« Les coupures d'électricité ne devraient pas avoir un impact fort sur l'économie », Pierre Pelouzet (médiateur des entreprises)

ENTRETIEN- Guerre en Ukraine, flambée des prix, faillites d'entreprises...Le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet tire le bilan de l'année 2022 après plusieurs mois de tensions sur la trésorerie des TPE et PME. Trois années après le début de la pandémie, les délais de paiement ne sont toujours pas revenus à leur niveau d'avant crise.
Grégoire Normand
Pierre Pelouzet est médiateur des entreprises à Bercy depuis 2012.
Pierre Pelouzet est médiateur des entreprises à Bercy depuis 2012. (Crédits : Bercy)

LA TRIBUNE - Quel bilan global tirez-vous de cette année 2022 marquée par la guerre en Ukraine et l'explosion des prix  ?

PIERRE PELOUZET - Les tensions sur les matières premières et l'énergie ont marqué l'année 2022. Ces deux sujets ont fait remonter le nombre de saisines en cours d'année. On devrait approcher les 2.500 saisines en fin d'année, soit un niveau proche de 2021. L'année dernière, l'économie est repartie. Mais rapidement, nos services ont rencontré des sujets de tensions sur les matières premières.

Pour rappel, le médiateur avait enregistré plus de 4.000 saisines en 2020, année de la pandémie. Le nombre de saisines en 2022 reste bien au-dessus de son niveau d'avant crise. En 2019, le médiateur avait enregistré 1.300 saisines. On est moins dans le tsunami de 2020 mais les tensions restent fortes entre les entreprises.

Lire aussiCrise énergétique : plus de 300 entreprises françaises sont étranglées par les prix de l'électricité, affirme Bercy

Comment les relations entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants ont-elles évolué durant cette année ?

Durant la crise sanitaire, on avait identifié deux groupes d'entreprises : les « solidaires » et « les égoïstes ». Depuis, ces deux groupes existent toujours. Actuellement, beaucoup d'entreprises s'engagent dans le parcours national des achats responsables avec une charte et un label. Il y a un engouement pour ces outils. Beaucoup d'entreprises basculent dans le camp de « la solidarité ». Malheureusement, d'autres en sont très loin et restent dans le camp « des égoïstes ».

Avez-vous constaté un allongement des délais de paiement ?

Aujourd'hui, le niveau des délais de paiement n'est toujours pas revenu à celui d'avant crise. Cette tension survient à un moment où les TPE et les PME ont de plus en plus besoin de trésorerie pour payer leurs factures d'énergie ou de matières premières.

En 2020, nous avons assisté à une explosion des délais de paiement, en particulier entre mars et juillet. Beaucoup d'entreprises ne payaient plus. En moyenne, les retards pouvaient atteindre 15 jours lissés sur l'année. En 2021, on a réussi à contenir cette explosion à 12 jours de retard.

Lire aussiLes délais de paiement risquent encore de s'allonger avec la guerre en Ukraine

Quels ont été les secteurs les plus touchés en 2022 ?

Nos équipes ont beaucoup travaillé avec le BTP. Le secteur a connu de nombreuses agitations et continue d'en connaître. Nous avons mis en place une médiation de filière. Les entreprises ont signé un accord pour améliorer la prise en compte des hausses de prix des matières premières, des délais de paiement.

Le BTP est en première ligne mais ce n'est pas le seul secteur. L'automobile, l'industrie, l'aéronautique, la cosmétique sont également affectées par la flambée des matières premières, l'énergie et les retards de paiement.

Lire aussiPénalisé par les retards et les surcoûts, le secteur du BTP repense ses chaînes d'approvisionnement

Au printemps dernier, vous aviez annoncé la mise en place d'un comité sur l'énergie. Quelles ont été les actions mises en œuvre ?

Dans le cadre de ce comité sur l'énergie, on a fait remonter les entreprises qui ne jouaient pas le jeu en imposant des conditions anormales à leurs clients dans le contexte de crise. Plus récemment, nous avons mis en place une check-list énergie.

Beaucoup d'entreprises ne lisent pas leur contrat d'énergie. Il est important qu'elles sachent si elles ont droit au tarif protégé. Beaucoup d'entreprises vont signer des contrats sur le marché libre alors qu'elles pourraient être au tarif régulé.

Il existe plusieurs façons d'optimiser son contrat en jouant sur les tarifs de jour ou les tarifs de nuit. Il existe des prix de référence sur le site de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Lire aussiPourquoi l'extension du modèle ibérique à l'Europe permettrait de faire baisser les prix de l'électricité

Quelles sont vos perspectives d'activité pour 2023 ?

Les activités de médiation vont se poursuivre sur les sujets d'énergie, de matières premières, les délais de paiement. Toutes ces difficultés ne vont pas s'arrêter. Nos activités traditionnelles de ruptures de contrats, de propriété intellectuelle vont continuer. Je m'attends à un niveau d'activité au moins équivalent à 2022, voire plus si l'économie continue à se tendre.

Pourrait-on assister à une hausse des défaillances au premier trimestre 2023 ?

Les défaillances retrouvent des niveaux proches à la période pré-Covid même si on est encore en deça. Tout va dépendre de la conjoncture et de l'évolution des aides. A ce stade, il y a surtout un effet « rattrapage ». Les entreprises indiquent que les carnets de commande sont pleins.

Elles expriment surtout de l'incertitude sur la visibilité. Même si pour l'instant la conjoncture tient, je lance un appel à la vigilance. Il s'agit de bien connaître les outils mis à disposition des entreprises. S'agissant des grands acteurs, c'est le moment de payer en temps et en heure pour ne pas accélérer les difficultés des TPE et PME.

Les potentielles coupures d'électricité pourraient-elles avoir des répercussions sur l'économie française ?

Nous en parlons régulièrement au sein du comité énergie. Il y a eu un recensement des entreprises en fonction du niveau de « criticité ». Normalement, les entreprises qui se situent dans des secteurs critiques ne devraient pas être affectées. Pour les autres entreprises, les coupures devraient durer deux heures sur un calendrier anticipé. Elles seront prévenues. Je ne crois pas à un impact fort sur l'économie.

Lire aussiCoupures d'électricité cet hiver: les préfets priés d'envisager tous les scénarios pour préparer le pays

Propos recueillis par Grégoire Normand

Grégoire Normand
Commentaires 13
à écrit le 16/12/2022 à 9:47
Signaler
Les sanctions contre la Russie aussi ne devaient pas avoir un impact fort en France et en Europe...

à écrit le 15/12/2022 à 23:31
Signaler
faire payer à autrui plus qu' il ne doit , tout ses dirigeants ..une honte

à écrit le 15/12/2022 à 18:15
Signaler
Parallèle : « Les coupures d'électricité ne devraient pas avoir un impact fort sur l'économie », Pierre Pelouzet. Crise de l'énergie : le cri d'alarme de la CPME

à écrit le 15/12/2022 à 14:51
Signaler
Discours d'un fonctionnaire hors sol paye grassement par les impots des travailleurs. Faudrait ressortir le rasoir national.....

à écrit le 15/12/2022 à 12:37
Signaler
Il oublie de dire que le prix de l’énergie est intenable pour une multitude d.entreprise. On voit déjà des commerces qui ferment dans nos petites villes et pour les autres ce sera le coup de grâce. Rendez vous en avril monsieur le previsionniste

à écrit le 15/12/2022 à 10:53
Signaler
"L'année dernière, l'économie est repartie"? Eh bien, vous vous contentez de vraiment peu. Pour votre gouverne, en dépit des chiffres manipulés et des discours de politique politicienne plus grotesques les uns des autres comme autant de méthodes Coué...

à écrit le 15/12/2022 à 10:19
Signaler
Les 'sanctions' contre la Russie sont déjà en train de tuer toutes les entreprises que d'éventuelles coupures auraient pu mettre en danger.

à écrit le 15/12/2022 à 9:54
Signaler
« Les coupures d'électricité ne devraient pas avoir un impact fort sur l'économie » non.. juste l'augmentation de 400% pour les artisans et industriels. plutot une coupure d'entreprise.

à écrit le 15/12/2022 à 9:53
Signaler
Ce n'est pas les coupures qui ont un impact, mais le doute permanent... qui fait que l'on n'ose plus !

à écrit le 15/12/2022 à 9:42
Signaler
Il est bien le Pelouzet ?

à écrit le 15/12/2022 à 9:27
Signaler
Mediateur ... faire de la pédagogie ... il doit sacrément brouter la Pelouzet

à écrit le 15/12/2022 à 9:13
Signaler
L'électricité est le sang de l'économie, un pays ne peut s'en sortir qu'à condition que cette électricité soit abondante à un prix stabilisé.. Le reste n'est que du bavardage..

à écrit le 15/12/2022 à 8:51
Signaler
Ce n'est pas les coupures qui ont un impact, mais le doute permanent... qui fait que l'on n'ose plus !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.