La Banque mondiale redoute une « stagflation généralisée qui réveillerait de bien mauvais souvenirs »

Sous l'effet des politiques monétaires de remonter les taux d'intérêt pour juguler l'inflation, l'institution financière internationale redoute désormais une « stagflation généralisée » de l'économie mondiale. Tout en soutenant cette stratégie monétaire, la Banque mondiale revoit à la baisse ses prévisions de croissance pour l'ensemble des pays.
« La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession », a averti le président de la Banque mondiale, David Malpass.
« La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession », a averti le président de la Banque mondiale, David Malpass. (Crédits : Reuters)

Le ton a changé en trois mois. La Banque mondiale, qui prévoyait encore début juin une croissance mondiale pour 2023 et 2024, certes en-dessous de 3%, mais bien là, a revu avec pessimisme ses perspectives économiques mondiales pour l'an prochain. L'évolution de l'environnement géopolitique et la persistance de l'inflation, qui n'est plus seulement provoquée par les prix de l'énergie et de l'alimentation, a d'ores et déjà un impact profond sur l'économie, estime l'institution financière internationale qui accorde des prêts aux pays en développement pour des projets d'investissement.

« Nous avons globalement revu à la baisse les prévisions de croissance de l'ensemble des pays, à l'exception des pays exportateurs de matières premières. Et nous avons baissé d'un tiers nos prévisions pour l'économie mondiale », a détaillé le chef économiste de l'organisation, Indermit Gill, lors d'une conférence de presse jeudi.

En cause : la lutte contre l'inflation menée par les banques centrales aux Etats-Unis et en Europe, qui relèvent désormais régulièrement les taux d'intérêt. La Banque mondiale estime que cette hausse simultanée des taux d'intérêt renforce le risque d'une récession mondiale en 2023.

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« La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession. Mon inquiétude est de voir cette tendance persister avec des conséquences de long terme dévastatrices pour les pays émergents et en développement », a déclaré le président de la Banque Mondiale, David Malpass, cité dans un communiqué.

Vers une stagflation généralisée ?

Néanmoins, la Banque mondiale soutient cette méthode : les taux directeurs des banques centrales dans le monde ont augmenté en moyenne de 2% par rapport à 2021, mais une hausse au moins équivalente pourrait être encore nécessaire afin de ramener l'inflation vers les objectifs envisagés, selon une étude réalisée par l'institution. Les Banques centrales européennes (BCE) et américaines (Fed) se sont fixées pour objectif de ramener l'inflation à 2%. Des efforts que la Banque mondiale appelle à poursuivre pour réduire l'inflation, afin d'éviter les risques socio-économiques si la hausse des prix persiste.

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Or, une telle stratégie risque d'entraîner un nouveau ralentissement de l'activité économique mondiale, souligne la Banque mondiale, avec une croissance de seulement 0,5% en 2023, ce qui correspondrait à une contraction de 0,4% du PIB par habitant.

« Il y a six mois, nos craintes concernaient un ralentissement de la reprise et une hausse temporaire des prix. Désormais nous craignons une stagflation généralisée qui réveillerait de bien mauvais souvenirs », a ajouté Indermit Gill. En effet, depuis le déclenchement du conflit ukrainien, 16 pays ont fait des demandes d'aide au financement, ce qui souligne également les effets du ralentissement économique sur les finances publiques déjà fragilisées par la crise sanitaire.

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« La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession. Mon inquiétude est de voir cette tendance persister avec des conséquences de long terme dévastatrices pour les pays émergents et en développement », a rétorqué le président de la Banque mondiale, David Malpass, cité dans un communiqué.

Efforts à poursuivre

Pour éviter un tel scénario, le président de la Banque mondiale appelle à une action concertée entre politique monétaire et budgétaire, mais aussi de renforcer les chaînes de logistique. Enfin, il appelle les États à mener une politique de l'offre, en renforçant les investissements et améliorant la productivité. « Cela ne passe pas nécessairement par des incitations ou des dépenses supplémentaires », a souligné le chef économiste de l'organisation. « De simples changements de règles, comme une meilleure intégration des femmes au marché du travail, peut améliorer la productivité.»

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Certains États ne disposent cependant pas nécessairement des marges financières nécessaires. Selon le FMI, près du quart des pays émergents et plus de 60% des pays à faible revenus font déjà face à des difficultés de refinancement de leur dette publique.

(Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 16/09/2022 à 12:14
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Et voilà à présent la Banque mondiale qui sort du bois avec une guerre de retard, décidément! Ceci m'amène à la p'tite histoire du mois de novembre 2021, soit quelques mois avant l'invasion russe en Ukraine. Les PDG et cadres exécutifs des entreprise...

à écrit le 16/09/2022 à 11:45
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un peu de stagflation, n'est-ce pas un répit pour la planète ? N'est-ce pas l'occasion de se poser, de réfléchir et de modifier les objectifs de notre économie ? de faire en sorte que ce ne soit plus l'accumulation de biens et de services qui soit...

le 16/09/2022 à 13:29
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Vous n'aurez rien de " meilleur " si votre niveau de vue passé, actuel et futur ne dépend exclusivement que du toujours plus de crédit ( essentiel sinon effondrement ), de plus de consommation ( sinon récession ), de plus de gaspillage ( sinon appau...

à écrit le 16/09/2022 à 10:59
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C'est pas un pb, la gauche est pour l'inflation ca permet de faire de la bonne dépense publique payee par personne. Pas comme les ultras néo monetaristes qui pensent que ca va mettre un bazar sans nom... On espère juste que tout ce bon peuple de ga...

à écrit le 16/09/2022 à 10:25
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Une communication pleine de pudeur. Il y a récession et inflation au niveau mondial depuis quelques années, et les choses vont en s'aggravant, sous les effets conjugués de la raréfaction des ressources naturelles et de personnel formé, des excès de r...

à écrit le 16/09/2022 à 8:50
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Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel. La croissance ne pouvait pas durer indéfiniment. Pourquoi employer des mots comme "redoute", "inquiétude", "craintes" ? Le monde est tel qu'il est, il faut l'accepter, au lieu de se plaindre. Quand aux "conséq...

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