"La reprise sera forte, voire très forte au second semestre", Benoît Coeuré

ENTRETIEN- A la tête du comité d'évaluation du plan de relance en France, l'économiste Benoît Coeuré doit remettre à l'automne prochain un rapport au Premier ministre sur cinq mesures emblématiques : le dispositif "un jeune, une solution", MaPrimeRenov, la rénovation des bâtiments publics, le soutien aux investissements industriels et l'industrie du futur.
Grégoire Normand
Benoît Coeuré est responsable du pôle innovation à la Banque des règlements internationaux (BRI) et ancien membre du directoire de la Banque centrale européenne.
Benoît Coeuré est responsable du pôle innovation à la Banque des règlements internationaux (BRI) et ancien membre du directoire de la Banque centrale européenne. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE- Le Premier ministre Jean Castex vous a confié la responsabilité du comité d'évaluation du plan de relance. Quelle est votre mission précisément ?

BENOÎT COEURE- La mission du comité d'évaluation est d'éclairer le débat public sur les effets du plan de relance. Le suivi du plan est assuré quant à lui par le secrétariat général de la relance, à Bercy. Le comité a été créé par le Parlement et fait suite au comité de suivi et d'évaluation des mesures d'urgence. Sa composition est proche, avec notamment des représentants des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, des territoires et des partenaires sociaux. C'est un gage d'indépendance et de pluralité d'opinions, et cela permettra au comité d'informer de la manière la plus objective possible le débat politique à l'approche des échéances de 2022. France Stratégie assure le secrétariat du comité conjointement avec l'inspection générale des finances. La nouveauté est la participation des ministères du Travail et de la Transition écologique.

Le défi du comité réside principalement dans le montant et le champ des mesures avec la compétitivité, la transition écologique et la cohésion sociale. L'un des enjeux est de définir la méthode et les mesures à évaluer. Le comité a décidé d'adopter une approche en deux temps. Dans un premier temps, le comité examinera « in itinere » la mise en œuvre de cinq mesures en vue d'un premier rapport fin octobre 2021. L'enjeu est de vérifier que le plan démarre sur de bonnes bases. Ces cinq mesures sont : le dispositif "un jeune, une solution", MaPrimeRenov, la rénovation des bâtiments publics, le soutien aux investissements industriels et l'industrie du futur. Ce sont des dispositifs symboliques du plan de relance et de ses trois dimensions - compétitivité, cohésion sociale et écologie. Dans un deuxième temps, le comité mesurera l'impact de 10 à 15 dispositifs sur l'emploi, la compétitivité et le climat en faisant appel à des évaluations indépendantes. Cela prendra évidemment plus de temps.

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Quelles sont vos marges de manœuvre pour examiner ce plan de relance ?

Le comité d'évaluation a été créé par le Parlement, ce qui garantit son indépendance. J'en suis également le garant. La lettre de mission du Premier ministre Jean Castex clarifie en outre que le secrétariat du comité aura accès aux données nécessaires. Je dois dire que jusqu'à maintenant, les administrations et opérateurs nous ont fait un très bon accueil.

Vous avez également piloté le comité d'évaluation des mesures d'urgence. Quel regard portez-vous sur les différentes mesures d'urgence mises en oeuvre depuis le début de la pandémie ?

Le rapport d'étape publié en avril a porté un jugement positif aussi bien sur leurs conséquences que sur leur mise en oeuvre. Les mesures ont une approche universelle, ce qui comportait un risque, accepté, d'effets d'aubaine. Les données collectées sur le recours aux mesures ont montré que ces effets d'aubaine ont été plus faibles qu'attendus. Le rapport final qui doit être rendu public fin juillet va mettre à jour ce diagnostic avec une vision plus complète sur l'ensemble de l'année 2020, y compris la deuxième vague de la pandémie. Le rapport va permettre notamment d'avoir un meilleur diagnostic sur la situation financière des entreprises en sortie de crise.

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Le plan de relance européen vous paraît-il à la hauteur de la crise et des enjeux de l'économie post-covid ?

Le plan de relance européen marque une innovation par sa taille et sa méthode avec l'émission d'obligations européennes, et une concertation étroite entre la Commission et les Etats membres, notamment sur les réformes qui viennent en soutien aux investissements. Le plan est-il suffisant ? A court terme, je crois que oui. La reprise sera forte, voire très forte au second semestre. L'enjeu maintenant est plutôt de pérenniser son impact à long terme et d'éviter qu'il ne soit qu'un feu de paille.

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Les Banque centrales ont joué un grand rôle au début de la pandémie. Doivent-elles revoir leur mandat ?

Les banques centrales ont réagi de manière forte et résolue a la pandémie. Elles ont mis à jour leurs « boites à outils » pour faire face à des situations nouvelles. Un instrument comme le TLTRO (opération ciblée de refinancement de long terme) créé par la BCE pendant la crise de la zone euro s'est révélé efficace face a la pandémie. Le mandat des banques centrales est décidé par les Parlements et, dans le cas de la BCE, inscrit dans un Traité. La crise a montré qu'il n'était pas un obstacle à son action.

Les instruments de la BCE n'ont pas réussi à atteindre la cible d'inflation à 2%. Faut-il revoir cette cible des 2% comme le proposent certains économistes ?

J'ai dit tout ce que j'avais à dire sur la stratégie de la BCE dans le discours que j'ai prononcé en décembre 2019 au moment de mon départ. Quant au chiffre de 2%, c'est le même aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon.

Une récente note du conseil d'analyse économique (CAE) propose de mettre en place la monnaie hélicoptère tant que la cible d'inflation n'est pas atteinte et pour limiter les effets collatéraux de la politique monétaire. Le conseil l'envisage de deux manières : un transfert direct de la Banque centrale à l'État finançant des dépenses publiques ou un transfert direct de la Banque centrale aux individus. Quel regard portez-vous sur cette proposition ?

Les banques centrales ont un choix très large d'instruments. Il ne doit pas y avoir de tabou. Mais tout nouvel instrument de politique monétaire doit servir un objectif monétaire et non budgétaire (il ne doit pas répondre à des objectifs de réduction des inégalités, par exemple, car c'est au Parlement de faire ce choix). En outre, la banque centrale doit pouvoir mettre en place ce type d'outil en toute indépendance, et il faut que cet instrument soit légal (dans le cas de la BCE, conforme aux traités européens). S'agissant de la monnaie hélicoptère, il reste à voir si ces trois conditions peuvent être réunies.

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Comment les banques centrales peuvent-elles appréhender le risque climatique, grand enjeu des décennies à venir ?

Les banques centrales ont le devoir d'appréhender le risque climatique, qui est une menace majeure pour notre société. Elles peuvent l'appréhender à travers trois dimensions. D'une part, elles doivent comprendre l'impact du changement climatique et de la transition énergétique sur l'activité et sur les prix, et pour cela, profondément repenser leurs modèles de prévision et de simulation.

D'autre part, la plupart des banques centrales ont des missions de contrôle bancaire et d'évaluation des risques dans le système financier. Les risques liés au changement climatique doivent être intégrés. On peut citer les risques liés aux actifs carbonés détenus par les institutions financières. Des tests de résilience climatiques doivent permettre aux superviseurs de mesurer ces risques et d'en tirer les conséquences, notamment en matière d'exigences de fonds propres.

Enfin, les politiques monétaires doivent-elles accompagner les objectifs de la transition écologique ? Je pense que la banque centrale ne doit pas fixer les objectifs de la transition écologique, qui relèvent des autorités politiques, mais qu'a l'inverse, elle ne doit pas les contrecarrer. Ainsi, les achats d'actifs de la BCE ne doivent pas aller à l'encontre des objectifs européens en favorisant excessivement les actifs carbonés.

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Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 08/07/2021 à 9:04
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Les économistes médiatiques ces gens qui se trompent sans cesse aux salaires à 5 chiffres. Beau sermon mon frère. Amen.

à écrit le 07/07/2021 à 21:29
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40 ans d'élites supra luminique de l'économie nous a mené ou ? Doivent ils nettoyer mieux leur boule de cristal ?

à écrit le 07/07/2021 à 17:57
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placé là par le fait du Prince et de son sbire, et donc redevable envers ceux qui l'ont fait roi. Peut il réellement dire autre chose, surtout à la veille d'une réélection où la propagande macronienne va tourner à plein ?

à écrit le 07/07/2021 à 9:37
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l oisivité ou la passivité des français inquiette encore plus

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