Transport routier : le carburant commence à manquer, les transporteurs sur le fil du rasoir, l'acheminement des marchandises fragilisé

Le transport par la route reste indispensable à l'activité économique du pays car sans camions, aujourd'hui, impossible d'amener à bon port les marchandises jusqu'aux portes du moindre magasin d'alimentation du pays. Mais avec les grèves dans les raffineries, les difficultés d'approvisionnement des chauffeurs routiers atteignent un seuil critique, les compagnies de transport tirent le signal d'alarme.
Jérôme Cristiani
Outre les difficultés d'accéder aux stations-service et les temps d'attente démesurés qui désorganisent les plannings, certaines pompes sont, ou rationnées ou interdites aux poids lourds, fustige le secrétaire général de l'Otre, dénonçant notamment des refus de vente à E.Leclerc.
Outre les difficultés d'accéder aux stations-service et les temps d'attente démesurés qui désorganisent les plannings, "certaines pompes sont, ou rationnées ou interdites aux poids lourds", fustige le secrétaire général de l'Otre, dénonçant notamment des "refus de vente" à E.Leclerc. (Crédits : Reuters)

[Article publié le jeudi 13.10.2022 à 19:03, mis à jour avec CGF le 14.10. à 12:27]

Les compagnies de transport routier, indispensables pour acheminer les marchandises partout sur le territoire jusqu'au moindre magasin ou supermarché qu'il soit de ville ou des champs, tirent le signal d'alarme. La panne sèche n'est pas loin pour certains, a alerté Jean-Marc Rivera, le secrétaire général de l'organisation professionnelle OTRE, selon les propos recueillis jeudi par l'AFP.

Livraisons imprévisibles, quantités moindres... les transporteurs routiers "sur le fil du rasoir"

Pour le dirigeant de l'Organisation des transporteurs routiers européens OTRE, entre livraisons de carburant aléatoires et refus de vente dans certaines stations-service, les difficultés d'approvisionnement atteignent un seuil critique, les transporteurs routiers sont « sur le fil du rasoir ».

Pour les grandes compagnies de transport qui ont leurs propres cuves et qui avaient donc un peu de visibilité, les niveaux des stocks atteignent désormais des niveaux alarmants car les difficultés d'approvisionnement s'aggravent de jour en jour : ça devient très compliqué de se faire livrer du carburant, non seulement parce que les délais sont devenus imprévisibles mais encore les quantités elles-mêmes sont « souvent moindres" » note le représentant de l'OTRE.

« Aujourd'hui, on a des niveaux de cuve suffisamment bas pour dire que si rien de plus probant ne se passe d'ici la fin de cette semaine, les difficultés vont s'amplifier à partir de la semaine prochaine », a-t-il noté.

Jean-Marc Rivera note qu'on commence même à voir des véhicules à l'arrêt, et même si « cela reste encore à la marge », pour lui, « on est vraiment sur le fil du rasoir ».

Selon la Confédération des grossistes de France (CGF), 85% de ses membres ne disposent pas personnellement de cuve de carburant et, en moyenne, un plein permet de circuler entre deux et cinq jours selon le kilométrage et la fréquence de rotation.

Pour ceux qui possèdent une cuve, les stocks permettent de tenir entre trois et 15 jours.

Ces grossistes "craignent de réels risques d'arrêt d'activité à l'approche de la fin de semaine si la situation des livraisons ne s'améliore pas", assure la CGF.

Difficultés de ravitaillement en station-service avec même des refus de vente

Autre problème pour les entreprises qui n'ont pas leurs propres cuves, le ravitaillement en stations-service : « On fait face à des situations improbables », avec des problèmes pour accéder aux pompes théoriquement réservées aux véhicules lourds dans les stations-service et de très longs temps d'attente qui désorganisent les plannings.

« Certaines pompes sont, ou rationnées ou interdites aux poids lourds », a relevé le secrétaire général de l'Otre, dénonçant notamment des « refus de vente » à E.Leclerc.

"Stress de la panne sèche" et temps d'attente, la fatigue des routiers

"La situation n'est pas plus critique qu'elle ne l'était en début de semaine. Elle n'est pas meilleure", a estimé M. Rivera. "Le personnel est fatigué", entre temps d'attente supplémentaires et "stress de la panne sèche", a-t-il déploré.

« Le vrai levier aujourd'hui, c'est la levée des blocages et il faudra du temps, derrière, pour remettre toutes les cuves et toutes les stations-service à niveau », a-t-il relevé. « Pour l'instant, ce n'est pas le cas ! ».

Des réunions quotidiennes avec le ministère des Transports

Les organisations de transport routier ont des réunions quotidiennes avec le ministère des Transports et ont rencontré jeudi le ministre de l'Économie Bruno Le Maire "pour évoquer les conséquences économiques, car il y en a déjà pour nous", a encore indiqué Jean-Marc Rivera.

La hausse des prix du gazole et les temps rallongés de livraisons, « ça nous coûte », a-t-il soupiré.

« On est très inquiets pour la fin du mois d'octobre, avec la fin de l'aide généralisée à la pompe », a-t-il noté. L'OTRE réclame pour la suite des aides ciblées pour les « gros rouleurs professionnels. »

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ZOOM - Deux exemples de l'effet domino de la pénurie de carburants

Les aides à domicile

Les activités d'aide à domicile (qui se décompose en aide aux familles, aux personnes âgées, en situation de handicap) représentent en France quelque 536.000 personnes (chiffres 2012-2014), autant de personnes dont le métier implique de se déplacer tout au long de la journée pour rallier les habitations où leurs services -indispensables - sont requis pour assurer la prise en charge de personnes qui éprouvent des difficultés pour assumer seules des activités de vie quotidienne, certaines vitales comme la prise de repas. Si l'on prend en compte toutes les personnes employées par des particuliers, il faut ajouter encore quelque 410.000 personnes pour les gardes d'enfants, et près de 1 million de personnes qui assurent un autre type de service (repassage, soutien scolaire, ou ménage)...

Or, s'alarme dans un communiqué, la Fédération du service aux particuliers (FESP), qui représente les entreprises privées du secteur, d'ores et déjà, certains intervenants, tributaires de leur voiture, "ne peuvent plus assurer leurs visites et doivent prioriser leurs interventions".

Faute de carburant, "certaines personnes vont rester alitées. L'essence est un besoin vital!", a souligné le président de cette fédération, Brice Alzon.

La pénurie d'essence provoque une "vive inquiétude des professionnels du grand âge", a également souligné le Synerpa, principal syndicat privé des Ehpad et des structures d'aide à domicile, qui réclame des "dispositifs de priorisation de l'Etat".

Problème, les préfets ayant accordé un accès prioritaire à la pompe aux services à domicile sont actuellement très minoritaires, affirme l'association AD-PA, qui regroupe des directeurs d'Ehpad et de services d'aide. Sur 60 départements où cette association a sondé ses adhérents, seuls 6 bénéficiaient jeudi d'une telle mesure.

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Les auto-écoles

En France, les auto-écoles qui peinent de plus en plus à se ravitailler en carburant s'organisent alors que la menace du chômage partiel plane si les grèves chez TotalEnergies et Esso-ExxonMobil venaient à durer, selon les professionnels du secteur.

"Depuis quatre-cinq jours, c'est la catastrophe" pour trouver du gazole, soupire Françoise Ernst dans les locaux de l'auto-école du 17e arrondissement de Paris dont elle est salariée. Les 14 moniteurs de cette auto-école des Batignolles font avec les moyens du bord: ils patientent dans les longues files d'attente, "le soir, la nuit, et même le dimanche" en dehors de leurs horaires de travail, explique Coraline Barré, la secrétaire qui doit refaire régulièrement les plannings en raison des reports de cours.

Mais il n'y a pas qu'à Paris intramuros que la situation est critique: "Mon stagiaire a commencé à faire la queue à 17H00, j'ai pris le relais à 20H00 pour finalement faire le plein à 21H20" dans une station essence de Levallois, témoigne un gérant d'auto-école de la petite couronne qui a requis l'anonymat.

Certaines auto-écoles sont elles contraintes de procéder à de pures annulations "en attendant de trouver de l'essence", explique à l'AFP Patrick Crespo, président du réseau d'auto-écoles et de centres de formation CER basé à Paris.

Des auto-écoles ont également "affecté un membre de leur personnel pour faire les pleins", afin que les formateurs puissent travailler avec des voitures en permanence ravitaillées, raconte Bruno Garancher, président de l'École de conduite française (ECF).

Mais cette débrouille ne peut qu'être provisoire. "La situation est plus que tendue (...) des mesures de chômage partiel risquent d'être rapidement prises si la situation ne revient pas à la normale très rapidement", craint-il.

(avec AFP)

Jérôme Cristiani

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Commentaire 1
à écrit le 14/10/2022 à 19:48
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il suffit de debloquer les depots avec des methodes de gauche, petries de bienveillance, et utilisees par ceaucescu le tolerant, par exemple........quelques chars, des hk pour les hommes, et zou, c'est parti pour un coup de bienveillance, et en 5 mn,...

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