L'aéroport de Dole-Jura se dote d'une nouvelle gouvernance pour assurer sa survie... sans la Région Bourgogne Franche-Comté

Il est le seul aéroport commercial de la région Bourgogne-Franche-Comté. Mais son développement reste incertain. Vendredi 8 mars, le département du Jura, jusque-là le principal financeur, a appelé ses voisins départementaux et métropolitains à la rescousse, afin de signer une alliance pour la gestion et le développement de cette infrastructure vitale. Le conseil régional, curieusement, a brillé par son absence autour de la table...
Les élus du nouveau partenariat départemental et métropolitain de mobilité aérienne, signé ce vendredi 8 mars, à l'aéroport de Dole-Jura (la métropole de Dijon, la Côte d’Or, la Sâone-et-Loire, le Doubs) autour du président de la structure, Clément Pernot.
Les élus du nouveau partenariat départemental et métropolitain de mobilité aérienne, signé ce vendredi 8 mars, à l'aéroport de Dole-Jura (la métropole de Dijon, la Côte d’Or, la Sâone-et-Loire, le Doubs) autour du président de la structure, Clément Pernot. (Crédits : AMANDINE IBLED)

Le Jura, ses montagnes, ses forêts... et son aéroport de « Dole-Jura » peu connu, pourtant fréquenté par 125.141 passagers en 2023. Mais pour maintenir cette infrastructure régionale, Dole-Jura est face à des échéances d'investissements obligatoires pour conserver l'agrément européen d'accueil des vols commerciaux réguliers. Or, le département du Jura ne peut plus assumer seul ces dépenses. Jusqu'à aujourd'hui, ce dernier été le plus actif avec 38 millions d'euros investis depuis 2008. Sans ce soutien, la Bourgogne-Franche-Comté serait la seule région de France à ne pas avoir d'aéroport commercial.

Face à l'urgence financière, cinq collectivités territoriales ont ainsi officialisé ce vendredi 8 mars un nouveau partenariat pour la gestion et le développement de l'infrastructure. Le département du Jura est ainsi rejoint par la communauté d'agglomération du Grand Dole, Dijon Métropole, les départements de Côte-d'Or et de Saône-et-Loire pour définir une nouvelle gouvernance collective.

Situé entre Paris, Lyon et Bâle-Mulhouse, l'aéroport de Dole est particulièrement isolé dans le maillage aéroportuaire français. Seuls les départements limitrophes y voient un intérêt, étant situé à 30 minutes de Dijon et de Besançon. Il intéresse également une clientèle de la Suisse voisine.

Les voyageurs, principalement des touristes, se sont rendus à l'aéroport jurassien pour rejoindre trois destinations assurées par la low cost Ryanair : Porto, Marrakech et Fès. La compagnie Air Corsica y assure aussi une liaison saisonnière vers Bastia de juin à septembre. À cette activité régulière viennent s'ajouter des vols ponctuels dits « charters » (830 mouvements en 2023) à destination de Rhodes, Dubrovnik, Rome, Tenerife, Madère, Malaga, Malte...

Pas d'engagements financiers encore

Mais pour l'heure, dans la nouvelle alliance, seule la promesse d'un soutien a été annoncée. Aucun montant financier n'était encore à l'ordre du jour. Pour fonctionner, l'aéroport dolois dispose actuellement de deux millions d'euros de budget par an.

Et si tous les acteurs locaux se serrent les coudes, l'absence d'une entité lors de ce nouvel accord a été notoire : celle de la Région Bourgogne-Franche-Comté présidée par Marie-Guite Dufay (PS).

Fin du financement par la Région

Une absence qui ne passe pas inaperçue. Clément Pernot, président de l'aéroport Dole-Jura a en effet déploré à maintes reprises l'attitude du Conseil régional montrant peu d'intérêt y compris financier, pour cette structure. « Nous avons reçu une lettre précisant le refus catégorique de continuer à financer l'aéroport », confie-t-il.

La Région, qui n'est pas totalement opposée à l'avion, avait promis, avant la crise sanitaire, de participer à hauteur de près de 50% les travaux des pistes qui permettront de conserver l'agrément européen. Mais, le montant des travaux a doublé entre temps, passant de 3,5 millions à 7 millions d'euros. « Nous financerons le montant pour lequel nous nous étions engagés, à savoir 1,5 million d'euros car ces travaux étaient essentiels pour le maintien de l'aéroport", rappelle à La Tribune Michel Neugnot, le vice-président PS chargé des finances, des ressources humaines, des transports, des déplacements et des intermodalités à la Région.

« Nous ne pouvons accepter que les modalités changent en cours de route. Donc nous ne doublerons pas l'enveloppe de départ et avons décidé d'arrêter par la suite les aides au fonctionnement », poursuit-il.

Entre 2020 et 2021, la Région l'avait pourtant soutenu par des aides en matière d'exploitation et d'investissement, n'excédant toutefois jamais 50% des coûts et excluant systématiquement toute aide en matière de marketing, afin de « ne pas subventionner Ryanair ». Ce soutien régional a pris fin courant 2022.

Les raisons évoquées de ce refus ne sont pas écologistes, même si Les Verts possèdent quelques sièges au Conseil Régional, puisque le trafic est trop faible pour réellement avoir des effets sur l'environnement. « Le coût carbone de l'ensemble des plateformes aéroportuaires de BFC équivalent à la consommation de 4.300 foyers français », précise Michel Neugnot. La Région a estimé que l'aéroport de Dole favorisait davantage les vols intrants dits « affinitaires » (ou de loisirs), vers le Portugal et le Maroc. « Nous préférons soutenir l'aéroport de Dijon-Longvic qui attire des vols entrants grâce aux vols d'affaires », poursuit l'élu.

Désenclaver la région

Mais pour le département de la Côte-d'Or - qui représentait 33% des passagers en 2023 - l'infrastructure doloise est importante à plusieurs échelons. « Nous soutenons l'aéroport de Dole-Jura parce que c'est une nécessité pour notre région, pour nos départements et pour nos habitants, mais surtout pour l'activité touristique et pour le développement économique d'une région enclavée qui a une vocation internationale », déclarait François Sauvadet, président du département la Côte-d'Or (UDI).

Pour François Rebsamen, président de Dijon métropole (ex PS), l'avion n'est d'ailleurs pas le seul cheval de bataille. Aux côtés de François Sauvadet, ce dernier se bat également pour faire rétablir la ligne TGV Dijon-Roissy Charles de Gaulle qui a été supprimée en 2020. « Notre région pâtit de son enclavement et cela se traduit par des populations en baisse, des territoires qui sont en difficulté », rappelle François Rebsamen. « Mon analyse est que nous devons développer les mobilités dans notre région, mais pas que pour notre région, autour de notre région. À l'extérieur également », poursuit-il.

Pour la région, l'enjeu est stratégique et pourrait même développer des vols d'affaires car la Bourgogne-Franche-Comté accueille des évènements internationaux, tels que la vente des vins des hospices de Beaune et bientôt le 45e congrès mondial de la Vigne et du Vin, grâce à l'implantation récente de l'Organisation international du vin (OIV) à Dijon.

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Une base en cas d'incendie

En complément d'une activité touristique, le département de la Saône-et-Loire, qui possède 230.000 hectares de forêts, voit également en cet aéroport un point stratégique pour intervenir efficacement en cas d'incendies. « Nous aurons besoin dans notre futur, d'une base de pré-positionnement de moyens aériens. Cet aéroport est évidemment fléché », souligne André Accary, président du département de la Saône-et-Loire (LR).

Dernière perspective de développement, celle sur les petits vols d'avions électriques. L'entreprise Ardpi Air and Security s'est installée, à côté des pistes pour tester ses futurs avions électriques. Et pourquoi pas également envisager des petits vols à hydrogène ? Pour rappel, le PDG d'Airbus avait annoncé en 2020, dans un entretien au journal « Le Parisien-Aujourd'hui en France » qu'il comptait mettre en service un avion zéro émission d'ici à 2035. C'est pourquoi François Rebsamen, maire de Dijon, a rappelé l'importance de la station à hydrogène qui a été construite à quelques kilomètres : « La solidarité des territoires, c'est aussi croire en ces avancées technologiques qui changeront notre relation à la mobilité. »

Commentaires 2
à écrit le 13/03/2024 à 18:14
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Des millions d'euros, donc de subventions provenant de nos impôts pour maintenir à bout de bras un aéroport pour 120000 passagers/an, en a-t-on réellement les moyens ?

à écrit le 13/03/2024 à 16:40
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Tout y est sur la photo, de jeunes gens motivés representatifs de la diversité de notre peuple, une infrastructure d'avenir, un projet innovant, bref retour vers le futur...

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