Le choc énergétique, un coût astronomique de 60 milliards d'euros pour l'économie française

Le surcoût de la facture énergétique représente 2,5 points de produit intérieur brut en 2022 par rapport à l'année dernière selon un récent calcul de la Banque de France. Il s'agit d'un choc extérieur historique depuis 1974.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

L'ampleur du choc énergétique sur l'économie française est immense. Malgré le ralentissement des prix de l'énergie sur les marchés de gros ces dernières semaines, les conséquences économiques et sociales de la guerre en Ukraine continuent de faire des ravages chez les ménages et les entreprises. D'après un calcul de la Banque de France, le surcoût de la facture énergétique en 2022 pour la France représente 2,5 points de produit intérieur brut (PIB), soit environ 60 milliards d'euros de plus par rapport à 2021.

Pour rappel, les prix de l'énergie en 2021 avaient déjà commencé à bondir dans le contexte de la reprise post-pandémie. Après le plongeon spectaculaire de l'économie tricolore en 2020, l'activité avait fortement rebondi entraînant une hausse record de la demande en énergie. Cela signifie que le coût de cette crise énergétique serait encore plus élevé si on le comparaît à la période pré-covid où la facture énergétique était bien moindre. « C'est le plus gros choc depuis 1974. A l'époque, la taille du choc était estimé à 2,8 points de PIB », souligne la Banque centrale. A l'époque, la crise pétrolière de 1973 avait mis fin brutalement à la période des « 30 glorieuses », synonyme de forte croissance et de plein emploi. Cette crise avait débouché sur une période de « stagflation », c'est-à-dire une croissance plate et une inflation élevée.

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Actuellement, l'économie du Vieux continent est plongée en eaux troubles. Le dernier indice PMI dévoilé ce vendredi 4 novembre indique que l'activité dans la zone euro s'est repliée à 48,1 en octobre contre 47,3 en septembre. L'activité est en expansion lorsqu'elle dépasse le seuil de 50 et en contraction en deçà de cette limite.

Il s'agit d'un plus bas depuis 23 mois. La conjoncture est particulièrement morose en Allemagne (45,1), en Italie (45,8) ou en Espagne (48). En France, l'activité demeure en territoire positif à 50,2 mais pourrait plonger en récession si la situation continue de se dégrader dans les mois à venir.

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Un pic d'inflation attendu au premier semestre 2023

Côté inflation, sur un an, l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui sert de base de comparaison au niveau européen, augmenterait de 7,1% en octobre, après une hausse de 6,2 % le mois précédent. Sur un mois, il rebondirait de 1,3%, après -0,5% en septembre d'après les récents chiffres de l'Insee.

Dans les semaines à venir, l'inflation pourrait continuer d'accélérer avec la fin de la remise à la pompe prévue pour le 15 novembre et la réduction du bouclier tarifaire. En outre, les prix de l'alimentaire continuent de grimper en flèche. Dans ses dernières prévisions dévoilées fin septembre, la Banque de France table sur un pic d'inflation au début de l'année 2023.

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La sphère publique permet d'encaisser une partie importante du choc

En attendant, chez les ménages, la hausse de l'inflation estimée à 6,2% en octobre par l'Insee continue de peser sur leur budget. Compte tenu du poids de l'énergie et de l'alimentaire dans le porte-monnaie des Français, la consommation a commencé à freiner pour de nombreuses familles obligées de se serrer la ceinture pour pouvoir se chauffer et se nourrir.

De ce point de vue, l'évolution de l'indice général des prix traduit peu la répartition du choc entre les ménages, les entreprises et l'Etat. D'après les modèles de la Banque de France, un tiers de ce choc serait encaissé par les ménages et deux tiers par les entreprises sans intervention publique.

Néanmoins, la mise en place des différentes mesures comme le bouclier tarifaire ou la ristourne sur le carburant a permis d'abaisser l'ampleur de ce choc chez les ménages et les entreprises. « Après intervention budgétaire, la sphère publique devient un financeur de ce choc ». Au final, les ménages encaisseraient 10% de ce choc, l'Etat un tiers et les entreprises un peu plus de 50%.

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Le choc énergétique, une hantise pour les ménages et les entreprises

La dépendance de l'économie hexagonale aux énergies fossiles a pesé sur le pouvoir d'achat des Français. D'après une récente étude du cabinet Cambridge Econometrics, l'envolée des prix du gaz et du pétrole cet été est responsable de 40% de la hausse de l'inflation en France. Entre août 2020 et août 2022, les prix de l'énergie pour les ménages français ont bondi de 37%. Résultat, un ménage français médian aurait perdu 410 euros de pouvoir d'achat par rapport à 2020.

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Du côté des entreprises, l'industrie tricolore est en première ligne. Plusieurs sociétés comme Duralex ont déjà réduit la voilure à l'approche de l'hiver. Compte tenu du renchérissement du coût de l'énergie, la perspective d'une réindustrialisation accélérée de l'Hexagone pourrait être mise à mal par cette crise énergétique particulièrement douloureuse.

En effet, le poids de l'énergie dans les coûts de production en France a tendance à augmenter et cette hausse pourrait s'installer dans la durée. Face à cette envolée, les industriels français pourraient encore délocaliser des sites de production dans des pays à bas coût. En prenant en compte ces répercussions indirectes, le coût de ce choc énergétique pour l'économie tricolore pourrait être encore plus élevé, surtout que les énergies de substitution au fossile se font attendre.

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Grégoire Normand
Commentaires 12
à écrit le 06/11/2022 à 20:29
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Bonjour, 60 milliards une belle somme perdus du fait avant toute chose du non fonctionnement de 36 /56 de nos réacteurs nucléaires... Bien sûr, certains pourrons dire que s'est de la mal chance, et d'autre du sabotage... Dans tous les cas s'est un...

à écrit le 06/11/2022 à 13:00
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Pas "les conséquences de la guerre en Ukraine", mais celles de nos propres sanctions, pour l'essentiel. Osons regarder la réalité en face et ne nous mentons pas !

le 06/11/2022 à 23:42
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Pourquoi vous auriez préférée rien faire ? La loi du plus fort sans doute .. vos grands parents en 38 - invasion Tchécoslovaquie, Autriche, puis 39 invasion de la Pologne- ont fait pareil et on sait ce qu il s est passé en 1940.

à écrit le 06/11/2022 à 8:37
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Et oui, avant l'Europe, la France avait le prix du gaz et de l'électricité les moins chers des pays européens et anglo saxon.....et le niveau de fiabilité de production/livraison le plus fiable également......et aujourd'hui, après avoir mis l'ex EDF ...

à écrit le 05/11/2022 à 8:29
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Gouverner c’est prévoir et faire les bons choix, il est évident que vos élites ont pris les mauvaises décisions, mais c’est le pays qui va en payer le prix

à écrit le 04/11/2022 à 19:20
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La faute à qui ! Qui a coupé la branche sur laquelle il était assis en se tirant une balle dans le pied ? Un indice, cela commence par Brux...

le 05/11/2022 à 10:57
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En ce qui nous concerne, Hollande puis Macron sont les grands fossoyeurs de notre industrie nucléaire qui assuraient les 3/4 de notre production d’électricité, nous permettant même d’en exporter chez nos voisins !!

à écrit le 04/11/2022 à 18:18
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ou est le pb? on dit aux russes ' vladimir, on te previent, on te coupe le gaz et on sait pas comment on va faire apres'.......puis on decouvre le bazar et on achete le meme gaz qui revient par circuit detourne , mais 10 fois plus cher...........est ...

le 04/11/2022 à 19:46
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@churchill. La question n"est pas les pragmatiques ou les geignards. La question est la liberté et la démocratie ou le gaz et le pétrole et l'écrasement de nos valeurs. Je préfère avoir un peu froid. On ne meure pas de 2 degrés de moins.De la dicta...

le 04/11/2022 à 23:08
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Pour une fois que CHURCHILL réfléchit....On est presque émue....

le 05/11/2022 à 9:08
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@valbel89 En parlant d'écrasement de nos valeurs, tu en penses quoi des exportations de gaz de l'Azerbaïdjan vers l'Europe qui ont grimpé d'un tiers en 2022 soit plus de 30% en un an.L"Azerbaïdjan qui exterminent les Arméniens au Haut-Karabakh ou ...

à écrit le 04/11/2022 à 17:51
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Je ne vois pas de ralentissement du pétrole, ce soir le baril frôle les 100 dollars , alors que nous recommençons à chauffer les logements, il y a du soucis à se faire avec la fin des aides. On ne va pas tarder à regretter de ne plus passer en contra...

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