Croissance, inflation : l'OFCE noircit ses prévisions pour l'économie française

L'OFCE a révisé la baisse ses prévisions de croissance pour 2022 à 2,4% contre 2,7% il y a seulement deux semaines. Le plongeon brutal de la consommation au premier trimestre, la croissance économique moins forte que prévu en 2021 (6,8% au lieu de 7%) et l'inflation élevée ont amené les économistes assombrir leurs projections.
Grégoire Normand
Le recul de la consommation au premier trimestre a plombé l'activité.
Le recul de la consommation au premier trimestre a plombé l'activité. (Crédits : Reuters)

La guerre en Ukraine et les effets de la pandémie continuent de donner le vertige aux économistes. Après avoir dévoilé une prévision il y a 15 jours, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a de nouveau dégradé ses chiffres de croissance pour 2022 passant de 2,7% à 2,4%"Le scénario n'a pas changé. Les chocs restent les mêmes. En revanche, ce qui a changé est l'acquis de croissance à la fin de l'année 2021. Il est moins positif qu'annoncé auparavant [...] Le retournement a été plus brutal qu'anticipé", a déclaré l'économiste Mathieu Plane lors d'un point presse ce jeudi 9 juin.

Pour rappel, l'acquis de croissance est le taux de croissance que la France obtiendrait si l'activité restée figée aux troisième et quatrième trimestres à son niveau prévu pour le deuxième. La semaine dernière, l'Insee a révisé à la baisse la croissance du PIB au premier trimestre, en recul de -0,2% contre 0% auparavant, et également ses résultats pour l'année 2021 à 6,8% contre 7% auparavant. Si le rebond économique de 2021 est spectaculaire, il fait suite au plongeon abyssal de 2020. Surtout, la trajectoire du produit intérieur brut reste très en deçà de sa tendance pré-covid.

PIB tendanciel

Une inflation à 4,9%, un record depuis 37 ans

La reprise économique en 2021 et la guerre en Ukraine ont propulsé l'indice des prix à la consommation à un niveau inédit depuis 37 ans. D'après les calculs du centre de recherches rattaché à Sciences Po Paris, l'inflation pourrait grimper à 4,9% en 2022. La principale contribution de cette hausse générale reste sans conteste l'énergie (+22%). "Hors énergie, elle serait de 3,2%", précise Mathieu Plane.

Face à cette envolée, l'exécutif a multiplié les mesures depuis l'automne dernier pour limiter les répercussions de cette inflation sur le revenu des ménages et celui des entreprises. Sans les mesures budgétaires, les économistes estiment que la hausse générale des prix aurait été supérieure de deux points (7%).

L'inquiétante baisse du revenu des ménages

La croissance au premier trimestre 2022 s'est en grande partie repliée en raison notamment de la baisse de la consommation, moteur traditionnel de l'économie tricolore. Il s'agit du plus grand plongeon de la consommation en un trimestre depuis 1950, à l'exception de 2020 et des périodes de confinement. "L'effet de cette inflation a directement un impact sur le pouvoir d'achat des ménages malgré les mesures annoncées. Le choc sur le pouvoir d'achat va entamer la consommation dans les prochains mois", avertit Mathieu Plane.

En effet, le pouvoir d'achat des salariés a nettement baissé au cours du premier trimestre en raison de l'inflation supérieure à la hausse des salaires. La hausse des prix de l'énergie amputerait le budget des ménages d'environ 90 euros en mars et avril derniers. D'après de récents chiffres de la direction statistique du ministère du Travail (Dares), le salaire réel, c'est-à-dire corrigé de l'inflation, est en chute libre pour de nombreuses catégories professionnelles. A ce stade, la spirale "boucle prix-salaire" est encore très loin d'avoir débuté. Au final, l'OFCE prédit une baisse du pouvoir d'achat de 0,8% à la fin de l'année 2022.

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Une épargne colossale de 169 milliards d'euros

L'autre résultat frappant de l'OFCE est la montagne d'épargne accumulée par les ménages qui s'élèvent à 169 milliards d'euros depuis le début de l'année 2020. Le taux d'épargne des ménages est encore loin d'avoir retrouvé son niveau d'avant crise (15%). En effet, les économistes estiment que ce taux serait encore de 16,7% en 2022 après 18,7% en 2021 et 22% en 2020.  "Face à un choc très fort, l'épargne joue traditionnellement le rôle d'amortisseur. Les aléas géopolitiques peuvent conduire à une prudence chez les ménages," souligne Mathieu Plane.

La guerre en Ukraine a fait plonger le moral des Français depuis le mois de février. "Les ménages sont très inquiets sur l'évolution des niveaux de vie en France," poursuit l'économiste. Il faut également rappeler qu'une grande partie de cette épargne concerne les familles les plus aisées. Dans le bas de la distribution, les ménages ont déjà puisé dans leurs économies. Cela a pesé sur la consommation. Les Français qui ont la plus forte propension à consommer sont situés plutôt dans le bas de l'échelle des catégories sociales.

Une stabilisation du chômage à 7,3%

Après avoir baissé en 2021, le chômage devrait se stabiliser autour de 7,3% de la population active. Malgré un ralentissement des créations d'emplois, les économistes ne prévoient pas de dégradation. "On anticipe un arrêt brutal de la baisse du taux de chômage au regard de l'évolution de la croissance. Il y aurait un fort ralentissement des créations d'emplois. On ne s'attend pas non plus à une hausse du taux de chômage", a expliqué Mathieu Plane devant les journalistes.

Parmi les facteurs qui peuvent expliquer cette stabilité du chômage malgré une croissance au ralenti est la faible hausse de la population active. A cela s'ajoutent des révisions méthodologiques. "Tout le niveau de l'emploi a été révisé à la hausse. Cette révision s'explique par la prise en compte de l'apprentissage dans les chiffres. Ce qui n'était pas le cas auparavant", a indiqué l'économiste Eric Heyer lors du point presse. Enfin, l'OFCE estime que certaines entreprises font de la rétention de main d'œuvre. "Aujourd'hui, les carnets de commande sont pleins mais il y a des difficultés d'approvisionnement. Les entreprises gardent certains emplois en espérant un retour à la normale de l'activité," ajoute l'économiste.

Le déficit en baisse

Sur le front des finances publiques, le solde des recettes et des dépenses des administrations publiques devrait poursuivre sa baisse en 2022 pour s'établir à -5,6% du PIB après -6,5% en 2021 et -8,9% en 2020. L'OFCE prévoit que les mesures budgétaires exceptionnelles pour faire face à tous ces chocs seraient moins coûteuses en 2022 (3,2% du PIB) qu'en 2021 (3,9%). De son côté, la dette devrait également s'infléchir pour atteindre 112% du PIB contre 114% en 2020. Evidemment, toutes ces prévisions restent encore soumises à de nombreux aléas, notamment sur le plan international.

Le prolongement de la guerre dans les mois à venir et la montée des prix de l'énergie pourraient obliger le gouvernement à devoir faire des rallonges budgétaires pour limiter la casse. La préparation du premier budget du nouveau quinquennat Macron présenté à la rentrée en septembre prochain pourrait virer au casse-tête. En effet, la confirmation du resserrement des taux annoncé par la Banque centrale européenne dès le mois de juillet devrait réduire les marges de manœuvre du gouvernement habitué à la politique monétaire accommodante de l'institution de Francfort.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 09/06/2022 à 20:34
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un gars du CNU avec lequel je travallais disait ' quand on n'y comprend rien on fait un joli graphique ou un joli schema', il n'avait pas tort, hollande a fait de l'inversion de courbe sur des modeles qu'il ne comprenait pas, he ben le socialiste lem...

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