricité ? Si nous continuons à économiser l'énergie comme nous le faisons depuis quelques mois et que nous continuons de remettre en service nos réacteurs nucléaires comme prévu, nous y arriverons. C'est entre nos mains. »
Cependant, derrière ces éléments de langage, les craintes de coupures brutales se renforcent dans la plupart des secteurs.
Dans une enquête édifiante menée par OpinionWay pour CCI France, La Tribune et LCI, une vaste majorité d'entreprises (83%) déclarent que leur activité serait perturbée, et même gravement perturbée (20%), voire complètement bloquée (42%). À l'opposé, seuls 17% des répondants indiquent qu'ils ne seront pas affectés.
L'industrie en première ligne
Face aux menaces de coupures d'électricité, l'industrie tricolore est en première ligne. Ainsi, 93% des industriels s'attendent à des perturbations sur leur activité. Tous ces problèmes d'approvisionnement énergétique, qui s'ajoutent aux difficultés des supply chains, pèsent sur une industrie toujours en contraction, selon le dernier indice PMI dévoilé ce lundi 2 janvier. Depuis le mois d'août dernier, l'indicateur qui mesure le niveau d'activité dans ce secteur évolue d'ailleurs en territoire négatif. Et cet automne, plusieurs groupes industriels emblématiques (Duralex, William Saurin), énergo-intensifs, ont annoncé une réduction de la cadence, et la situation ne devrait pas s'arranger.
Les secteurs du commerce (91% des dirigeants inquiets) et des services (81%) pourraient être aussi concernés. En revanche, dans la construction, les dirigeants inquiets semblent moins nombreux en proportion (68%).
Entre impuissance, impréparation et fatalisme
Face à ces potentielles coupures, beaucoup d'entreprises se sentent démunies. Ainsi, 86% des chefs d'entreprise interrogés indiquent qu'ils n'ont pris aucune mesure pour anticiper les éventuelles coupures d'électricité.
Dans le détail, sur ce total, près de la moitié (48%) signale qu'aucune mesure ne peut être prise et près de quatre entreprises sur 10 (38%) n'envisage aucune mesure. A l'opposé, seuls 14% ont anticipé des mesures. Ce niveau d'impuissance et d'impréparation risque de plonger beaucoup de PME et TPE dans la difficulté.
Et pour les entreprises qui envisagent des mesures, celle qui figure en premier lieu est la hausse des prix de vente des produits ou des services (66%), largement devant les économies d'énergie (36%), ou la baisse des investissements (31%). En revanche, très peu pensent à une fermeture ponctuelle de l'entreprise (4%), voire à développer le télétravail (2%).
L'inflation, un sujet d'inquiétude majeur pour les entreprises
L'envolée des prix a considérablement fait bondir les factures d'énergie en 2022. Cette année, l'inflation pourrait encore se prolonger, d'après la plupart des économistes : dans leur dernière note de conjoncture de la mi-décembre 2022, les statisticiens de l'Insee tablent sur un pic de 7% cet hiver, avant un fléchissement au printemps.
La diminution de la prise en charge du bouclier tarifaire à partir du 1er janvier et, côté carburant, la fin de la remise à la pompe vont mécaniquement avoir des répercussions sur les prix de l'énergie. De fait, pour l'année 2023, l'inflation demeure bien le principal facteur d'inquiétude.
En effet, 54% des entreprises considèrent que l'inflation pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la viabilité de leur entreprise en décembre. C'est 15 points de plus que lors de la précédente enquête en novembre.
En outre, 53% des entreprises interrogées dans le cadre de la Grande consultation des entrepreneurs (GCE) souhaitent « un retour à la normale de l'inflation », en particulier dans l'industrie (63%) et dans la construction.
Parmi les autres souhaits prioritaires pour cette nouvelle année figurent une accalmie de la crise énergétique (41%) ou encore une diminution des tensions géopolitiques mondiales (36%).
Le moral des chefs d'entreprise au plus bas
La multiplication des crises (énergétique, sanitaire, prix) continue de miner le moral des entrepreneurs. Après une brève remontée en novembre, la confiance des dirigeants à l'égard de leur entreprise est repartie à la baisse en décembre. C'est également le cas à l'égard de l'économie française et de l'économie mondiale.
En Europe, le prolongement de la guerre en Ukraine pourrait mettre à terre un grand nombre d'entreprises dépendantes des énergies fossiles au cours de l'année 2023.
Dans ses dernières prévisions de fin décembre, la Banque de France fait le pari d'une maigre croissance de 0,3% en 2023, sous réserve que la crise énergétique ne s'amplifie pas. La fin de l'hiver s'annonce particulièrement douloureuse.
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Méthode : étude menée auprès de 607 dirigeants d'entreprise. L'échantillon a été interrogé par téléphone du 6 au 13 décembre dernier. La représentativité de l'échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d'activité et la taille, après stratification par région d'implantation.
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