Crise des banlieues : Emmanuel Macron renvoie la balle aux élus locaux

POLITISCOPE. Il y a huit ans, au lendemain des attentats du 13 novembre, le jeune ministre Emmanuel Macron avait promu une lecture globale et non seulement sécuritaire face à la jeunesse des quartiers. S'en était suivi un discours sur l'égalité réelle, qui a conduit au dédoublement des classes dans les zones prioritaires d'éducation. Aujourd'hui, face aux récentes émeutes, le président Macron renvoie à la responsabilité des familles et se tourne vers les élus de terrains plutôt que de proposer un nouveau plan Marshall pour les banlieues comme l'y avait invité Jean-Louis Borloo.
(Crédits : YVES HERMAN)

Après des nuits d'émeutes, Emmanuel Macron a tenté de reprendre la main cette semaine sur le front de la communication. Mardi, alors que 250 maires étaient reçus à l'Élysée, le président a glissé qu'il n'y avait « pas de solution miracle ». Et d'expliquer qu'il n'était pas question d'un « quoi qu'il en coûte » pour les banlieues : « La santé est gratuite, l'école est gratuite, et on a parfois le sentiment que ce n'est jamais assez », affirmait Emmanuel Macron devant les élus locaux. Jeudi, alors que le calme était globalement revenu dans les « quartiers », le président s'est déplacé à Pau, dans le fief de François Bayrou, son « allié » au parlement depuis 2017. « L'ordre a été rétabli », s'est-il alors félicité. Devant les élus locaux, Emmanuel Macron a toutefois lancé : « J'ai besoin de vous ».

Le président a précisé ensuite sa pensée : « La réponse ne viendra pas du président ou du gouvernement. Elle viendra d'une capacité à mettre en vibrations le pays dans toutes ses strates ». Et d'évoquer une nouvelle perspective de décentralisation « pour éviter que ce soit « toujours sur [sa] pomme que ça retombe », tout en soulignant : « D'évidence, nous avons un problème d'autorité, qui commence par la famille (...) les politiques publiques ne peuvent pas tout prendre. C'est une culture profonde qu'il faut rebâtir ». Des propos dans la droite ligne de la loi contre le « séparatisme » de 2021.

Il est loin le temps où Emmanuel Macron tentait de séduire la jeunesse lorsqu'il était jeune ministre de l'Économie de François Hollande. Qui se souvient encore aujourd'hui du discours qu'il a donné, une semaine à peine les terribles attentats du 13 novembre 2015, à la cinquième université des Gracques, ce groupe de hauts fonctionnaires qui militait pour un rapprochement entre le centre-gauche et le centre-droit ? Alors que le pays est encore sous le choc, Emmanuel Macron promeut une lecture globale et pas uniquement sécuritaire, se différenciant de Manuel Valls et François Hollande : « Il y a un terreau que nous avons laissé constituer, et ce terreau, c'est notre responsabilité. Alors si la sécurité, la violence légitime de l'État, est évidemment la première réponse à apporter à ce qui s'est passé vendredi dernier - et notre devoir absolu, parce que c'est le mandat premier de l'État -, notre responsabilité est aussi d'accepter l'idée que nous avons une part de responsabilité, parce que ce totalitarisme se nourrit de la défiance que nous avons laissé s'installer dans la société (...) Nous devons reconnaître que lorsque nous avons accepté de ne pas voir, nous avons enfermé certains de nos concitoyens dans leurs propres difficultés, dans les murs qui s'étaient créés autour d'eux ».

Le jeune Macron évoque alors sa volonté de transformer la société pour permettre davantage de « mobilité sociale », et de pointer de nouveau « la responsabilité des élites », lesquelles devraient « accepter de laisser la place à d'autres, d'arrêter, de passer le relais, de laisser les plus jeunes, les plus en difficulté parfois dire et faire, changer cette société en l'ouvrant ».

Et Emmanuel Macron d'insister : « Nous sommes une société - et je le dis ici puisque nous sommes les premiers coupables collectivement -, nous sommes une société de plus en plus endogame, nous sommes une société où les élites se ressemblent de plus en plus, nous sommes une société où nous avons construit la capacité à fermer la porte ».

Près de huit ans plus tard, la porte a-t-elle été ouverte ? Les chiffres sont terribles. Les quartiers classés en « politique de la ville » sont passés d'environ 200 au milieu des années 1990 à plus de 1.400 vingt-cinq ans plus tard, malgré les promesses récurrentes de retour au droit commun. 8% de la population française y résident (et 13% des Franciliens).

En 1996, le « plan Marshall » pour les banlieues avait pour objectif de résorber la crise urbaine, multipliant zones franches et dispositifs dérogatoires qui ne devaient durer qu'un temps. Puis sont venus les programmes de rénovation urbaine engagés par Jean-Louis Borloo dans les années 2003-2004 qui vont changer la physionomie et la qualité des immeubles résidentiels, en améliorant aussi très sensiblement les équipements publics des quartiers défavorisés.

Mais ces politiques publiques ne parviennent pas pour autant à enrayer la concentration de la pauvreté dans les mêmes quartiers des principales conurbations françaises. Le bâti change, non la composition sociologique. A l'automne 2005, des centaines de quartiers sensibles s'embrasent à la suite d'incidents dramatiques survenus à Clichy-sous-Bois. Durant trois semaines d'émeutes, 10.000 véhicules et 230 bâtiments publics avaient été alors incendiés ou dégradés, 200 membres des forces de l'ordre blessés, 3.000 personnes arrêtées.

Avant les émeutes de la semaine dernière, tout le monde semblait l'avoir oublié. Et on a aujourd'hui le sentiment amer d'un éternel recommencement. Il y a dix huit ans, le président Jacques Chirac tenait à rappeler : « Je veux dire aux enfants des quartiers difficiles, quelles que soient leurs origines : ils sont tous les filles et les fils de la République. »

Marc Endeweld

Commentaires 17
à écrit le 09/07/2023 à 9:12
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Ça y est ,on est sauvé . Après les émeutes, la Première ministre annonce « des moyens massifs pour protéger les Français » les 13 et 14 juillet.

à écrit le 08/07/2023 à 19:07
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Quoi, il se tourne vers les élus de terrains ? Macron qui joue le VRP international, qui présente la France comme grande puissance (alors que les Français sont revenus sur terre), qui veut tout diriger (qui s´insère dans les détails des lois), en arr...

à écrit le 08/07/2023 à 18:10
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c'est macron cameleon il change de braquet comme sa l'arrange il a le temps de nous chanter encore de nouvelles chansons il a du prendre des cours chez poutine pas credible de belles paroles de belles phrases avec pour finir un bouquet final fane ...

à écrit le 08/07/2023 à 17:07
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Ils ont aucune idée et de plus c est allé contre leur électorat . vous imaginez une personne lisant ça et dont le bar tabac qui représente toute une vie a été saccagé

à écrit le 08/07/2023 à 16:26
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Pour une fois, il a entièrement raison.

à écrit le 08/07/2023 à 14:38
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micron n'est rien. Incapable de gouverner avec une vision pour le futur. Il s'en contrefiche. Le pays n'est qu'un concept. Fallait voter, un choix etait possible. Quatre longues annees vous attendent avec bien des desillusions a la cle.

à écrit le 08/07/2023 à 13:01
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Quand on parle de banlieues sensibles , on parle bien de ces zones de non droit où règne les trafics en tout genre, où moins de 20% son européens et où les habitants qui ne font pas partie des 80% vivent dans la peur ? Ah je comprends mieux.....

le 09/07/2023 à 15:49
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Non ces zones sont bien contrôlée et calme car si les jeunes empêchent les trafics les dealers ne peuvent plus vendre donc ils les tiennent.

à écrit le 08/07/2023 à 11:47
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A eux-seuls, les 1 500 « quartiers prioritaires » concentrent un taux de pauvreté 3,5 fois plus élevé que dans le reste du pays. 44 % des habitants y vivent vous le seuil de pauvreté.

à écrit le 08/07/2023 à 11:24
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Sur la forme, d'un côté, le président Macron n'a pas tord de renvoyer une tranche de la patate chaude sur la responsabilité des familles démissionnaires et les élus de terrains qui se sont reposés sur leurs lauriers durant des décennies. Tout comme i...

le 08/07/2023 à 13:57
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qui detruit l'histoire du pays qui essai de faire copin avec le gouvernement d'algerie sur le dos du maroc a force de vouloir reecrire la societe francaise a sa convenance personnel et au coup par coup quand cela lui convient la recuperation c'es...

à écrit le 08/07/2023 à 9:01
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"Crise des banlieues" où plutôt, crise de la police déguisée en crise des banlieues parce que ne sachant que dissimuler leurs échecs sous le tapis. Quand je vous le dis que notre classe politique a besoin que ces banlieues restent telles qu'elles son...

le 08/07/2023 à 16:25
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Le sage montre la lune, tout ça, tout ça…

le 08/07/2023 à 16:53
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Il y aurait lieu de mettre le sujet à sa place Il faut mettre l sujet à sa place. Qui sont les gens qui ont cassé ? De quelle ex nationalité proviennent-ils ? Il y aurait eu 3000 interpellations semble-t-il. Qu'on les convoque et les fassent défiler ...

le 08/07/2023 à 17:54
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"Qui sont les gens qui ont cassé ?" Je te parle d'avant, t'inquiètes pas sémantiquement je suis en béton armé ce que j'écris est indémontable, tandis que le problème c'est qu'un flic exécute un jeune tout est fait pour éviter de mettre le doigt s...

à écrit le 08/07/2023 à 8:52
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vous avez sous les yeux la veritable vision de l'illusioniste en fonction lui qui insulte le peuple francais lui qui detruit l'histoire de la france et maintenant une foi de plus il lache les elus au lieu de faire l'union des francais

à écrit le 08/07/2023 à 8:46
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Tout ce que l'on peut sous entendre c'est, que ce n'est qu'un "Ponce Pilate" avec de l'argent public !

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