L'économie souterraine représente 12% du PIB français

Environ 2,5 millions de personnes pratiqueraient, pour tout ou partie, le travail non déclaré, mais l'ampleur du phénomène reste mal connu, selon un rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi.
Grégoire Normand
L'hôtellerie et la restauration comptent parmi les secteurs les plus touchés par le travail dissimulé.
L'hôtellerie et la restauration comptent parmi les secteurs les plus touchés par le travail dissimulé. (Crédits : Philippe Wojazer)

C'est un chiffre qui est passé relativement inaperçu. Selon le dernier rapport du conseil d'orientation pour l'emploi (COE) publié le 22 février dernier, le poids de l'économie souterraine s'élèverait à 12,6% du produit intérieur brut (PIB) en France. Si cette donnée est de l'aveu même de son auteur, Friedrich Schneider, "probablement surestimée", il révèle tout de même le poids conséquent de l'économie informelle dans la production de biens et services. Ainsi, 2,5 millions de personnes seraient concernées par ce secteur difficile à mesurer en France. Au total, le manque à gagner en matière de cotisations sociales est estimé entre 4,4 et 5,7 milliards d'euros en 2016 selon l'Acoss, la caisse nationale des Ursaff.

Pour cet économiste enseignant à l'université de Linz (Autriche), l'économie souterraine englobe "toutes les productions légales de biens et services cachés aux autorités afin d'éviter le paiement de contributions socio-fiscales, de contourner la réglementation du marché du travail (salaire minimum, durée légale du travail) ou d'éviter de se plier au respect de procédures administratives." Le déficit de connaissance de cette économie parallèle et les difficultés à la mesurer ont de réelles répercussions sur la situation des travailleurs, les finances publiques ou encore la concurrence déloyale entre plusieurs entreprises d'un même secteur.

La France en dessous de la moyenne européenne

La part de l'économie non déclarée en France serait bien en deçà la moyenne européenne selon les auteurs du rapport. Selon les chiffres de Schneider cités dans le document, la moyenne de l'Union européenne s'élèverait à 17,9% contre 6,2% en Suisse, 5,6% aux Etats-Unis, 8,5% au Japon ou encore 9,8% en Australie. A l'échelle du Vieux continent, l'Hexagone se situe en dessous des pays du sud de l'Europe comme la Grèce (20,8%), l'Italie (19,5%) ou l'Espagne (16,6%). A l'inverse, le Danemark (9,3%), les Pays-Bas (7,5%), ou l'Autriche (6,7%) apparaissent en bas de tableau.

Le travail non-déclaré orienté à la baisse

La mesure du travail non déclaré à un instant précis demeure un exercice délicat souligne le conseil d'orientation de l'emploi et son évolution est encore plus complexe à appréhender. Après avoir mobilisé plusieurs sources, les experts soulignent néanmoins que "l'ampleur du travail non déclaré seraient plutôt orientée à la baisse en France et dans les principales économies développées".

Aussi, selon de précédents travaux de Schneider, la part de l'économie parallèle dans le produit intérieur brut aurait baissé entre 2003 et 2018 dans 36 pays développés. Evidemment, cette diminution a connu des évolutions contrastées selon les pays. Sur cette période, cette proportion serait passée de 14,7% à 12,3% en France et de 16,7% à 9,7% en Allemagne. Sur ces 15 années, l'économie non déclarée aurait chuté passant de 22,6% à 16,8% du PIB.

Les plus jeunes sont les plus exposés

D'après le conseil, les plus jeunes seraient les plus exposés au travail non déclaré. Ils seraient suivis par les personnes plus âgées. Au niveau de la formation, les moins qualifiés ont plus de chances d'évoluer dans ce type de secteur. Parmi les actifs, les chômeurs et les travailleurs indépendants sont plus souvent exposés au travail non déclaré que les salariés. Ce phénomène est également visible chez les personnes en contrat à durée déterminée (CDD) ou en situation de travail temporaire.

L'hôtellerie et la restauration très concernées

Sans surprise, l'hôtellerie et la restauration, le commerce de détails alimentaire, le bâtiment, le gardiennage ou encore le transport font partie des secteurs les plus concernés par la fraude sociale. La taille de l'entreprise peut également jouer sur l'exposition du travail non déclaré.

"Les entreprises les plus petites sont plus exposées au travail non déclaré sans que toutefois toutes les analyses convergent en ce sens [...] C'est ce qui ressort de l'étude de M. Hazans (2011) qui montre que les travailleurs qui occupent un emploi informel en Europe de l'Ouest sont surreprésentés au sein des entreprises de moins de 9 salariés."

Les zones grises de l'économie numérique

"L'ubérisation" de l'économie et le développement des plateformes numériques ces dernières années ont fait évoluer la nature des fraudes dans le monde du travail. La frontière entre le travail indépendant et le salariat est souvent remise en question par une partie des travailleurs, surtout que jusqu'à récemment les plateformes pouvaient bénéficier d'un manque de réglementation sur le sol tricolore. Mais les choses bougent.

Au mois de janvier dernier,  le conseil des prud'hommes de Nice a ordonné l'indemnisation de six coursiers à vélo de la start-up d'origine belge Take EatEasy qui les rémunérait comme travailleurs indépendants inscrits au régime de l'auto-entreprise, au lieu de les salarier. Les six coursiers auxquels l'entreprise, aujourd'hui en faillite, imposait une tenue vert fluo et fournissait un portable et un forfait téléphonique sans leur signer un contrat de travail, percevront chacun des montants "allant de 23.745 à 24.517 euros", a précisé à l'AFP leur avocat Me Kevin Mention.

La fraude au détachement de plus en plus sophistiquée

Le travail détaché a pris de l'ampleur en France ces dernières années. Rien qu'en 2017, il concernait un peu plus de 500.000 salariés contre 68.000 en 2007 selon des chiffres cités dans le rapport. La France serait ainsi le second pays d'accueil en Europe derrière l'Allemagne et cette forme de travail concernerait en très grande majorité des ouvriers (83%) et très peu de personnel encadrant (5%).

Pour les experts du COR, les fraudes au détachement deviennent "de plus en plus sophistiquées" avec des montages juridiques très complexes et des cas sous-traitance "en cascade" qui complique grandement la détection des fraudes par les services de l'Etat. En matière de contrôle, les secteurs les plus surveillés sont  en premier lieu la construction (35%), les entreprises de travail temporaire (15%) et les activités de transport (10%).

Grégoire Normand
Commentaires 15
à écrit le 01/03/2019 à 9:23
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La "France d'en bas" prend exemple sur la "France d'en haut": la triche.

à écrit le 28/02/2019 à 6:57
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Je constate que dans l'étude il n'y a aucune prise en compte de l'économie des stupéfiants et autre trafic. Alors que c'est aussi de l'emploi non déclaré.

à écrit le 27/02/2019 à 17:17
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Le premièr froideur c est macron 2.8 millards pris aux retraités mais La ce normal plus arrco agirc 6 millards pris aux retraites La cest normal plus csg La c est normal La france elle est loin de voir la paix sociale la paix social c est pour les ri...

le 27/02/2019 à 18:47
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Parmi les retraités que vous décrivez comme des victimes, combien ont-ils versé suffisament de cotisations pour égaler (en les actualisant) les retraites perçues et payés par les travailleurs actuels? Parmi les retraités il y en a beaucoup qui ont u...

le 27/02/2019 à 20:35
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La retraite c est part répartition de puis 1945 alor fermé la

à écrit le 27/02/2019 à 16:17
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Ce n'est qu'un début avec l'augmentation des contraintes et de la fiscalité! L'éternelle méthode pour augmenter la confrontation entre français pour permettre a l'UE de Bruxelles de s’ingérer dans nos politiques!

le 27/02/2019 à 18:45
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petit problème avec la réalité : ce sont les pays du sud de l'Europe, parfois avec des fiscalités assez basse (Italie - GRECE) qui fraudent le plus. Les pays du nord, avec des fiscalités assez fortes (Danemark ; Autriche, même si l'Autriche n'est ...

à écrit le 27/02/2019 à 14:04
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Dans ces calculs on intègre la prostitution ,la vente de cannabis, et le vol avec revente de voitures ,tel ,portables ,métaux précieux ,tout çà au grand jour

le 27/02/2019 à 19:58
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Commentaire à côté de la plaque, l'article propose un lien vers le rapport en question , lisez-le. C'est écrit dans ce rapport, les productions de biens et service illégaux ne sont pas pris en compte dans l'étude.

à écrit le 27/02/2019 à 12:00
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Ces chiffres semblent inclure la valeur ajoutée produite par l'économie partage. Si cette économie totalement libre devait être réglementée, elle disparaîtrait. Il n'y a donc pas de manque à gagner pour l'état collectiviste, bien au contraire. Il fau...

à écrit le 27/02/2019 à 11:28
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par essence, c'est dur a estimer! la precision des chiffres laisse songeur

à écrit le 27/02/2019 à 11:12
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hôtellerie, restauration,construction sont bien connus pour la pratique de travail non déclaré , mais très peu contrôlés et sanctionnés par manque évident de volonté du pouvoir politique ; et quid de l'emploi non déclaré dans le secteur agricole ? su...

le 27/02/2019 à 18:09
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"hôtellerie, restauration,construction sont bien connus pour la pratique de travail non déclaré" C'est d'ailleurs les secteurs ou le Medef se plaint du manque de candidat, chaque année.

à écrit le 27/02/2019 à 10:53
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J'ai de serieux doutes sur ces chiffres, 12.6% de 2350 milliards, 296.1 mds, ça fait 4420 euros d'activité par habitant homme femme enfant nourrisson petit vieux, ou alors ils mettent dedans les activités de revente par des particuliers de leur habit...

à écrit le 27/02/2019 à 9:48
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Un GJ se plaignait d'avoir une pension de retraite "indécente" car ayant travaillé pas mal au noir il avait peu cotisé. C'est pourtant logique.

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