
La pandémie a écorné l'attractivité de la France. Près d'un an et demi après l'arrivée du virus sur le territoire européen, les mesures d'endiguement se lèvent progressivement et les campagnes de vaccination avancent à grands pas. Malgré ces signaux favorables, le nombre d'investissements étrangers annoncés a considérablement chuté entre 2019 et 2020 (-18%) pour passer de 1.197 à 975 selon le dernier baromètre EY dévoilé ce 7 juin. Au total, près de 30.000 emplois auraient été crées sur le territoire tricolore.
« Le premier enseignement est que malgré la crise, la France conserve sa première place acquise par ses efforts pour améliorer sa compétitivité et son image. Certains secteurs ont continué à investir », a déclaré Marc Lhermitte, consultant au cabinet d'audit interrogé par La Tribune.
En Europe, la France est loin d'être isolée mais ces quelques grands voisins affichent des résultats moins décevants. En Allemagne, la baisse est de 4% alors qu' au Royaume-Uni, les investissements ont reculé de 12%. « Cette différence avec la France s'explique par la surexposition de l'économie tricolore dans les secteurs de l'industrie aéronautique et de l'industrie automobile. Beaucoup de sous-traitants étrangers et prestataires de services internationaux sont présents dans ces deux filières », ajoute l'expert. La reprise économique enclenchée depuis seulement quelques semaines devrait être déterminante si l'exécutif veut parvenir à son objectif de croissance de 5%.
Les Pays-de-Loire, la Normandie et le Grand Est tirent leur épingle du jeu
La propagation du virus sur l'ensemble du territoire a frappé toutes les régions mais pas de manière homogène. Sur les 12 régions métropolitaines où les résultats sont disponibles, les Pays-de-Loire arrivent en tête de classement avec une croissance soutenue (+10%) des investissements étrangers. Viennent ensuite ex-aequo la Normandie (+7%) et le Grand Est (7%). « Le Grand Est tire profit d'un regain industriel notamment en Alsace dans les produits de la santé. Cette région rattrape son retard », ajoute Marc Lhermitte.
A l'opposé, toutes les autres régions ont enregistré un plongeon des projets d'investissement des firmes étrangères. En bas de tableau, figurent la région Provence Alpes Côte d'Azur (-34%) et le Centre-Val de Loire (-34%). Viennent ensuite l'Occitanie (-31%) et la Bourgogne-Franche-Comté (-26%). L'Ile-de-France qui représente la région où le PIB par habitant est le plus important a été fortement affectée (-18%).
Sans surprise, la région francilienne domine néanmoins ce classement en termes de nombre de projets (288/29%). « En raison du Brexit, il y a un nombre de projets d'implantations de banques et services financiers supérieur à Londres », note Marc Lhermitte.
L'Ile-de-France est suivie par Auvergne-Rhône Alpes (126/13%) et les Hauts-de-France (10%). En revanche, la Normandie (3%), le Centre-Val-de Loire et la Bretagne apparaissent en queue de peloton.
L'industrie pharmaceutique en pleine forme
La pandémie mondiale a clairement boosté l'activité dans l'industrie pharmaceutique à travers toute la planète. La production nécessaire de vaccins et de traitements ont nécessité des investissements très importants dans la plupart des pays développés. Résultat, le nombre de projets d'investissements dans ce secteur a explosé (+32%) sur le sol tricolore en 2020 (58). Viennent ensuite les secteurs de l'ameublement (31%), l'énergie, l'eau et les déchets (+12%) et enfin les services financiers (+11%).
« Des investissements ont été réalisés dans les vaccins mais aussi dans les biotech. L'explosion du e-commerce a entraîné des investissements dans la logistique, l'ameublement », a précisé Marc Lhermitte.
En revanche, la plupart des autres secteurs sont à la peine. Le domaine des logiciels et de l'IT subit une baisse abyssale (-59%) des investissements étrangers. Parmi les autres perdants arrivent les services aux entreprises (-40%), les équipements industriels (-40%) les transports et la logistique (-40%).
Des investissements reportés ou annulés
La mise à l'arrêt des grandes économies a complètement bouleversé les projets d'investissement des multinationales en France. En 2020, les deux tiers des dirigeants interrogés ont signalé qu'ils avaient réduit leurs projets d'investissement et un quart ont décidé de les reporter. Pour cette année, la proportion de chefs d'entreprise qui veulent diminuer la voilure de leurs projets est moins importante (44%). En parallèle, 4 chefs d'entreprise sur 10 ont déclaré qu'ils n'avaient pas changé d'avis en cette période de reprise.
Relocalisations : des dirigeants partagés
La pénurie de masques, de gel et de traitements de base a jeté une lumière crue sur les failles de la mondialisation et l'extrême dépendance de la plupart des pays européens à l'égard des pays asiatiques au pire de la crise sanitaire. Face à toutes ces difficultés, plusieurs entreprises ont montré leur volonté de relocaliser certaines activités. Ainsi, 56% des dirigeants interrogés dans le cadre de ce baromètre ont affirmé qu'ils envisageaient de rapatrier une activité sur le territoire tricolore. Inversement, 44% ont déclaré qu'ils ne songeaient pas à faire revenir une chaîne de production ou une activité de service dans l'Hexagone.
« Une entreprise sur cinq envisage des relocalisations à court terme. C'est encourageant ». « L'enjeu est de voir la transformation de ces intentions », ajoute Marc Lhermitte. « Le moment n'est pas forcément le plus propice mais certains dispositifs peuvent inciter comme les territoires d'industrie. La vraie question est du côté des consommateurs. Sont-ils prêts à payer le surcoût dans l'habillement par exemple? Pour certains secteurs comme l'ingénierie, il faudra attendre le passage de la crise. »
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Méthode : Enquêtes réalisées en mars et avril 2021 auprès d'un panel de 200 dirigeants de groupes internationaux implantés en France et en Europe, dans tous les secteurs, tailles et modèles économiques. Recensement et analyse de 5.600 projets d'investissements directs étrangers annoncés en 2020, en France et en Europe (44 pays européens, janvier à décembre 2020).