La fiscalité, le vrai marqueur pour distinguer les candidats de droite de gauche à la présidentielle

Impôts de production, fiscalité sur l'héritage, "ISF climat"... les propositions des candidats à la présidentielle marquent le retour en force d'une vraie ligne de clivage gauche/droite dans le paysage politique. Tour d'horizon des principales propositions.
Grégoire Normand
Les propositions fiscales des candidats marquent de vrais clivages, comme par exemple sur la fiscalité des hauts patrimoines, totalement absente des programmes du côté d'Emmanuel Macron, de la droite ou de l'extrême droite.
Les propositions fiscales des candidats marquent de vrais clivages, comme par exemple sur la fiscalité des hauts patrimoines, totalement absente des programmes du côté d'Emmanuel Macron, de la droite ou de l'extrême droite. (Crédits : Reuters)

À l'approche du scrutin, la fiscalité demeure un sujet de préoccupation majeur pour l'ensemble des Français. La flambée des prix de l'énergie et la hausse de l'inflation ont ravivé les débats brûlants sur la taxation des produits de consommation et la fiscalité verte.

Derrière ces discussions, la question du pouvoir d'achat reste la priorité numéro un des Français dans la plupart des sondages. "Ce sont les candidats ayant abordé ce thème qui ont le plus grimpé dans les sondages. Tout le débat politique se fait autour du pouvoir d'achat. On a l'impression que l'élection va se jouer sur ce thème alors que le chiffrage, les prévisions de croissance, de déficit et de dette ont été très peu abordés. On ne fait pas trop attention aux chiffrages des programmes et leurs conséquences sur les finances publiques", a expliqué ce vendredi 8 avril la cheffe économiste en charge de la France du cabinet Oxford Economics, Daniela Ordonez.

Après une campagne présidentielle bousculée par la pandémie et la guerre en Ukraine, les candidats affrontent la dernière ligne droite en proposant des mesures fiscales diamétralement opposées.

Entre la baisse des impôts de succession pour les candidats marqués à droite et la mise en place d'un ISF climat dans les rangs des candidats de gauche, la fiscalité des ménages et des entreprises marque un vrai clivage sur la scène politique française. Dernièrement, la fiscalité sur l'héritage, dossier hautement inflammable, a illustré cette ligne de partage entre les candidats.

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Les impôts de production dans le viseur de Macron, de LR et de l'extrême droite

La pandémie a accéléré la baisse des impôts de production. Cette fiscalité, jugée "pesante" par une partie du patronat, a baissé de 10 milliards d'euros depuis 2020 dans le cadre du plan de relance présenté en septembre 2020 par le Premier ministre Jean Castex. Après cette annonce, de nombreuses collectivités ont tiré la sonnette d'alarme s'estimant privées de ressources et d'une perte de pouvoir sur la fixation des taux de prélèvements obligatoires au niveau local.

Outre les collectivités locales, une partie de ces impôts de production finance également la protection sociale via la C3S (Contribution sociale de solidarité des sociétés) et les caisses de l'Etat. Lors de la présentation de son programme le 17 mars dernier à Aubervilliers, le président candidat Macron a annoncé qu'il voulait s'attaquer à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) "qui représente environ 7 milliards d'euros par an."

Cette politique fiscale en faveur de l'offre se retrouve dans de nombreux programmes politiques à droite et à l'extrême droite. Du côté des Républicains, la candidate Valérie Pécresse, qui a dû suspendre pendant quelques jours sa campagne sur le terrain en raison du Covid, propose une baisse de 10 milliards d'impôts de production, sans plus de précisions.

Dans le camp de la droite extrême, le candidat de Reconquête Eric Zemmour fait la proposition la plus radicale en baissant la fiscalité sur la production "à hauteur de 30 milliards d'euros supplémentaires par an, en supprimant en priorité la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés (C3S), la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) et la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE)". Du côté du Rassemblement National, la candidate Marine Le Pen propose de "supprimer la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) qui pénalise les PME-TPE locales, et les impôts de production qui nuisent à la relocalisation".

Le montant global de cette mesure présentée dans le chiffrage du Rassemblement National est estimé à 10 milliards d'euros. Chez les Verts, Yannick Jadot préconise un retour des impôts de production comparable au niveau d'avant crise. Le candidat estime que "c'est d'abord un cadeau fait aux plus grandes entreprises". Les recettes devront abonder "des fonds régionaux dédiés aux investissements des entreprises pour la transition énergétique et à l'économie sociale et solidaire".

L'impact des impôts de production sur l'économie loin d'être tranché

Chez les économistes, l'impact macroéconomique des impôts de production est loin d'être tranché. L'économiste et conseiller de la banque Natixis Patrick Artus explique dans une récente note que la comparaison des pays de l'OCDE semble montrer qu'un poids élevé des cotisations sociales et des impôts de production des entreprises est défavorable à l'emploi et à l'industrie.

A l'inverse, l'économiste du CEPII et spécialiste des enjeux de compétitivité, Vincent Vicard avait expliqué dans un entretien en janvier dernier à La Tribune que "pour l'instant, il est encore difficile de juger de l'efficacité de la baisse des impôts de production, puisqu'aucune étude ne montre l'efficacité d'une telle mesure. La baisse de cette fiscalité va par ailleurs devoir être financée. C'est une décision prise à l'aveugle."

A gauche, Mélenchon propose de rendre l'impôt plus égalitaire entre les PME et les grands groupes

A l'aile gauche, le candidat de l'Avenir en commun, Jean Luc Mélenchon propose de refonder "l'impôt sur les sociétés pour établir l'égalité devant l'impôt entre PME et grands groupes, instaurer un barème progressif en fonction des bénéfices réalisés et selon leur usage et favoriser l'investissement plutôt que la distribution de dividendes". Avec cette proposition, le député des Bouches du Rhône va à l'encontre des politiques fiscales menées depuis plusieurs années en faveur des revenus du capital en France.

Pour rappel, le taux d'impôt sur les sociétés est passé de 50% dans les années 1980 sous François Mitterrand à 33% entre 1993 et 2017, pour finalement s'établir à 25% en 2022. Le candidat de la France Insoumise propose également de "taxer les entreprises ayant profité de la crise sanitaire pour financer les investissements nécessaires à la reprise et à la bifurcation écologique".

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La fiscalité des ménages, ligne de clivage entre la gauche et la droite

Les prélèvements obligatoires sur les ménages constituent une véritable ligne de fracture entre les candidats à l'élection présidentielle. A Aubervilliers lors de la présentation de son programme, Emmanuel Macron a promis 15 milliards d'euros de baisse d'impôts au total, répartie équitablement entre les entreprises et les ménages. Concernant les Français, cette baisse doit notamment passer par la suppression de la redevance audiovisuelle (138 euros par an), la baisse de prélèvement sur les indépendants.

Sur le sujet de la fiscalité, le programme de Valérie Pécresse présente quelques points communs avec celui d'Emmanuel Macron notamment sur la redevance TV, la baisse des cotisations sociales sur le travail. Elle suggère également d'éliminer la TVA sur les taxes pesant sur l'électricité et également "une indexation automatique des indemnités de frais kilométriques sur le prix des carburants, et suppression du plafond de 40 km entre le domicile et le travail".

Chez Marine Le Pen, la principale mesure concerne la baisse de la TVA sur les produits énergétiques pour un montant de 12 milliards d'euros. Le candidat de reconquête promet de son côté des baisses d'impôt et de prélèvements de 28 milliards d'euros par an. Cela passera par une baisse de la CSG "afin de favoriser les travailleurs et retraités modestes, de défiscaliser le versement de la prime de participation, de supprimer les droits de mutation à titre onéreux pour les primo-accédants, les droits de succession pour 95% des Français et la redevance audiovisuelle". Avec le surcroît de consommation liée à ces mesures, le candidat table sur des recettes supplémentaires de TVA de 5 milliards d'euros par an. Ce qui représenterait un coût net de 23 milliards d'euros.

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Une refonte de l'impôt sur le revenu chez Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon propose de son côté une refonte du barème de l'impôt sur le revenu avec 14 tranches contre 5 actuellement. Cette proposition vise à rendre le système fiscal "plus progressif" selon les auteurs du programme. Cette "révolution fiscale" proposée par le candidat qui reprend le titre de l'ouvrage des économistes Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez de 2011 "Pour une révolution fiscale" (éditions Le Seuil) prévoit notamment de mettre un taux marginal de 65% pour la dernière tranche contre 45% actuellement. Cette transformation permettrait de rapporter 5 milliards d'euros par an selon les économistes proches du député.

Le candidat de gauche propose également de supprimer la flat tax (1,8 milliard d'euros) en rétablissant l'impôt sur la fortune en incluant un volet climatique visant à taxer les gros pollueurs. Le barème et les taux applicables sur l'impôt sur le revenu ont beaucoup évolué sur les 40 dernières années. En 1981, sous le gouvernement de François Mitterrand, le barème comptait 14 tranches avant de progressivement diminuer pour atteindre cinq tranches sous François Hollande. Emmanuel Macron a conservé ce nombre de tranches tout au long de son mandat.

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À gauche, l'idée d'un impôt sur la fortune climatique fait son chemin

En 2017, la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI) par Emmanuel Macron avait suscité de vives critiques dans les rangs de la gauche et de l'opposition. Cet impôt créé en 1989, qui a remplacé l'impôt sur les grandes fortunes (IGF) mis en oeuvre en 1982 sous le premier septennat de François Mitterrand, rapportait environ 4 milliards d'euros par an au Trésor public. Dans le contexte de l'urgence climatique et du coût de la pandémie, les débats sur la mise en oeuvre d'un impôt sur les grandes fortunes ont refait surface.

L'ONG Greenpeace a par exemple proposé de mettre en place un ISF vert. L'ONG propose en effet d'intégrer une composante carbone à la fiscalité en fonction de l'empreinte carbone des plus riches. Cette idée figure sans surprise dans le programme de Yannick Jadot. L'ISF climat doit ainsi taxer les patrimoines supérieurs à 2 millions d'euros et doit permettre de mettre en place un système de bonus/malus en fonction des répercussions des actifs financiers et immobiliers sur le climat.

De son côté, la candidate socialiste Anne Hidalgo veut mettre en place un ISF climat et biodiversité afin de mettre à contribution les plus fortunés pour financer la transition énergétique. La maire de Paris veut mettre en oeuvre "une règle d'or" s'agissant des recettes : 50% pour des dépenses accélérant la transition écologique, et 50% pour des mesures sociales en faveur des ménages particulièrement impactés par la transformation de nos modes de vie ou déjà en difficulté sociale.

Du côté d'Emmanuel Macron, de la droite et de l'extrême droite, la fiscalité sur les hauts patrimoines est absente des programmes. A la veille du scrutin, les programmes fiscaux des candidats à la présidentielle pourraient faire la différence après une campagne critiquée pour son manque de débats.

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Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 10/04/2022 à 2:14
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Si la fiscalité est le seul marqueur politique alors nous pouvons faire le deuil de la culture française...

à écrit le 08/04/2022 à 16:57
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Définition d'un politicien : Une femme ou un homme qui prend de l'argent à un quidam pour le donner à un autre et vice versa , le tout avec l'argent des français. Bref, diviser pour régner sans se préoccuper de l'avenir du pays.

à écrit le 08/04/2022 à 16:05
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Le pire c'est que ya que le programme de Mélenchon qui pourrait sauver le capitalisme ! ^^

le 09/04/2022 à 14:43
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Le programme de Mélenchon appliqué dans un seul pays c'est la ruine de ce pays.

le 09/04/2022 à 16:06
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Mélenchon nous dit qu'avec lui un autre monde est possible.Il dit la vérité. Il transformera la France en Venezuela où nous serons tous égaux mais dans la pauvreté.

le 09/04/2022 à 20:54
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"Le programme de Mélenchon appliqué dans un seul pays c'est la ruine de ce pays. " LOL ! La dette française est de 2500 milliards d'euros, le pays est déjà ruiné il tient juste parce que le serviteur des marchés financiers est à notre tête mais il ne...

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