La baisse du pouvoir d'achat pourrait freiner la croissance

Par Grégoire Normand  |   |  945  mots
Les dépenses d'investissement des ménages pourraient ralentir "comme le suggère la stabilisation des ventes de logements neufs observée ces derniers mois" indique l'Insee. (Crédits : © Regis Duvignau / Reuters)
La hausse de la fiscalité sur le carburant et le tabac pourrait peser sur le pouvoir d'achat des Français au cours du premier semestre 2018, selon les dernières prévisions de l'Insee.

La reprise montre déjà quelques signes de faiblesse. Selon la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée ce mardi 20 mars, la prévision de croissance pour le premier trimestre 2018 est légèrement revue à la baisse par rapport aux dernières projections de décembre dernier (+0,4% contre 0,5% prévu initialement). Alors que 2017 a signé le retour d'une croissance française solide (2%, son plus haut niveau depuis 2011), l'activité pourrait connaître quelques signes d'essoufflement en ce début d'année. Ce ralentissement intervient dans un contexte de grogne sociale où le gouvernement multiplie les réformes et les foyers de contestation se propagent.

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Ralentissement de la croissance

Le rythme de croissance du PIB pourrait ralentir au cours des six premiers mois de l'année 2018. Depuis le début de l'année, certains indicateurs de confiance ont cessé de progresser comme dans l'industrie et le commerce de détails. D'autres indicateurs relatifs aux services, au bâtiment et au commerce de gros se sont même repliés tout en restant à des niveaux supérieurs à leur moyenne de long terme. En février dernier, le climat des affaires a atteint 109 contre 106 en décembre dernier.

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Le pouvoir d'achat pourrait marquer le pas

Pour expliquer cette baisse des prévisions, les économistes de l'Insee indiquent que le pouvoir d'achat des Français pourrait marquer le pas au cours du premier trimestre. Ce ralentissement serait en grande partie lié à un regain de l'inflation et une pression fiscale accrue. La hausse de la fiscalité sur le tabac et les carburants intervenue au cours du premier trimestre pourrait ainsi avoir un impact sur le porte-monnaie des Français et la consommation des ménages. Si le gouvernement s'est employé à mener une stratégie de communication en faveur du pouvoir d'achat au cours des dernières semaines, il semble que le calendrier des réformes mis en oeuvre par l'exécutif soit défavorable à la consommation des ménages.

Selon l'institut de statistiques, les ménages pourraient également freiner leur dépenses d'investissement au cours du premier trimestre, comme le suggère la stabilisation des ventes de logements neufs observée ces derniers mois. La fin d'année pourrait être plus favorable compte tenu du calendrier de mise en oeuvre des réformes notamment sur la suppression progressive de la taxe d'habitation. Mais les prévisions relatives à la consommation des ménages "restent dépendantes de la manière dont ces derniers anticipent l'évolution de leur pouvoir d'achat".

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L'investissement des entreprises accélère

L'investissement des entreprises non financières a accéléré en 2017 (4,4% après 3,4% en 2016). Selon l'Insee, les entreprises ont affiché des taux d'investissement inédits depuis 40 ans (22,4%) et cette tendance devrait se poursuivre dans les mois à venir.

"Après sa vive croissance en fin d'année 2017 (+1,6 % après +1,1 % au troisième trimestre), l'investissement resterait solide (+1,1 % au premier trimestre puis +1,2 % au deuxième) en réponse aux tensions persistantes sur l'appareil productif."

Les chefs d'entreprise devraient continuer à profiter de la hausse du taux de CICE de 6% à 7% (au titre de l'année 2017 versé en 2018). Les marges des entreprises à la fin du deuxième trimestre 2018 devrait être proche de leur niveau moyen de 2017 (31,8% pour les sociétés non financières).

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Des perspectives favorables pour l'emploi

En 2017, l'économie française a connu une sérieuse embellie sur le front de l'emploi avec 257.000 de postes dans le secteur marchand et 277.700 emplois en tout dans le privé. Pour 2018, les perspectives restent favorables avec des enquêtes de conjoncture et un climat de l'emploi qui restent stables à 109 depuis décembre. Au cours du premier semestre, l'emploi salarié marchand accélérerait  (+129.000) contre 124.000 pour le dernier semestre 2017. Il resterait à des niveaux proches du premier semestre de l'année dernière (133.000).

Dans le tertiaire marchand, les créations d'emploi resteraient toujours robustes (+113.000) représentant l'essentiel de la hausse. Parmi elles, l'intérim progresserait encore au cours des six premiers mois de l'année (+20.000) poursuivant ainsi sa tendance de long terme. L'industrie pourrait à nouveau créer des emplois (+6.000 créations nettes, comme au second semestre 2017).

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Dans le secteur non marchand, l'emploi salarié devrait baisser au moins jusqu'en juin prochain (-13.000) suite à la diminution du nombre de bénéficiaires de contrats aidés. Au total, l'emploi progresserait de 113.000 postes durant le premier semestre 2018 contre 133.000 sur la même période, un an auparavant.

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Stabilisation du chômage

Le taux de chômage a fortement baissé au cours de l'année 2017 passant de 10% à 8,9% au sens du Bureau international du travail (BIT). Selon les spécialistes de l'Insee, le taux de chômage resterait inchangé au premier semestre 2018 à 8,9% de la population active, en baisse de 0,5 point sur un an.

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Les économistes de l'organisme public restent toutefois prudents sur leur scénario même à court terme. En effet, cette prévision est "susceptible d'être affectée par les incertitudes politiques qui subsistent de part et d'autre de l'Atlantique. Le retour éventuel de tensions inflationnistes pourrait aussi conduire à plus d'incertitude sur l'évolution de la politique monétaire américaine et la manière dont elle est accueillie par les marchés".

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