
L'économie française entre dans un hiver long et glacial. Entre la baisse des températures, la flambée des prix de l'énergie, les possibles coupures d'électricité et de gaz, les voyants passent au rouge. L'activité des entreprises tourne au ralenti depuis maintenant plusieurs mois et les ménages doivent toujours se serrer la ceinture à l'approche des fêtes de fin d'année. Dans ce contexte troublé, la Banque de France table sur une prévision de croissance de 0,3% pour l'année 2023. Après un fort rebond post pandémie en 2021 à 6,8%, l'activité tricolore a freiné tout au long de l'année 2022 marquée par l'éclatement de la guerre en Ukraine et une crise énergétique foudroyante sur l'ensemble du Vieux continent. « On n'exclut pas pas une récession. Mais s'il y a une récession, elle sera légère et temporaire », a prévenu le directeur des études Olivier Garnier lors d'un point presse ce vendredi 15 décembre.
De son côté, l'Insee n'a pas évoqué de croissance négative sur deux trimestres consécutifs sur le premier semestre 2023 lors de son dernier point de conjoncture à la mi-décembre. Mais de nombreux aléas pourraient encore assombrir l'horizon économique. Beaucoup d'incertitudes planent au-dessus des effets du resserrement de la politique monétaire, de l'évolution de la situation géopolitique en Europe et du redémarrage de l'activité économique en Chine.
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Remontée du chômage en 2023
Après plusieurs années de baisses consécutives, le taux de chômage repartirait à la hausse à partir de l'année prochaine. La Banque de France table désormais sur une augmentation du chômage rapporté à la population active passant de 7,3% à 7,5% entre 2022 et 2023, puis 8,2% en 2024. Une courbe inverse à celle espérée par le gouvernement qui vise le plein emploi au cours du quinquennat.
Lors de ses prévisions d'automne, les conjoncturistes tablaient sur un chômage de 7,5% l'année prochaine. Le rythme des créations d'emplois risque de s'effondrer, passant de 647.000 en 2022 à 58.000 en 2023.
L'économie française devrait créer 11 fois moins d'emplois en 2023 par rapport à 2022. Cette chute de l'emploi s'expliquerait en grande partie par un coup de frein de l'activité. En effet, le prolongement de la chute de la consommation et de la demande risque d'assombrir les perspectives dans un grand nombre d'entreprises. Résultat, les dirigeants pourraient mettre un coup d'arrêt aux embauches, voire tailler dans leurs effectifs si une récession se concrétise au premier trimestre 2023.
Une inflation à 6% en 2023 comme en 2022
La poussée de fièvre sur les prix risque de se prolonger en 2023. La Banque de France prévoit désormais un rythme d'inflation de 6% en 2023 comparable à celui de 2022. Pour rappel, la banque centrale calcule l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) utilisé par Eurostat afin de faire des comparaisons européennes. Par rapport à septembre dernier, les économistes ont légèrement révisé à la hausse leurs chiffres de 2022 (+0,2 point) et plus fortement ceux de 2023 (+1,3 point). Comment expliquer une telle révision pour 2023 ? « L'inflation est un peu plus haute que ce qui était prévu en septembre dernier. Le retour à l'horizon de 2% (NDRL ; l'objectif de la BCE) se fera en 2024-2025, a souligné Olivier Garnier. Les prix de l'énergie devraient décroître mais ils devraient rester à un niveau supérieur à la période d'avant crise au moins jusqu'en 2025 [...] Au cours de l'année 2022, la hausse des prix de l'alimentation nous a surpris. En 2023, la contribution de la hausse des prix de l'alimentation à l'inflation pourrait être plus forte que celle de l'énergie », a poursuivi l'économiste. Comme l'Insee, la Banque de France estime que l'envolée des prix de l'alimentaire va prendre le relai des prix de l'énergie dans la montée de l'indice général des prix à la consommation.
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Baisse du pouvoir d'achat en 2022 et 2023
L'inflation devrait encore peser encore sur le porte-monnaie des Français. La Banque de France anticipe une baisse du pouvoir d'achat des Français en 2022 (-0,6%) et 2023 (-0,4%). Compte tenu de l'envolée des prix et de la désindexation des salaires sur l'inflation, de nombreux salariés du secteur privé enregistrent une chute de leurs revenus issus de leur activité professionnelle, à l'exception des salariés au SMIC. Depuis les années 80, seuls les travailleurs payés au salaire minimum connaissent des hausses de salaires indexées sur l'indice général des prix.
Dans la fonction publique, le dégel du point d'indice (+3,5%) ne devrait pas permettre de compenser l'inflation prévue à 6%. Cette hausse générale masque d'ailleurs des disparités en fonction du poids de l'énergie et de l'alimentaire dans le budget des ménages. Dans ce contexte, la consommation, traditionnel moteur de la croissance tricolore, ne devrait progresser que très peu (+0,3%) en 2023. Et les ménages devraient continuer d'épargner une bonne partie de leurs revenus face à tous les aléas. La Banque de France table sur un taux d'épargne de 16,4% encore supérieur à son niveau d'avant crise sanitaire (autour de 15%).
Entreprises : baisse du taux de marge comparable en 2023
Le taux de marge des entreprises s'est relativement maintenu en 2022 à 31,4% soit un niveau comparable à son niveau d'avant crise sanitaire (31,5% en 2018). Pour rappel, le double effet CICE dont ont bénéficié les entreprises en 2019 rend les comparaisons des taux de marge plus difficiles avec 2019 (34,2%).
Par rapport à 2022, la Banque centrale anticipe pour 2023 une baisse du taux de marge d'un point à 30,5%. Cette érosion devrait cependant être plus faible que lors des différents chocs pétroliers des années 70. A l'époque, ce pourcentage avait chuté de 4 points, rappellent les économistes dans leur bulletin de prévision.
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