Retour aux affaires économiques, après une longue séquence internationale. Selon nos informations, Emmanuel Macron veut soutenir l'investissement des start-up et industriels dans le captage, le stockage et la transformation du CO2. Avec l'ambition de créer des leaders mondiaux dans ce secteur d'avenir. Le président de la République formulera demain un appel à projets en ce sens, dans le cadre du plan France 2030. Il se rend à Toulouse, au siège d'Airbus, pour annoncer la deuxième étape de ce programme, entamé à la fin de son premier mandat. Une façon de revêtir, à nouveau, ses habits de défenseur de la souveraineté industrielle.

Présenté en octobre 2021, après que la crise sanitaire a révélé les carences industrielles en matière de masques, de vaccins ou de médicaments, France 2030 a été doté d'une enveloppe de 54 milliards d'euros. Voiture électrique, petits réacteurs nucléaires, hydrogène vert, produits de santé... Une dizaine de « défis » ont déjà été lancés. Lors de la présentation, il y a deux ans, le chef de l'État préparait la campagne présidentielle qui l'a mené à sa réélection. Il avait souhaité que le pays redevienne « une nation d'innovation et de recherche » et qu'il retrouve « un cycle vertueux: innover, produire, exporter et ainsi financer [son] modèle social ». Lors du bilan d'étape de demain seront évoqués les 3000 projets soutenus et les 40000 emplois attendus à terme. Et il reste 27 milliards d'euros à dépenser. D'où ce rendez-vous présidentiel à Toulouse qui vise aussi à accélérer la mise en œuvre des engagements.

L'entourage du président identifie d'ores et déjà plusieurs pépites susceptibles de candidater à France 2030

Emmanuel Macron devrait ainsi proposer « quatre à huit nouveaux défis » au monde économique. Outre les technologie anti-CO2 , il souhaite promouvoir l'émergence d'un géant tricolore dans le domaine des processeurs dévolus à l'intelligence artificielle, selon Les Échos. D'autres propositions sont à attendre. Mercredi, il a reçu à déjeuner des représentants de start-up dans l'aérospatiale et le nucléaire. « L'impulsion donnée est majeure », dit-on dans son entourage.

Pour le chef de l'État, il s'agit non seulement de soutenir l'innovation - un marqueur de son identité politique -, de rassurer l'opinion sur l'indépendance économique du pays, mais aussi d'étoffer son futur bilan en pariant sur le succès d'un investissement. « Il projette le pays au-delà de son mandat, en disant, sur tel ou tel sujet, voilà ou je veux qu'on aille, souligne un de ses proches. Il garde en tête que François Mitterrand a inauguré le TGV qui avait été lancé par Georges Pompidou. »

Le captage et la transformation du CO2 entreront-ils dans l'histoire ? Sur le plan industriel, le but est de positionner le pays parmi les leaders de la planète, sachant que la concurrence s'aiguise aux États-Unis, en Norvège ainsi que dans d'autres pays producteurs d'hydrocarbures. Et la demande devrait être au rendez-vous. En France, les premières expériences d'ampleur ont été menées par Total à Lacq (Pyrénées-Atlantiques) dans les anciens gisements de pétrole, il y a une dizaine d'années. Ce qui n'a pas échappé à l'Élysée. L'entourage du président identifie d'ores et déjà plusieurs pépites susceptibles de candidater à France 2030, et qui pourraient obtenir un solide coup de pouce financier l'an prochain. Des projets existent, tant dans l'industrie que dans la recherche appliquée. Ils vont du « simple » stockage du gaz jusqu'à sa transformation en matériaux pour la construction, en plastique ou en carburant.

À court terme, l'objectif est d'abord d'accélérer la décarbonation de l'économie française. L'exécutif vise une réduction de 10% des émissions industrielles d'ici à 2030, soit 8 mégatonnes de gaz à eet de serre en moins. La courbe des rejets dans l'atmosphère est déjà orientée à la baisse, mais une poignée de secteurs peinent à changer leur processus de production. Notamment la cimenterie et l'aciérie. Pour ces usines, dont les plus grandes se situent dans les pôles portuaires de Dunkerque et de Fos-sur-Mer, la séquestration du CO2 à la sortie des cheminées fait figure de solution. « Le but est d'utiliser la capture en dernier recours, pour des émissions incompressibles, pas comme un prétexte pour continuer à produire du CO2 », insiste-t-on au sommet de l'État.

Emmanuel Macron n'en fait certes pas l'unique levier de la décarbonation. Lors de son déplacement à la COP28 la semaine dernière, il a précisé la position de la France quant à cette technologie qui alimente un débat de fond à Dubaï (lire ci-dessous). « Je voudrais lever un malentendu, a-t-il indiqué. Il serait faux de dire qu'on pourra continuer d'avoir des énergies fossiles parce qu'on a une super idée qui est de stocker le carbone qu'elles émettent. C'est une solution qui va permettre de réduire les émissions, mais très vraisemblablement à un niveau minimal. » Mais si la France peut en profiter, pourquoi s'en priver ?