France : le nombre d’exploitations agricoles va s’effondrer de 30% d’ici à 2035 (Insee)

Si la tendance actuelle se confirme, il y aura moins de 275.000 exploitations agricoles en France en 2035, sur des surfaces de plus en plus grandes, révèle l'Insee. Une évolution constante depuis un demi-siècle, mais qui aujourd'hui pose la question du type d'agriculture voulu par l'Hexagone à l'avenir.
Giulietta Gamberini
entre 1970 et 2020, la superficie agricole utile moyenne a été multiplié par plus de trois, en passant de 19 à 69 hectares. Elle pourrait dépasser les 90 hectares en 2035.
entre 1970 et 2020, la superficie agricole utile moyenne a été multiplié par plus de trois, en passant de 19 à 69 hectares. Elle pourrait dépasser les 90 hectares en 2035. (Crédits : STEPHANE MAHE)

En 2035, le nombre d'exploitations agricoles en France métropolitaine pourrait être inférieur de 30% à celui d'aujourd'hui et s'établir en dessous de 275.000. C'est ce que prévoit une étude sur la « Transformations de l'agriculture et des consommations alimentaires » publiée mardi 27 février par l'Insee. Sa projection se fonde sur une hypothèse : que « les tendances en matière de création, de disparition et d'agrandissement des exploitations observées entre 2011 et 2021 se maintiennent dans les années à venir ».

Dans ce cas, la surface agricole utilisée (SAU) moyenne des exploitations augmenterait, elle, de  45%, en dépassant les 90 hectares en 2035, selon un chiffre partagé avec La Tribune par l'Institut national de recherches pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Ce seraient d'ailleurs surtout les exploitations individuelles qui seront vouées à disparaître, en diminuant de moitié et, parmi celles-ci, notamment les plus petites, qui deviendraient de 10% moins nombreuses qu'aujourd'hui, souligne l'Insee. Le nombre d'exploitations de statut juridique sociétaire, lui, ne baisserait que de 1%, et le nombre des grandes, de plus de 200 hectares, augmenterait même de 34%.

Résultat: en 2035, les exploitations sociétaires, aujourd'hui minoritaires (42%) deviendraient majoritaires (59%). Et les exploitations de 100 hectares ou plus constitueraient 36% du total, contre 26% en 2020. Inversement, les exploitations de moins de 20 hectares passeraient de 38% à 30% du total.

Une « restructuration » continue

Cette évolution correspond en réalité non seulement à la tendance depuis 2011, mais à un mouvement constant et bien plus ancien, souligne l'étude. Entre 1970 et 2020, le nombre d'exploitations agricoles en France métropolitaine a en effet été divisé par plus de quatre, en passant de 1,6 million à 389.000. Dans les dernières décennies, la baisse annuelle du nombre d'exploitations a même plutôt ralenti, note l'Insee.

Pendant le même demi-siècle, la superficie agricole utile moyenne a été multipliée par plus de trois, en passant de 19 à 69 hectares. Une croissance qui a concerné tous les territoires, puisque « la SAU moyenne (...) dépasse presque partout 40 hectares en 2020 », selon l'étude.

Cette « restructuration » continue s'est accompagnée d'une concentration croissante de la main-d'oeuvre, et d'une spécialisation progressive des exploitations.

« Aujourd'hui, 35 % d'entre elles n'ont qu'une seule production économiquement significative, contre 19 % en 1988 », note l'Institut national de statistiques.

Mais l'inégalité de la distribution des terres est restée globalement « stable dans le temps », calcule l'Insee. Si le quart des exploitations les plus grandes totalisaient 66% de la SAU en 1970, elles en concentrent aujourd'hui un pourcentage très proche : 68%.

Une question existentielle

Bien que les syndicats agricoles et les pouvoirs publics insistent sur leur inquiétude face au défi du renouvellement des générations, la trajectoire qui se dessine n'est donc pas foncièrement nouvelle, souligne Cécile Détang-Dessandre, directrice scientifique adjointe Agriculture à l'Inrae. Les exploitants de plus de 55 ans, qui étaient 43% en 2020, étaient d'ailleurs déjà 45% en 1970, note-t-elle. Puisque le modèle de rationalisation et de recherche de productivité des fermes, qui a sous-tendu l'évolution des dernières décennies, ne fait plus l'unanimité aujourd'hui, et a atteint selon certains observateurs un plafond, ces projections posent toutefois une nouvelle question, existentielle: « quel type d'agriculture veut-on en France demain? », interroge la chercheuse.

Le taux de remplacement recherché, qui exprime le rapport entre les arrivées de nouveaux exploitants et les départs (de 7 sur 10 depuis 20 ans) variera en effet en fonction du modèle agricole qu'on poursuivra. Et si aujourd'hui les agrandissements des fermes se poursuivent -bien que souvent dans un cadre familial-, le nombre de nouveaux agriculteurs non issus du monde agricole augmente aussi, note Cécile Détang-Dessandre. On estime en effet qu'ils représentent désormais plus de la moitié des 22.000 nouveaux exploitants potentiels -dont un tiers n'aboutit pas- reçus chaque année par les points d'accueil et d'installation déployés par les Chambres d'agriculture dans chaque département. Et parmi les 6.000 qui reçoivent une dotation jeunes agriculteurs, un tiers s'installent hors cadre familial.

Une ouverture d'Emmanuel Macron

Une telle réflexion stratégique fait partie d'ailleurs des demandes des Jeunes agriculteurs depuis les dernières élections présidentielles, expliquait le 25 février dans La Tribune Dimanche le président du syndicat agricole.

« On a une vraie réflexion à avoir (...) sur comment repositionner la " ferme France " sur les marchés. Il s'agit d'abord d'identifier ces marchés. L'enjeu est ensuite de déterminer de combien d'agriculteurs on a besoin dans toutes nos filières (...) », détaillait Arnaud Gaillot.

« Une telle réflexion, d'ailleurs, n'intéresserait pas que les jeunes. Ceux qui sont actifs ou qui veulent transmettre leurs entreprises ont aussi besoin d'imaginer l'avenir de leurs exploitations », soulignait-il.

Samedi, au Salon de l'agriculture, en répondant aux délégués syndicaux qui l'interrogeaient, le président de la République semble avoir ouvert la porte à une telle idée, se réjouit Arnaud Gaillot. Mais les intentions d'Emmanuel Macron à ce propos n'ont pas encore été précisées.

Giulietta Gamberini
Commentaires 23
à écrit le 28/02/2024 à 13:53
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L’avenir de la france macronienne..guerres ,famines... Bon courage...

à écrit le 28/02/2024 à 11:10
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Pas etonnant, ils touchent trop de subventions et font de la capitalisation en plus exonérés d'impots et droit de successions en 700 000 et 1 200 000 ALORS Qu'à les entendre il ne gagnent meme pas le SMIC !!!!!!!!

le 28/02/2024 à 13:16
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voici le plan de m macron a instaurer a bruxelles par m canfin alors qu'il ne dise pas qu'il soutien le secteur agricole

à écrit le 28/02/2024 à 11:01
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Certains s'obstinent à penser qu'être agriculteur dans l'âme est suffisant pour en vivre ce qui est illusoire la bonne volonté ne suffit pas , tout le monde n'a pas les compétences pour gérer une exploitation, un commerce ou une activité artisanale ....

le 29/02/2024 à 9:49
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En fait, la démagogie droitière consiste à maintenir la tranche d'âge née avant 1955 dans les repères des 30 Glorieuses, une époque où même les mauvais avaient leurs chances car notre tissu productif était à l'abri de barrières protectionnistes, gras...

à écrit le 28/02/2024 à 10:34
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La solution est de subventionner massivement les exploitations respectueuses de l'environnement et de notre santé ! Et de taxer ceux qui font le contraire : un bonus malus comme dans l'automobile ! Ceux qui abusent des produits phytosanitaires nou...

à écrit le 28/02/2024 à 9:43
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Une très mauvaise nouvelle pour les finances publiques plus les petites exploitations ferment et plus le secteur nous pompe du fric. Bienvenu en UERSS empire de la corruption prévu pour durer mille ans.

à écrit le 28/02/2024 à 7:43
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On va éliminer tous ceux qui malgré les aides sont incapables d'être rentables.

le 28/02/2024 à 8:47
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Comme toute entreprise, celles de l'agriculture enregistrent des faillites. Un phénomène normal. Sont-elles le fait d'entreprises familiales reprises par des membres de la famille ou de nouveaux arrivants ? Dans les nouveaux arrivants, il faut distin...

le 28/02/2024 à 9:01
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En fait, les subventions servent à maintenir en vie des exploitations non-rentables car du fait du mode d'élection, les agriculteurs ont longtemps fait la pluie et le beau temps au Sénat...

le 28/02/2024 à 10:47
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@belineen : il n'est pas à exclure que ce soit la conséquence de divorce car statistiquement, la plupart des agriculteurs jouent aux entrepreneurs en vivant aux crochets de madame, mais ils sont généralement trop fiers pour l'admettre, comme les élec...

à écrit le 28/02/2024 à 4:12
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Une évolution irréversible et une excellente nouvelle pour la souveraineté alimentaire du pays. Et puis les écolos bobos arrêteront de nous casser les pieds avec leur dogmatisme bio.

à écrit le 28/02/2024 à 0:39
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"sur des surfaces de plus en plus grandes" Tu m'étonnes mon millionnaire céréalier de la FNSEA du haut de sa moissonneuse-batteuse américaine à ~250 000 euros rattissant son domaine agricole non soumis à l'ISF et polluant massivement les nappes...

le 28/02/2024 à 9:48
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oui, détruire la terre de France pour exporter du blé et ruiner l'agriculteur africain en plus.

le 28/02/2024 à 9:49
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oui, détruire la terre de France en étant subventionné par le contribuable pour exporter du blé et ruiner l'agriculteur africain en plus.

le 28/02/2024 à 10:22
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Apparemment, il y a un certain nombre de chapitres de l’évolution du monde rural qui vous ont manqué depuis 1789 et la fin de la monarchie où la France était totalement rural et suait sang et eau pour pouvoir survivre…..

le 28/02/2024 à 14:17
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@AdieuBCE, c'est bien ça le capitalisme "à la française" et dans ces conditions, l'Etat doit multiplier les politiques clientéliste pour embourgeoiser l'honnête homme et de tempérer de furieuses envies d'exécuter sommairement ce genre de margoulins.....

à écrit le 27/02/2024 à 22:47
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Entre agriculture intensive épuisant les sols décimant / la faune /la flore / détériorant la santé par les pesticides intrants - explosion des cancers et des maladies auto - immunes en 40 ans selon la dares -au paysage sinistre :allez donc voir le...

à écrit le 27/02/2024 à 20:15
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Un extrait de la présentation d'un gosplan de Breznev? « L'enjeu est ensuite de déterminer de combien d'agriculteurs on a besoin dans toutes nos filières (...) », détaillait Arnaud Gaillot.

à écrit le 27/02/2024 à 20:01
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Les départs en retraite sont l'occasion de moderniser le modèle paysan national. En augmentant la taille des exploitations, plus de personnes y travaillent, la paperasse sera rationalisée, des congés seront possibles, et permettra aux exploitations d...

à écrit le 27/02/2024 à 19:29
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L'endettement et la robotique, nous crée la surproduction qui nous mènera à notre perte !

à écrit le 27/02/2024 à 18:56
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Celui qui pousse son caddy chez Leclerc (et les autres) décide de la taille ,de la forme et de la culture présente dans les champs de tous nos producteurs : la quête incessante des prix les plus bas aura pour conséquence inévitablement la recherc...

à écrit le 27/02/2024 à 18:47
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Une évidence!

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