Les projets des Français de fonder une famille seront-ils aussi soutenus à la sortie de la crise Covid-19 qu'après la crise financière de 2008 ? La question se pose. Lors de ces deux crises, l'économie tricolore est en effet entrée en récession (-2,6% en 2009 et -8,2% en 2020, selon l'Insee). Mais même après la crise des subprimes, contrairement à ces voisins, l'indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) est resté stable dans l'Hexagone entre 2006 et 2014 (2 enfants par femme), avant de décélérer pour atteindre 1,86 enfant par femme française en 2019, comme le rappelle l'Insee dans une étude publiée vendredi. Or, aujourd'hui, avec les conséquences de la crise du Covid-19, cette courbe descendante est loin de s'inverser, bien au contraire.
« On constate une baisse tangible en 2020 » des naissances (-7% par rapport à décembre 2019), s'inquiète François Bayrou, le haut-commissaire au Plan dans une note pour un "pacte national pour la démographie" pour sauver le modèle social français transmise à l'AFP à la mi-mai. En janvier 2021, la baisse a été de 13% par rapport à l'année précédente.
« Le nombre de naissances baisse année après année »: 753.000 en 2019 contre 818.000 en 2014, écrit le haut-commissaire qui évoque des signes « très préoccupants » d'un « dérèglement ».
Chômage et pouvoir d'achat dans la balance
« Par les incertitudes qu'elle engendre sur l'avenir, la crise peut amener des couples à reporter leur projet d'avoir un enfant, voire à l'abandonner » confirme de son côté l'Insee qui rappelle que le climat social et les politiques familiales ont également un impact. « La fécondité est restée élevée jusqu'en 2010 avant de baisser à partir de 2011 lorsque la rechute de l'activité économique a semblé installer la crise dans la durée » détaille l'institut.
La perspective de construire un foyer est directement corrélée à l'environnement économique. « L'une des conséquences les plus palpables de la crise pour les Européens est le risque de chômage et la baisse des revenus qu'il engendre », rappelle l'Insee. Or, avec la pandémie, le nombre de demandeurs d'emploi en France de catégorie A a enregistré en avril 2021 sa plus forte progression depuis un an, a estimé le ministère du Travail. Une hausse d'ailleurs nettement plus marquée chez les jeunes (+3,2%), note la Dares.
Autre frein à la fécondité, celui de craindre une perte de pouvoir d'achat avec un retour de l'inflation en zone euro plus important que prévu, à +2% en mai. Une hausse des prix qui ne serait pas nécessairement suivie d'une hausse des salaires si les entreprises ne devaient pas retrouver une santé solide.
« Il faut se ressaisir »
Dans ce contexte incertain, François Bayrou en est convaincu dans sa note : « il faut se ressaisir », « avoir plus d'enfants » mais aussi « accueillir des personnes d'autres pays ».
« La France a sans doute plus besoin encore que ses voisins d'une démographie dynamique car son modèle social repose, pour beaucoup, sur la solidarité entre les générations », écrit-il encore, notamment à travers le système de financement par répartition des retraites et, au-delà, de l'action sociale et de tous les services publics.
Ce modèle est une « singularité française » fondée sur le principe du « tous pour chacun », et « la démographie devient la clé même de la durabilité et de la générosité du contrat social », poursuit François Bayrou.
« Il manquerait 40 à 50.000 naissances par an pour assurer le renouvellement des générations », lit-on dans la note du haut-commissariat.
Le rôle de l'immigration
« Contrairement à une idée reçue ou véhiculée, l'immigration n'est pas la cause de notre relative dynamique démographique », écrit le haut-commissaire, qui s'appuie sur l'Institut national des études démographiques (Ined) pour noter que « la croissance démographique est due pour les trois quarts au solde naturel ».
« Pour 2020, le solde migratoire est estimé de manière provisoire (à) +87.000 personnes », un chiffre à comparer avec le solde naturel (les naissances moins les décès) qui était de 149.000 en 2018 et 140.000 en 2019. En 2020, année marquée par le Covid-19, le solde naturel est estimé à 67.000.
« L'apport des migrations peut aider à améliorer le rapport actifs-retraités, et donc la capacité de financement de nos systèmes sociaux", ajoute François Bayrou, qui insiste: "Il faut accepter qu'elle y prenne sa part, mais celle-ci ne sera acceptée que si parallèlement les conditions sont réunies pour maintenir une ambition démographique dans notre pays ».
« Il faut une politique familiale qui permette aux gens d'avoir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent », déclare François Bayrou, rappelant que « la dégradation de la natalité en France a été concomitante des mesures fiscales touchant notamment le quotient familial ».
Cela passe par l'amélioration de l'accueil de la petite enfance, la politique du logement, « le soutien aux mères de famille pour que leur carrière ne soit pas affectée par le fait qu'elles ont des enfants », insiste-t-il.
(Avec AFP)