Créations d'usines et relocalisations : la France n'est pas encore sur la route de la réindustrialisation, note Trendeo

La France a enregistré plus de créations d'usines que de destructions en 2022 pour la seconde année consécutive, selon le dernier bilan du cabinet Trendeo. Après un pic en 2021 (123), le solde entre les ouvertures et les fermetures de sites retombe à 80 et les relocalisations s'essoufflent pour passer de 90 à 49. En revanche, le nombre d'emplois détruits a grandement baissé.
Grégoire Normand
Le site de BASF à Chalempé en Alsace a bénéficié d'un investissement en 2022.
Le site de BASF à Chalempé en Alsace a bénéficié d'un investissement en 2022. (Crédits : Reuters)

L'éclatement du conflit en Ukraine n'a pas plongé l'industrie tricolore dans un profond marasme. Un an jour pour jour après l'invasion de l'armée russe sur le sol ukrainien, les derniers indicateurs du cabinet Trendeo dévoilés ce jeudi 2 mars ne semblent pas indiquer de coup de frein brutal de l'activité du Made in France. En 2022, l'Hexagone a même enregistré un solde positif d'implantations de 80 usines, avec 150 ouvertures contre 70 fermetures. Il s'agit d'une baisse par rapport à 2021. La France avait connu cette année-là un solde positif de 150 implantations dans le contexte du rebond économique post-pandémie. Mais le recensement établi depuis une quinzaine d'années souligne une situation plus favorable.

Après avoir atteint un creux en 2015 à -610, le cumul des pertes d'usines depuis 2009 se redresse progressivement pour atteindre -343 l'année dernière. «2022 est une année record avec moins de destructions d'emplois. Beaucoup de projets ont été annoncés », a déclaré David Cousquer créateur et gérant du cabinet contacté par La Tribune. En même temps, c'est une année qui est allée en descendant si on regarde les chiffres trimestre par trimestre », a-t-il ajouté.

Made with Flourish

Ces chiffres ne doivent pas faire oublier que les difficultés de l'industrie tricolore sont loin d'être effacées. Sur le plan conjoncturel, le dernier indice PMI des directeurs d'achats dans l'industrie publié mardi premier mars montre un recul important de la production. « Le très léger rebond du secteur manufacturier français observé en début d'année semble déjà s'essouffler », a déclaré l'économiste S&P Global Market Joe Hayes.

Au niveau structurel, l'économie tricolore souffre toujours d'un déficit commercial vertigineux. La part de l'industrie dans le produit intérieur brut (PIB) n'a cessé de dégringoler ces dernières décennies. Et les récents chiffres ne risquent pas de changer la tendance rapidement.

La multiplication des crises (pandémie, énergie, climat) ces dernières années a jeté une lumière crue sur l'extrême dépendance de la France en matière de santé (masques, médicaments), d'énergie, de matières premières ou de composants électroniques. Le prolongement de la guerre en Ukraine risque de doucher les espoirs d'une réindustrialisation rapide et durable sur le sol français.

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Moins de créations d'usines mais plus d'emplois : le paradoxe de 2022

L'un des résultats importants dévoilés par le cabinet est que le nombre d'emplois crées dans l'industrie a augmenté par rapport à 2022 tandis que le solde d'usines recensées à baissé. Ce surprenant paradoxe s'explique par « des usines qui sont en moyenne plus grandes qu'en 2021, » explique David Cousquer. Le nombre moyen d'emplois par nouvelle usine annoncée augmente régulièrement pour passer de 50 à 70 environ entre 2019 et 2022.

« Sur les 35.000 emplois industriels créés, 5.000 sont apportés par des nouvelles usines et 30.000 correspondent à des extensions de sites. Depuis 2009, on a remarqué que la part des extensions dans les créations d'emplois est de plus en plus importante », ajoute-t-il. Cette tendance ces dernières années illustre « un manque de foncier en France », selon lui.

Investissements : l'électronique, l'énergie et la chimie tirent leur épingle du jeu

Au tableau des investissements, le matériel informatique et l'électronique (7,5 milliards d'euros), la production d'électricité et de gaz (1,8 milliard d'euros) et l'industrie chimique (694 millions d'euros) font la course en tête en termes de montants. A l'opposé, la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique (210 millions d'euros), les équipements électriques (217 millions d'euros) et le recyclage des déchets (302 millions d'euros) sont relégués en bas de classement. « On peut aussi noter une dynamique importante dans l'alimentaire en nombre de projets, souligne David Cousquer. Mais aussi, dans les énergies renouvelables, les batteries, l'aéronautique », complète-t-il.

En 2023, des signaux d'alerte

En dépit de ce bilan relativement favorable, l'horizon pour les industriels est loin d'être optimiste. Les prix de l'énergie ont certes commencé à ralentir mais les pressions inflationnistes demeurent dans de nombreux secteurs. L'indice des prix à la consommation est repartie à la hausse en février à 6,2% contre 6% janvier selon les derniers chiffres de l'Insee dévoilés mardi premier mars. Les prix dans l'alimentaire ont continué de grimper à 14%, mettant sous pression de nombreuses entreprises dans l'agroalimentaire. « En 2023, le nombre d'emplois créés dans l'industrie pour l'instant est inférieur à 2022. Beaucoup de signaux d'alerte surgissent, » prévient David Cousquer. Il cite notamment l'exemple de Fleury Michon qui vient d'annoncer la fermeture d'une usine en Ile-et-Vilaine ou de l'enseigne Gap placé en redressement judiciaire.

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Outre ces points de vigilance, quelques industriels en Europe menacent toujours de délocaliser leur site de production aux Etats-Unis où les coûts de l'énergie sont bien plus bas que sur le Vieux continent. L'annonce de l'Inflation Reduction Act (IRA) par le président Joe Biden a mis les chefs d'Etat de l'UE sous pression. « L'Europe souffre d'une sous représentation dans les giga-factories (semi-conducteurs par exemple) , souligne David Cousquer. La France peine à attirer des grands sites en raison de sa politique foncière spécifique », ajoute-t-il. Le chemin vers la réindustrialisation s'annonce encore périlleux.

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Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 02/03/2023 à 18:08
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Bonjour, L'emploie au plus haut , bien sûr si ons ne compte pas les 5 000 000 de France sans travail et les jeune retraité de la fonction publique... Donc tous vas .... A 6 millions près ils y a le pleines emplois...

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