Pas question pour Emmanuel Macron de concéder à la presse française et internationale une erreur de sa part comme ministre de l'Economie de François Hollande sur le dossier Uber. Le président « assume ». Tout. Malheureusement pour lui, la polémique a occulté sa visite à Grenoble qui visait à saluer la décision du groupe franco-italien STmicroelectronics d'y investir dans une nouvelle usine pour la modique somme de 5,7 milliards d'euros, en étant associé à GlobalFoundries, géant américain des semi-conducteurs désormais sous contrôle d'un fonds d'Abu Dhabi.
Cela devait être l'effet d'annonce principal du sommet « Choose France », destiné à promouvoir « l'attractivité » de la France. Étrange tête-à-queue médiatique pour un président qui a fait de la drague des groupes étrangers, notamment les fameux GAFAM, une priorité depuis son passage au ministère de l'Economie.
Deux jours plus tard, changement de décor : le président s'adresse aux Armées à l'hôtel de Brienne puis à la Nation lors de la (traditionnelle mais oubliée) interview présidentielle du 14 juillet. Aux militaires, Macron a promis une augmentation notable de leur budget dans les toutes prochaines années jusqu'à 50 milliards d'euros, tout en leur demandant davantage d'efforts dans l'encadrement du « SNU », ce si cher Service National Universel (ce programme coûte pas moins de 1,7 milliard d'euros par an)... Le président en a profité pour souligner qu'il était nécessaire d'assurer la « cohésion » de la Nation et de s'assurer du bon moral des « citoyens » en ces temps de guerre en Europe...
Moqueries sur les réseaux sociaux
Le ton est donné. Macron, dont la majorité toute relative est aujourd'hui empêtrée à l'Assemblée Nationale, a décidé d'emprunter le costume du chef de guerre. Une trouvaille martiale qu'il n'a cessé d'utiliser pour envoyer des messages aux Français depuis sa prise de pouvoir en 2017. Alors que les mauvais sondages s'accumulent dangereusement pour lui depuis quelques jours et que Le Monde le décrit comme déprimé, le président a décidé de retrouver les accents conquérants de ses débuts à l'Elysée en participant à un vol avec la patrouille de France. Une première. Enfilant la combinaison de pilote de chasse, il s'est attiré les moqueries des réseaux sociaux, les internautes pointant le mimétisme des photos avec le nouveau Top Gun de Tom Cruise. Comme la star hollywoodienne, on a parfois l'impression qu'Emmanuel Macron renâcle à vieillir, et souhaite continuer à profiter de son (ancien) statut de jeune premier.
Le retour du « tragique » en Europe, comme il aime le rappeler à longueur d'interviews, ne lui permet guère de retrouver son insouciance des origines. En pleine canicule, son interview du 14 juillet est apparue sans souffle. La forme était peut-être ratée, mais comment faire autrement quand pour seul projet le président se retrouve à dire aux Français : préparez- vous, vous allez en baver dans les prochains mois. Fini le temps du « quoi qu'il en coûte » pour les entreprises, petites et grandes, mais fini également le temps de « l'État providence ». Emmanuel Macron prévient : il souhaite aboutir à une « réforme » des retraites d'ici à 2023 et est décidé à approfondir la transformation de l'assurance chômage pour durcir encore les conditions d'indemnisations des chômeurs. Deux dossiers où il va pourtant rencontrer une vive opposition des syndicats bien décidés à en découdre à la rentrée. Ironie du sort : dans les jours qui ont précédé ces annonces, le magazine Challenges a publié son traditionnel numéro des 500 plus grosses fortunes de France dans lequel on peu découvrir une partie de leur patrimoine immobilier.
En ce mois de juillet où les aéroports se retrouvent totalement désorganisés, et où les manifestations se multiplient dans le monde entier (aux Pays Bas et en Italie notamment), il ne faudrait pas grand chose pour que le chef de guerre Macron se retrouve avec un blocage majeur du pays, du fait d'une population essorée par deux ans de contrôle sanitaire sur le Covid et particulièrement angoissée par l'inflation.
Sobriété énergétique
Et ce n'est pas les paroles présidentielles de ce 14 juillet qui auront permis aux téléspectateurs de se rassurer. Au delà des dossiers sociaux, le président a prévenu que la guerre en Ukraine était partie pour... durer, et qu'il fallait également que le pays se prépare à se passer de gaz russe. Sur ce terrain de l'énergie, Macron en a appelé à la responsabilité de tous pour tendre vers la « sobriété ». Après le choc pétrolier de 1973, le choc gazier de 2022 ? Les Français se demandent surtout pourquoi on en est arrivé à une telle extrémité en moins de deux ans, et pourquoi nos responsables politiques comme économiques n'ont rien anticipé. Manifestement les postures martiales et le logiciel des « réformes » sociales ne suffiront pas à régler toutes ces questions cruciales dans les prochains mois. Pour le général en chef Macron, c'est donc l'alerte rouge.