Une partie des salariés de Cetelem s'apprête à se mettre en grève ce jeudi 16 juin. Cette filiale de BNP-Paribas spécialisée dans le crédit à la consommation est confrontée à des tensions en interne. L'intersyndicale demande dans un courrier une hausse générale des salaires. Les négociations annuelles obligatoires (NAO) au sein de chaque entreprise du secteur bancaire avaient modérément convaincu les syndicats en début d'année: hausse de salaires de 0,6% cette année pour BNP Paribas, +1% pour le Crédit Mutuel et HSBC, en passant par +0,7% pour Société Générale et +0,8% pour BPCE.
Comme chez Cetelem, beaucoup de revendications ont éclaté depuis le début de l'année dans de nombreux secteurs et entreprises. Chez TotalEnergies à Paris, la CGT a appelé à faire grève pendant 24 heures le 24 juin prochain pour réclamer une hausse immédiate des salaires. Dans l'Isère, les salariés de Soitec (semi-conducteurs) demandent également une revalorisation salariale.
Face à la poussée de fièvre des prix confirmée par l'Insee ce jeudi à 5,2% en mai, beaucoup de Français ont déjà commencé à perdre du pouvoir d'achat. D'après de récents calculs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le pouvoir d'achat des Français pourrait se replier de 0,8% cette année, même en prenant en compte les mesures du gouvernement (bouclier tarifaire, ristourne de 18 centimes d'euros sur le litre de carburant). Ce qui serait une première depuis 2013 alors que la zone euro traversait une grave crise.
Et certaines hausses récemment accordées ne pourraient pas suffire à compenser les pertes. En France, les négociations de salaire ont abouti à des hausses autour de 3% au cours du premier trimestre alors que dans le même temps, l'inflation grimpait vers les 5% selon la Banque de France. Ce qui signifie que les revenus réels des travailleurs, c'est-à-dire hors inflation, ont commencé à reculer. Pour rappel, une grande partie des salaires dans le privé et des rémunérations dans le public ne sont pas indexés sur l'inflation, à l'exception du SMIC.
Une épargne insuffisante pour affronter l'inflation
La mise sous cloche de l'économie française à de multiples reprises entre 2020 et 2021 a entraîné un excès de l'épargne des Français estimée à environ 82 milliards d'euros, selon une récente enquête d'Allianz Research. Le taux d'épargne en France a d'ailleurs culminé à 27% des revenus au moment du premier confinement pour baisser sans retrouver son niveau d'avant crise autour de 15% en raison notamment des effets d'incertitude liés à la guerre en Ukraine.
En dépit de cette montagne de milliards, deux tiers des Français n'auraient pas assez d'épargne pour faire face à la flambée des prix de l'alimentaire et de l'énergie. Selon de récents calculs d'Allianz, « la facture alimentaire croîtra en moyenne de +550 euros par ménage en 2022. Dans le même temps, la facture énergétique devrait croître de +750 euros par ménage », souligne Anna Boata , économiste chez le géant de l'assurance-crédit.
Par ailleurs, les réserves d'épargne sont réparties inégalement. Entre les 20% en bas de la distribution (moins de 100 euros) et les 20% les plus aisés (près de 10.000 euros), le fossé est considérable. En moyenne dans la zone euro, l'écart est du même ordre de grandeur (93 euros contre 8.704 euros). Si les coûts de l'énergie et de l'alimentaire continuent de flamber au cours du second semestre, beaucoup de Français vont devoir se serrer la ceinture en attendant des jours meilleurs. « En Europe, le soutien des gouvernements et les excès d'épargne accumulés devraient permettre d'amortir une partie de l'érosion du pouvoir d'achat des ménages. Ces excès concernent néanmoins les ménages les plus aisés », soulignait l'économiste, spécialiste de la zone euro Florence Pisani chez Candriam lors d'un récent point presse.
Le choc de confiance, un coût économique colossal
L'éclatement de la guerre en Ukraine à la fin du mois de février a précipité la confiance des ménages et des entreprises vers le bas en seulement quelques jours. La plupart des récentes enquêtes de conjoncture de l'Insee montrent qu'après avoir atteint un pic à l'été 2021, le moral des ménages est en chute libre pour retrouver le niveau de novembre 2018 en pleine crise des « gilets jaunes ».
Ce choc de confiance devrait avoir des répercussions colossales sur la consommation française de l'ordre de 20 milliards d'euros, soit une baisse de 440 euros par ménage en moyenne en 2022 selon Allianz. Cette baisse moyenne de la consommation masque en réalité des disparités.
En effet, le poids des dépenses d'énergie et d'alimentation est plus important dans les foyers situés en bas de la distribution ou ceux dépendant de la voiture pour se déplacer. En outre, l'inflation devrait d'abord toucher les ménages les plus modestes alors que ceux sont eux qui ont la plus forte propension à consommer.
L'économie française échappe de peu à la récession pour l'instant...
Après un fort rebond économique post-pandémie en 2021 (6,8%), l'économie française est plongée dans un épais brouillard depuis l'invasion de la Russie en Ukraine. Le recul brutal de la consommation au premier trimestre a plombé la croissance laissant planer un risque de récession au cours du second trimestre. Malgré ces craintes, la Banque de France a écarté cette perspective dans ses dernières prévisions dévoilées ce mardi 14 juin avec une croissance fébrile de 0,25 % en glissement trimestriel.
Le prolongement de la guerre en Ukraine et une hausse plus longue que prévu des prix de l'énergie pourraient assombrir ce scénario alors que la plupart des grands instituts de prévision à l'échelle de la planète ont révisé à la baisse leurs chiffres de croissance pour 2022.