Industrie européenne : le plan de bataille de la France face à l'Inflation Reduction Act de Biden

Aides publiques massives vers des secteurs stratégiques, création d'un fonds de souveraineté, renforcement de la commande publique...Matignon et Bercy viennent de dégainer un arsenal de propositions pour renforcer le « Made in Europe ». L'objectif est de trouver un terrain d'entente sur ces propositions avant le grand sommet des chefs de l'Etat européens prévu les 9 et 10 février prochains.
Grégoire Normand
Emmnanuel Macron sur le site d'Alsachimie en janvier 2022.
Emmnanuel Macron sur le site d'Alsachimie en janvier 2022. (Crédits : Reuters)

La bataille industrielle s'accélère sur le Vieux continent. Après le sommet de l'Eurogroupe lundi 16 et mardi 17 janvier, le ministre de l'Economie français, Bruno Le Maire, a fortement insisté sur la nécessité de mettre en place des aides publiques en faveur de l'industrie européenne. « Je veux aujourd'hui plaider pour une nouvelle donne en matière de politique industrielle européenne. Je pense que c'est la priorité pour 2023, » a déclaré le locataire de Bercy lors d'un point presse.

Les 27 pays membres étudient actuellement les pistes possibles pour mettre en œuvre un arsenal commun d'aides avant un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement décisif prévu les 9 et 10 février prochains. Objectif : éviter un décrochage de l'industrie du Vieux continent par rapport à la Chine et aux Etats-Unis, un scénario redouté par les milieux économiques et les industriels. Il y a urgence. Aux Etats-Unis en effet, l'IRA (Inflation reduction Act), ce plan massif de 370 milliards de dollars destiné à soutenir le « Made in America » et le verdissement de l'économie commence à se mettre en place.

« Il y a un changement de vision européen. On ne peut pas être ouvert à tous sans réagir dans le domaine commercial, » explique un haut fonctionnaire de Bercy très bon connaisseur du dossier. Au quai d'Orsay, un diplomate estime de son côté que « la France a pris conscience des risques de dépendance à l'égard de certains pays comme la Chine. Il y a un agenda de résilience et de souveraineté. En même temps, il y a un refus de découplage systématique avec la Chine. La politique commerciale peut servir de levier d'influence. S'engager uniquement dans 'le friendshoring' (les relations commerciales entre amis) serait signer l'arrêt de mort du multilatéralisme.  »

Un « choc de simplification » en matière d'aides européennes

En amont du sommet avec les autres ministres des finances de la zone euro, le ministre français a réclamé « un choc de simplification » sur les aides européennes à l'industrie.

«Nous avons les projets d'intérêt communs (PIEEC). Ils sont utiles mais trop lents. Ils sont encore trop complexes pour beaucoup d'entreprises, en particulier pour les PME [...] Nous voulons que ces projets puissent aboutir en six mois pour répondre à la nécessité de réindustrialiser l'Europe, » a avancé Bruno Le Maire. Depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine et l'envolée des prix, beaucoup d'industries en France et en Europe ont réduit la cadence ou mis sur pause leurs chaînes de production.

D'autres ont menacé de délocaliser une partie de leur activité aux Etats-Unis. Depuis le début de la crise sanitaire il y a trois ans, la position de la Commission européenne en matière d'aides a beaucoup changé depuis la pandémie. Les instances bruxelloises ont accordé de la souplesse et des dérogations à de nombreux Etats sur les aides accordées à leurs entreprises. Reste à savoir si ces régimes d'exception vont devenir plus pérennes.

Des aides d'Etat plus massives vers des secteurs stratégiques

Le ministre des finances a également réclamé des aides d'Etat « plus massives » vers des secteurs stratégiques. ll a notamment cité « l'hydrogène, les batteries électriques, les panneaux solaires, les semi-conducteurs. Ils doivent faire partie de cette liste de projets industriels stratégiques », a-t-il insisté.

En revanche, il n'a pas avancé de montant précis d'aides nécessaires au soutien de cette industrie verte. Pourtant, les besoins d'investissements sont faramineux. Bercy compte notamment s'appuyer sur le plan France 2030 doté d'une enveloppe de 54 milliards d'euros à dépenser sur les 7 prochaines années.

Dans une note préparée pour France Stratégie, un organisme rattaché à Matignon, l'économiste Jean-Pisani Ferry a notamment préconisé d'investir 2,5 points de produit intérieur brut (PIB) en France, soit environ 70 milliards d'euros en 2030 pour la transition énergétique et écologique. Une somme colossale pour le gouvernement qui plaide actuellement pour une baisse de la dépense publique.

La stratégie du « Made in Europe » de Matignon et du Quai d'Orsay

Dans une note dévoilée par le site Contexte, les services de la Première ministre Elisabeth Borne et le Quai d'Orsay viennent de dégainer un plan pour « le Made in Europe ». Ce plan s'articule autour de quatre piliers. Le premier doit passer par un arsenal législatif européen. « Très concrètement, l'Union devrait se donner, en fonction des sujets stratégiques, des cibles de production à atteindre d'ici à 2030. Dans ce cadre, une réflexion sur l'adaptation de la commande publique européenne aux enjeux de la politique industrielle européenne sera nécessaire, pour que des critères qualitatifs puissent être pleinement mis en œuvre et inclus dans les appels d'offres », explique Matignon.

S'agissant du financement des projets, les conseillers de la cheffe du gouvernement défendent la mise en place « d'un fonds de souveraineté, un projet défendu depuis des semaines par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui l'a une nouvelle fois évoqué mardi à Davos.

« Il pourrait être construit « en deux temps », dit-on à Matignon. « Un fonds d'urgence pourra être créé à très court terme, en s'appuyant sur les financements existants qu'il serait utile de réorienter en partie sur les priorités stratégiques. »

L'entourage de la première ministre plaide par la suite pour la mise en œuvre « d'un fonds de souveraineté complet » qui devra être opérationnel avant la fin de l'année 2023. Les proches de la Première ministre préconisent de s'inspirer du système « SURE » mis en place par la Commission européenne au début de la pandémie. Pour rappel, ce système qui prévoyait une enveloppe de 100 milliards d'euros permettait à l'Union européenne de financer le chômage partiel des Etats. Ces aides prenaient la forme de prêts à des conditions favorables. A l'époque, la mise en œuvre de cet instrument avait été jugé « rapide » par de nombreux économistes malgré les divisions. Cette fois-ci, le contexte a bien changé avec la guerre en Ukraine.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 18/01/2023 à 20:49
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Comme ils ont traité l'affaire Exxelia ? Le ministre de l'économie a donné son feu vert pour qu'Exxelia devienne américaine. Airbus, les sous marin nucleaire,Le Rafale, les satellites ont tous des puces Exxelia . Le passage d'Exxelia dans le gi...

à écrit le 18/01/2023 à 12:38
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tant qu'on laisse le libre échange ...

à écrit le 18/01/2023 à 9:36
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encore de la dette MAIS pas d'idées pour la combler . EX LA PAC arrose de subvention les gros céréaliers pourtant les céréales ont pris plus de 35% ????

à écrit le 18/01/2023 à 8:04
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Les 27 pays membres étudient actuellement les pistes possibles pour mettre en œuvre un arsenal commun d'aides. Autrement dit une décision n'est pas prise et puis ensuite il faudra discuter de la forme et enfin mettre en oeuvre une usine à gaz à la...

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