
L'économie française devrait éviter le pire. Un an jour pour jour après l'éclatement de la guerre en Ukraine, les craintes de récession se dissipent peu à peu. Après un fort rebond post-pandémie en 2021, l'activité a fortement marqué le pas en 2022. La croissance du produit intérieur brut (PIB) en rythme trimestriel a accéléré de seulement 0,15% en moyenne. Mais l'économie tricolore n'a pas enregistré deux trimestres consécutifs de croissance négative. S'agissant de 2023, la croissance devrait être légèrement meilleure que prévu.
Lors d'une audition à l'Assemblée nationale ce mercredi 1er mars, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a tenté de rassurer les parlementaires venus l'interroger sur la conjoncture nationale et internationale. « Pas de récession mais encore trop d'inflation. Bien qu'en ralentissement, l'activité fait preuve d'une meilleure résistance qu'anticipé. Le pouvoir d'achat a finalement été préservé en 2022. Le risque de récession peut être écarté aujourd'hui, sauf événement mondial majeur », a-t-il déclaré lors de son intervention.
A quelques semaines de la présentation des nouvelles prévisions de l'institution bancaire, François Villeroy de Galhau a annoncé que « la croissance devrait être faiblement positive en 2023, un peu supérieure à nos prévisions de 0,3%. La reprise devrait avoir lieu en 2024. » En décembre dernier, les conjoncturistes de la Banque de France tablaient dans leur scénario central sur une croissance du PIB de 0,3% avant un rebond de 1,2% en 2024.
Un pic d'inflation attendu au cours du premier semestre
Les pressions inflationnistes sont loin d'être retombées en France. Au mois de février, l'indice des prix à la consommation a grimpé à 6,2% contre 6% en janvier, selon les derniers chiffres de l'Insee dévoilés ce mardi 28 février. Les prix de l'alimentaire (+14%) accélèrent bien plus rapidement que l'inflation moyenne tandis que les prix dans l'énergie ont commencé à marqué le pas, voire à reculer. « Cette inflation pourrait atteindre son pic au cours du premier semestre. Elle pourrait ralentir mais cela reste trop élevé. L'inflation sous-jacente reste à 4,5% », a indiqué le gouverneur devant les députés.
Pour rappel, l'inflation sous-jacente correspond à l'évolution des prix sans les composantes les plus volatiles (énergie, alimentaire). « Pendant des mois, le principal facteur était l'énergie. Aujourd'hui, c'est l'alimentation. Ces phénomènes sont très forts mais temporaires. Le choc des prix de l'alimentaire sur l'inflation devrait durer des mois mais devrait progressivement diminuer d'ici la fin de l'année, » a-t-il ajouté.
La hausse des taux pourrait se poursuivre jusqu'en septembre
Face à l'envolée des prix, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de durcir le ton en annonçant une série de hausse des taux depuis l'été dernier et la fin de l'assouplissement quantitatif (QE, quantitative easing) mis en oeuvre en 2015. L'objectif de l'institution de Francfort est de ramener l'inflation à 2%. Lors de son audition, François Villeroy de Galhau a déclaré que « sur le calendrier, il s'agit d'atteindre un taux terminal d'ici l'été (le taux à partir duquel les banques centrales doivent baisser leurs taux pour éviter une croissance négative NDLR), c'est-à-dire que les taux pourraient augmenter jusqu'à fin septembre. » Pour justifier ce calendrier, il a évoqué comme « critère le retournement de l'inflation sous-jacente. Nous ne sommes pas à ce point de retournement. »
A Francfort, les prochaines réunions des gouverneurs promettent des débats houleux entre « les faucons », partisans d'une politique monétaire orthodoxe et « les colombes », tenants de mesures plus accommodantes. En effet, la poursuite d'une politique monétaire plus restrictive pourrait mener à un durcissement plus drastique de l'accès aux crédits, à une baisse de la demande plus marquée et une hausse du chômage. « Je veux dissiper une crainte », a tenté de rassurer François Villeroy de Galhau. « La désinflation que nous allons mener à bien ne conduira pas à la récession compte tenu de la résilience de l'activité et de l'emploi. Au contraire, ce serait une inflation durable qui serait le pire ennemi de la croissance. »
Peu d'inquiétudes sur les PGE
Après l'éclatement de la guerre en Ukraine, le brutal coup de frein de l'économie a suscité de vives inquiétudes sur les capacités des entreprises à rembourser les prêts garantis par l'Etat mis en oeuvre pendant la pandémie. Sur ce point, François Villeroy de Galhau a voulu être rassurant. « Pas d'inquiétude généralisée sur les remboursements de PGE. Depuis février 2022, nous avons reçu 671 demandes de report [auprès du médiateur du crédit], cela représente moins de 0,1% du total des PGE accordés, a-t-il expliqué. Sur les 143 milliards d'euros accordés, 46 milliards d'euros ont été remboursés et 95% des entreprises remboursent bien leur PGE » , a-t-il poursuivi.
Le spectre des défaillances d'entreprises écarté
Concernant la situation des entreprises françaises, il appelé à de « la vigilance » mais « il ne faut pas être alarmiste ». « La dégradation de la trésorerie est plus sensible dans l'industrie que dans les services mais nous n'observons pas de retour du spectre des défaillances. Le nombre de défaillances est en progression à fin janvier. Il est à 43.000 sur les 12 derniers mois. C'est au-dessus des années Covid mais ce niveau était maintenu artificiellement bas », a-t-il expliqué en rappelant que la moyenne sur la période 2010-2019 était de 59.000. Le resserrement budgétaire, la poursuite de la hausse des taux et la croissance atone pourraient amplifier les difficultés pour de nombreux secteurs très dépendants de l'énergie.
ZOOM - L'inflation se stabilise en Allemagne L'inflation outre-Rhin s'est stabilisée en février, à 8,7% sur un an, en raison des mesures prises par le gouvernement pour endiguer la hausse des prix de l'énergie, selon des chiffres officiels publiés mercredi. L'indicateur reste sous son pic de 10,4% atteint en octobre mais calculé selon une méthode révisée en janvier (recalculé à 8,8% selon la nouvelle méthode), a indiqué dans un communiqué l'institut Destatis. En revanche, l'indice des prix harmonisé, qui sert de référence pour la Banque centrale européenne, a augmenté de 9,3% en février sur un an, soit 0,1 point de plus qu'en janvier. L'inflation poursuit son envolée dans la première économie de la zone euro, après des niveaux record l'an dernier. Deux autres économies de la zone euro ont connu une accélération des prix en février, la France (6,2%) et l'Espagne (6,1%). Eurostat publie jeudi sa première estimation pour la zone euro.
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