Sealock, une vision européenne et solidaire de l'industrie

Jean-Marc Barki, nouvel ambassadeur de la French Fab dans les Hauts-de-France et patron d'une entreprise spécialisée dans les colles industrielles, milite, au-delà du Small Business Act européen, pour un plus grand patriotisme des sociétés du CAC40.
Jean-Marc Barki, entrepreneur Co-Fondateur de Sealock.
Jean-Marc Barki, entrepreneur Co-Fondateur de Sealock. (Crédits : DR)

« Pourquoi parler de 'petite PME' ?, s'insurge Jean-Marc Barki, nous sommes une entreprise ! ». La société spécialisée dans les colles industrielles qu'il a fondée en 1996 affiche un chiffre d'affaires de 6 millions d'euros, dont 22% (« ce qui est beaucoup pour une PME », insiste-t-il) à l'export et compte une trentaine de salariés, dont 20% travaillent à la recherche dans l'entreprise basée à Sallaumines (Pas-de-Calais). Certaines innovations, sur des colles à base de produits végétaux, sont en chantier, d'autres, comme une colle biodispersable dans l'eau, qui permet aux donneurs d'ordre de ne pas payer l'Eco Contribution sur le recyclage des imprimés, déjà abouties. « Nous espérons voir nos clients, fournisseurs de la grande distribution, enfin basculer sur notre référence », dit-il.

Ce n'est pas encore le cas, mais qu'importe, Jean-Marc Barki est fier de dire que ce sont souvent les PME qui « ont raison avant le marché ». Un marché qu'il voudrait plus dynamique, plus intégré au niveau européen mais surtout, porté par les commandes des grandes entreprises françaises. « Sealock a rejoint la French Fab et fait partie des 4000 entreprises de Bpifrance Excellence, mais j'aimerais que ces réseaux fassent preuve de plus de solidarité, pour renverser les échelles », dit-il. Ce qu'il veut dire par là, c'est qu'il faut faire évoluer les mentalités, qui font que, selon une hiérarchie bien établie, les donneurs d'ordre sont en haut de l'échelle, et les fournisseurs, en bas. « Pourquoi ne pas mettre tout le monde au même niveau et collaborer ? Pourquoi les services achats, sous l'impulsion des directions générales des grands groupes nationaux, ne contacteraient pas les PME françaises qui pourraient les livrer ? Pourquoi ne pas imaginer que nous soyons directement sollicités par ces clients que nous rêvons de pouvoir livrer un jour ?, se demande-t-il. Il faut d'abord s'intéresser à toutes les parties prenantes locales ».

Une telle collaboration incarnerait un patriotisme économique bienvenu et inciterait les grands du CAC 40 à acheter leurs colles industrielles à Sealock, dernier fabriquant français dans ce domaine, alors qu'ils étaient 30 il y a 25 ans. « S'il faut attendre que la désindustrialisation du pays soit totale pour agir, c'est bien dommage », regrette Jean-Marc Barki, conscient toutefois de son style politiquement incorrect.

Servir d'exemple aux jeunes

Ce n'est pas la première fois que Jean-Marc Barki ne fera pas comme tout le monde. Enfant, il était précoce... et gaucher. « Dans les années 70, cela signifiait 'handicapé' ! », rit-il. Il rate - deux fois - son bac, et a du mal à s'insérer dans l'entreprise familiale, qui fournissait les industriels en papier et en carton. C'est à la suite d'une erreur de traduction dans l'annonce d'une entreprise britannique parue dans le magazine Transaction que son frère cadet, Pierre, lui aussi dans l'entreprise familiale, se rend en Angleterre, pensant qu'une entreprise souhaitait un partenaire pour vendre du papier... Finalement, ce sera Jean-Marc qui se chargera de vendre... de la colle. « En trois mois, j'en avais vendu 10 tonnes », se souvient-il. Il va donc s'émanciper, et après avoir été agent pendant quelques années, monter en 1996, avec la famille et l'industriel britannique, l'entreprise qu'il dirige aujourd'hui, et dont il a progressivement racheté la majorité des parts.

Avec, au-delà de la volonté de vendre des produits innovants pour l'industrie, celle d'embrasser les jeunes, en particulier ceux qui se cherchent et ont du mal avec une vocation professionnelle, encore moins dans l'industrie qu'ailleurs. « Mon parcours est atypique. Il faut que j'en fasse quelque chose », dit-il. En effet, qui mieux que Jean-Marc Barki pourrait comprendre les jeunes en rupture d'école ? Il détecte les compétences - « car tout le monde en a, et elles peuvent toutes être utiles », assure-t-il - forme des apprentis, et gère son entreprise comme dans une équipe de rugby, « où tout le monde doit avoir la balle et jouer collectif ». Il s'assure même que dans les réunions, chercheurs et techniciens, ouvriers et managers dialoguent sereinement.

Réhabiliter l'industrie traditionnelle

Et il envoie également un autre message fort : « Il n'y a pas que les usines 4.0 qui comptent, l'industrie traditionnelle, et celle des entreprises de petite taille, doit elle aussi être réhabilitée aux yeux du public », proclame-t-il. D'ailleurs, il assure que les robots ne font pas tout. « Dans notre secteur, le contrôle qualité passe par l'humain, et c'est capital », dit-il. Mais rien n'empêche une société comme Sealock de nouer des partenariats d'envergure, comme celui que l'entreprise des Hauts-de-France forge actuellement avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives - pour de la colle, bien sûr...

La volonté de Jean-Marc Barki est donc bien de « faire bouger les lignes », en France, mais aussi au niveau européen. Afin d'approfondir le Small Business Act européen, un cadre stratégique mis en place en 2008 pour améliorer l'environnement des PME européennes, mais qui reste encore quelque peu théorique, de même que pour standardiser le système de diplômes à l'échelle de l'Union, sans oublier d'uniformiser l'impôt sur les sociétés, Jean-Marc Barki a même envisagé de se présenter aux élections européennes, le 26 mai prochain... Finalement, il va sans doute, et c'est déjà beaucoup, rester chef d'entreprise et militer, encore et toujours, au sein de la French Fab, dont il est le nouvel ambassadeur dans les Hauts-de-France, pour donner à l'industrie la part qu'elle mérite. « Cette évangélisation, ces succès qu'il faut mettre en avant, sont dans l'intérêt de tous », conclut-il.

Commentaire 1
à écrit le 08/03/2019 à 15:53
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Européenne ou solidaire donc ? Parce que les deux sont incompatibles comme on peut le constater tous les jours.

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