
Le ciel se dégage enfin au dessus de l'économie européenne. Près d'un an après l'éclatement du terrible conflit en Ukraine, les instituts de prévision sont de plus en plus optimistes. Dans sa dernière projection dévoilée ce lundi 13 février, la Commission européenne table désormais sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,9% pour l'Union européenne à 27 et 0,8% pour la zone euro. A l'automne, Bruxelles avait annoncé une croissance de seulement 0,3% dans l'UE à 27 et 0,3% dans la zone euro.
Du côté de l'inflation, les projections sont également plus favorables. L'indice des prix européen pourrait grimper à 6,4% dans l'UE et 5,6% en zone euro au lieu de 7% et 6,1% lors des précédentes estimations. Après le FMI, les statisticiens européens avancent que le Vieux continent pourrait échapper à la récession en 2023.
Depuis l'automne, l'économie européenne a enregistré « un nombre de développements positifs ».« Le prix de référence du gaz européen est retombé en dessous de son niveau d'avant guerre, aidé par une baisse de la consommation et la diversification continue des sources d'approvisionnement. La résilience des ménages et des entreprises a été impressionnante », a expliqué la Commission dans un communiqué. « Les turbulences restent cependant fortes. Les consommateurs et les entreprises demeurent confrontés à des prix de l'énergie élevés, tandis que l'inflation sous-jacente (inflation globale hors énergie et aliments non transformés) était toujours en hausse en janvier, continuant d'éroder le pouvoir d'achat des ménages », tempère-t-elle.
L'Allemagne, la France, l'Italie l'Espagne devraient faire mieux que prévu
Les quatre plus grandes économies de la zone euro devraient ainsi faire mieux que prévu cette année. Après avoir frôlé la catastrophe en 2022, l'économie allemande paraît refaire surface. L'institution européenne fait le pari d'une croissance du moteur économique de l'Europe de 0,2% en 2023 contre -0,2% à l'automne. Le début du conflit en Ukraine et la crise énergétique consécutive ont pourtant mis à mal le modèle économique allemand dépendant en grande partie du gaz et du pétrole russes bon marché. L'industrie du « Made in Germany » a rapidement dû trouver des sources d'approvisionnement alternatives face à la menace de la Russie de couper brutalement les robinets de gaz. La réouverture de la Chine et la fin de la politique zéro-covid pourraient offrir à nouveau des débouchés aux exportateurs allemands mis en difficulté depuis le début de la pandémie.
De son côté, l'économie française devrait également échapper à la récession. La Commission européenne a révisé de 0,2 point sa prévision de croissance du PIB à 0,6% en 2023 contre 0,4% en octobre. « L'activité économique devrait rester sous pression au delà du premier semestre 2023 avec un premier trimestre stable. Les investissements devraient se replier en raison des coûts de production plus élevés, de conditions financières plus difficiles, et d'incertitudes élevées », anticipent les conjoncturistes. Parmi les autres révisions encourageantes figurent également l'Italie (+0,5 point à 0,8% au lieu de 0,3% en 2023) et l'Espagne (+0,4 point à 1,4% au lieu de 1% en 2023).
L'inflation devrait être moins forte que prévu en 2023
Sur le front de l'inflation, l'onde de choc de la guerre en Ukraine a propulsé l'indice des prix à la consommation vers des sommets en 2022 dans la zone euro. Après plusieurs décennies de faible inflation, les pays de l'union monétaire doivent faire face à un niveau des prix bien supérieur à celui d'avant-pandémie. L'inflation devrait cependant être moins forte qu'anticipé en 2023. Les modèles de la Commission tablent sur une inflation de 5,6% en 2023 contre 6,1% prévu à l'automne en zone euro. Dans l'Union européenne à 27, l'inflation devrait être de 6,4% en 2023 contre 7% prévu à l'automne.
« Après avoir atteint un record historique de 10,6 % en octobre, l'inflation a diminué, pour retomber à 8,5 % dans la zone euro selon l'estimation rapide de janvier. Ce recul s'explique principalement par la baisse de l'inflation énergétique, tandis que l'inflation sous-jacente n'a pas encore atteint son pic, » soulignent les économistes. En effet, beaucoup d'entreprises vont continuer à répercuter la hausse des coûts de production dans les prix à la consommation dans de nombreux secteurs, en particulier l'alimentation et l'agroalimentaire. « L'inflation, même si elle reflue, pèse toujours sur la consommation et le pouvoir d'achat dans de nombreux pays, » a récemment déclaré le chef du département de la conjoncture à l'Insee Julien Pouget.
La Banque centrale européenne veut poursuivre son resserrement monétaire
En réponse, les gouverneurs de la Banque centrale européenne veulent continuer de serrer la vis monétaire. Début février, la BCE a relevé ses taux de 50 points de base et a annoncé qu'elle relèverait encore ses taux au même niveau en mars prochain. Même si cette annonce n'est « pas irrévocable », les « scénarios actuels » sur l'inflation notamment, laissent penser que le temps n'est pas venu de ralentir le cycle de hausses, a précisé la président de l'institution Christine Lagarde devant la presse. « Nous avons encore du chemin à parcourir, nous savons que ce n'est pas fini », a insisté la présidente de la BCE, après avoir plusieurs fois martelé la volonté de la BCE de « maintenir le cap » du resserrement monétaire.
Mais cette poursuite de la hausse des taux d'intérêt est de plus en plus contestée par certains économistes. Le célèbre économiste américain, Joseph Stiglitz, explique dans un article récent que l'augmentation de ces taux pourrait s'avérer « contreproductive ». Le Nobel d'économie explique que « les pénuries d'offre sont à l'origine d'une grande partie de l'inflation. Le resserrement de la politique monétaire rend plus difficiles les investissements des entreprises qui pourraient permettre de pallier ces pénuries ». Les débats sur la politique monétaire s'annoncent particulièrement vifs en 2023.
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