
En quelques jours, en quelques heures, tout a basculé. Aujourd'hui, tous les ingrédients sont réunis pour qu'une grave crise sociale s'impose dans le pays à quelques mois de l'hiver. Et comme au temps des Gilets Jaunes, l'Elysée comme le gouvernement n'ont rien vu venir. Il y a encore quelques semaines, seul le projet des retraites suscitait des inquiétudes dans les couloirs du pouvoir. Mais aujourd'hui, alors que le conflit sur les raffineries de Total et d'Exxon se tend, le mouvement de grogne prend de l'ampleur dans de nombreux autres secteurs. Galvanisée par les mobilisations dans les raffineries, la CGT sent que l'heure est venue pour la bagarre avec l'exécutif.
Les appels à la grève se multiplient dans les transports, dans les centrales nucléaires... Les réquisitions décidées en urgence par le gouvernement sont la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Les organisations syndicales appellent désormais à manifester le 18 octobre pour « les salaires et la défense du droit de grève ». Dimanche prochain, c'est au tour des forces politiques de la NUPES de donner de la voix à travers leur « marche » dominicale. Dans le mouvement social, le bruit d'une « grève générale » commence à monter.
Pour ne rien arranger, le gouvernement a subi un véritable camouflet à l'Assemblée Nationale avec le vote surprise d'une taxe sur les super dividendes. La macronie connaît subitement un vent de fronde, des rangs du Modem à certains députés Renaissance. Un peu plus tôt dans la soirée, Emmanuel Macron semblait totalement en décalage, comme hors sol, lors d'une émission sur France 2. Dans un monde idéal, le président aurait souhaité consacrer entièrement son passage télé à la situation internationale. Son irritation au sujet de la grogne sociale n'en était que plus visible lorsque la journaliste osa lui poser des questions à ce sujet.
La chienlit devant nous ?
« Le président depuis son élection ne s'intéresse plus vraiment à la France, il ne se projette plus qu'à l'international, le reste l'ennuie », déplorait justement quelques heures plus tôt l'un de ses soutiens. Au risque de ne pas apparaître à l'écoute et méprisant... Un cocktail potentiellement détonnant et qui avait déjà provoqué des étincelles lors du précédent quinquennat. D'autant plus que la crise énergétique et la hausse des prix peuvent être inflammables : « C'est la chienlit ! s'exclame un grand patron qui tient à préserver son anonymat. Il ne faut jamais oublier que les périodes de grande inflation ont toujours provoqué des changements de régime ! Cette équipe au pouvoir ne fait pas partie d'une génération qui a connu ces épisodes ».
Quelle ironie de voir que l'un des rares responsables politiques à avoir tiré la sonnette d'alarme sur la situation des raffineries est Édouard Philippe, lui qui avait laissé le mouvement des Gilets Jaunes éclore en imposant brutalement les 80 km/h à tous les Français en plus de la taxe carbone sur les carburants. Difficile de jouer les Cassandre : ses récentes déclarations, comme celles sur le dossier des retraites (l'ancien Premier ministre a proposé de porter l'âge de la retraite à... 67 ans), ont provoqué l'ire du président Macron. À l'Elysée, ce dernier n'est pas le seul à multiplier les piques contre l'ancien Premier ministre devenu quasiment l'ennemi numéro 1 en macronie. « Le président veut absolument tuer Édouard. Il préférera faire gagner Le Pen en 2027 plutôt que de permettre la victoire de son ancien Premier ministre », assure même un ancien macroniste. Dans cette perspective, la « chienlit » actuelle pourrait bien accélérer le mouvement...
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