Le pacte productif vert, la plus épineuse des réformes à venir

Emmanuel Macron entend baisser la fiscalité sur la production tout en prônant une croissance bas carbone, compte tenu de l’urgence climatique. Un pari risqué dans un environnement budgétaire contraint.
Grégoire Normand
Le 21 janvier, Emmanuel Macron recevait 500 dirigeants d’entreprises de taille intermédiaire à l’Élysée.
Le 21 janvier, Emmanuel Macron recevait 500 dirigeants d’entreprises de taille intermédiaire à l’Élysée. (Crédits : Yoan Valat/Pool/AFP)

Pacte productif, fiscalité de production, baisse des émissions de CO2... l'exécutif doit s'attaquer à de vastes chantiers dans les prochains mois. Si la plupart des grandes réformes économiques et sociales du quinquennat sont déjà sur les rails, le gouvernement est déterminé à poursuivre son action d'ici à 2022. Le 21 janvier, lors d'un discours à l'Élysée devant 500 patrons d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté de ne pas favoriser uniquement les entreprises du CAC 40.

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« Je souhaite que les ETI, et avec elles les PME de croissance, puissent véritablement à nouveau prendre toute leur place au cœur de notre stratégie et des décisions qui sont aujourd'hui à prendre [...] Elles doivent l'être pour les années à venir, en particulier autour du pacte productif que nous préparons pour le printemps prochain. »

Entre l'accélération de la modernisation de l'appareil productif et la prise en compte de l'urgence climatique, le gouvernement doit faire face à un véritable casse-tête.

Les orientations du pacte productif devraient être annoncées dans les prochaines semaines par le président de la République. Lors de ses vœux à la presse, début janvier, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire a expliqué qu'il s'agit de « définir les secteurs d'activité sur lesquels nous estimons nécessaire d'investir massivement dans les prochaines années pour préserver les atouts productifs de la France et en développer de nouveaux ».

Lancé depuis juin 2019, ce dispositif se concentre autour de six thématiques «  prioritaires ». Il s'agit de l'agroalimentaire, la transition énergétique, l'industrie, les innovations technologiques, le numérique et les compétences. Bruno Le Maire a l'ambition d'en faire un « pacte vert ». Le comité de pilotage a procédé à plusieurs consultations et discussions auprès des filières industrielles et des organismes de recherche pour définir les marchés stratégiques en 2025 et en 2030. L'objectif est d'atteindre le plein-emploi en 2025.

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Une transition coûteuse en emploi

Le gouvernement pourrait avoir des difficultés pour concilier l'objectif du plein-emploi et la baisse des émissions de CO2 dans son pacte productif. Face à ces immenses défis, la présidente du Haut conseil pour le climat (HCC), Corinne Le Quéré, a adressé plusieurs recommandations au ministère de l'Économie début décembre.

Dans une missive, elle rappelle la nécessité « d'assurer la compatibilité du pacte productif 2025 avec la stratégie nationale bas carbone ». Cette orientation doit devenir « la pierre angulaire de l'économie française ». La climatologue considère que cette transformation ne pourra se faire que si tous les axes du pacte productif sont concernés. Corinne Le Quéré défend notamment « la relocalisation de la production permettant de diminuer la part importée de l'empreinte carbone ».

En outre, cette transition pourrait faire des dégâts en termes d'emplois. Le Haut conseil pour le climat recommande de mettre l'accent sur le volet des compétences et des formations pour 2025 afin de limiter la casse dans des régions déjà frappées par la désindustrialisation et la récession de 2008.

Pour atteindre cette stratégie bas carbone, la présidente du HCC rappelle également que « donner une valeur au carbone encourage l'ensemble des acteurs du pacte productif à faire des choix alignés avec la neutralité carbone » en s'inspirant du rapport Quinet. Dans ce document, l'économiste Alain Quinet propose de fixer un prix du carbone à 250 euros la tonne en 2030. Après la révolte des « gilets jaunes », le gouvernement avait décidé de geler le prix de la tonne de carbone à 44 euros. Il n'est pas sûr que l'exécutif retienne les propositions du Haut conseil pour le climat après cette colère sans précédent.

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En finir avec les impôts de production

C'est un serpent de mer dans les milieux patronaux. « Face au risque de déclassement de notre production » et la désindustrialisation de l'économie française, Bruno Le Maire a indiqué qu'il voulait réduire les taxes sur l'appareil productif lors d'un grand raout organisé à Bercy cet automne.

« Notre fiscalité de production est trop élevée par rapport à nos voisins européens. Elle est sept fois plus élevée qu'en Allemagne et deux fois plus élevée que la moyenne de la zone euro », a-t-il martelé.

Pour trouver des pistes de réduction, le Premier ministre Édouard Philippe avait sollicité le Conseil d'analyse économique (CAE) pour faire des propositions l'année dernière. Le centre de recherche a notamment recommandé de supprimer la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) et programmé la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). À l'automne, la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher a expliqué que le gouvernement planchait plus spécifiquement sur la C3S. « C'est un impôt qui est sur le chiffre d'affaires, [...] c'est pour ça qu'il est distorsif et extrêmement dangereux pour l'économie », a insisté la secrétaire d'État.

Autre chantier : revoir la CVAE en partenariat avec les Régions pour qu'elles aient « plus de latitude » et puissent « utiliser le levier fiscal » pour financer l'activité dans leur territoire. « On est en train d'essayer de réfléchir à des dispositifs qui leur permettent de reprendre cette main sur leur fiscalité », a précisé Agnès Pannier-Runacher.

Un enjeu pour les finances publiques

La suppression de ces taxes pourrait représenter un manque à gagner faramineux pour les finances publiques. Si les impôts de production sont moins débattus que l'impôt sur les sociétés (IS), ils représentent environ 72 milliards d'euros contre 30 milliards de recettes nettes pour l'IS. La C3S rapporte environ 3,8 milliards à l'État et la CVAE 13,3 milliards d'euros.

À de multiples reprises, les associations de collectivités locales ont manifesté leur grogne contre ces velléités gouvernementales alors qu'elles sont déjà remontées contre la suppression de la taxe d'habitation. À l'approche des élections municipales, les représentants des collectivités pourraient à nouveau faire barrage contre ces coupes envisagées.

Lors du premier conseil économique entre l'État et les Régions, les ministres et les présidents des exécutifs régionaux ont entamé « un travail pour évaluer l'impact sur le financement des compétences régionales et les solutions possibles ». À Bercy, l'entourage du ministre assure que le gouvernement « consulte les régions et les autres collectivités locales pour affiner le diagnostic [...] Le but est de trouver un consensus qui pourrait convenir à tout le monde. »

Bruno Le Maire souhaite « une trajectoire de la baisse des impôts de production dans le projet de loi de finances pour 2021 ». « On sait qu'en baissant les impôts, théoriquement, on doit générer de la richesse en générant de la croissance. C'est un élément de financement, mais ça ne sera pas l'unique. Il faut trouver d'autres leviers et c'est pour ça que nous parlons d'une trajectoire, en fonction de l'évolution des finances publiques », a expliqué Agnès Pannier-Runacher. La seconde partie du quinquennat promet encore quelques surprises.

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ZOOM

Un calendrier très chargé

Il est « hors de question de ralentir » dans la « transformation du pays », a déclaré le Premier ministre Édouard Philippe, le 15 janvier, en détaillant, à l'issue d'un séminaire gouvernemental, le calendrier des principaux chantiers pour les six prochains mois.

  • Février :

■ Programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie nationale bas carbone.

■ Conseil de défense écologique, mi-février, dédié à deux sujets : l'exemplarité de l'État (véhicules électriques et hybrides et baisse de la consommation d'énergies fossiles) et l'adaptation au changement climatique (résilience des territoires, gestion des canicules, prévention des inondations...).

■ Arrêt du premier réacteur de la centrale nucléaire de Fessenheim le 22 février (le deuxième le sera en juin).

Lire aussi : EDF accélère la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim

  • Mars :

■ Livre blanc sur la sécurité présenté mi-mars, pour donner lieu à une loi de programmation qui sera présentée « avant la fin du premier semestre ».

« Travaux » sur les 1. 000 premiers jours de la vie, pour une politique d'accompagnement des parents et des nouveau-nés. Mise en place du nouveau service public garantissant le versement des pensions alimentaires.

« Plus de 75 territoires auront signé avec l'État un contrat de transition écologique. »

■ Projet de loi de programmation sur l'aide publique au développement présenté en Conseil des ministres, de façon à accompagner les États qui sont soumis à ces pressions démographiques et terroristes.

  • Avril :

■ La Convention citoyenne sur l'écologie présente des « mesures ambitieuses qui montreront que l'on peut réconcilier transition écologique et soutien populaire ».

■ Présentation de la première stratégie quinquennale de sortie du plastique.

Lire aussi : L'immense défi de la sortie du plastique

■ Décret d'application de la loi d'orientation sur les mobilités : mise en place des zones à faibles émissions pour lutter contre la pollution dans les grandes agglomérations.

■ Étude avec chaque établissement des modalités concrètes de reprise de 10 milliards d'euros de dette des hôpitaux.

■ Réforme de la haute fonction publique, fin avril, après la remise « dans les prochaines semaines » du rapport Thiriez.

  • Deuxième trimestre :

■ Loi de programmation pour la recherche présentée en Conseil des ministres après le dépôt « très prochainement » d'un projet au Conseil économique, social et environnemental (Cese).

■ Présentation du pacte productif promis par Emmanuel Macron à la sortie du Grand Débat national et qui vise à « poursuivre la transformation économique du pays à l'horizon 2025 ».

Lire aussi : Voici le calendrier très serré des réformes à venir

Grégoire Normand
Commentaires 11
à écrit le 14/02/2020 à 11:02
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Tous les scientifiques savent que pour freiner le re réchauffement climatique il convient de freiner la croissance. Les émissions de CO2 n'ont pas diminué sauf en 2008 en raison dune baisse de la croissance. Les candidats qui font assauts de verdur...

à écrit le 03/02/2020 à 20:44
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Cette capacité a ignorer les résultats de chercheurs en économie comme Gaël GIRAUD ou d'autres est incroyable. Il n'y a pas de croissance verte: la croissance c'est transformer de l'énergie en 1 objet économique (service, objet, infrastructure; ...)...

à écrit le 03/02/2020 à 15:13
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C'est assez simple en fait, et ce , grâce au "en même temps" de Jekill / Hide. Comprendre : "Vous entreprises me faites de la belle croissance verte avec pas grand chose mais plein de nouveautés technos, (Macron-Jekill) et moi je hausse les impôts p...

le 03/02/2020 à 18:30
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Le "en même temps" n'est qu'une succession d'injonctions contradictoires. Je me demande s'il n'était pas burn outé d'origine notre Juju. Ne pas dormir la nuit en est un signe. Il devrait se soigner le pauvre.

à écrit le 03/02/2020 à 14:11
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des pactes tous azimuts, à partir de réflexions fumeuses, pour des résultats aléatoires. Ce ne sont souvent que des usines à gaz conduisant à réglementations et taxes supplémentaires.

à écrit le 03/02/2020 à 13:12
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Le budget n'a jamais été aussi large : 56% du PIB en dépense publique. Ne nous faites pas pleurer avec la disette bugétaire, Mr Crocodile!

à écrit le 03/02/2020 à 12:16
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Qu'il arrête lui aussi avec l'urgence climatique! Il y a bien d'autres problèmes à résoudre. La nature sait se réparer toute seule!

à écrit le 03/02/2020 à 9:46
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On est toujours sur l'idée de construire un monde virtuel au lieu de vouloir agir sur un monde réel! Il n'y a pas si longtemps on faisait des plans quinquennaux au lieu de discourir de réforme future!

à écrit le 03/02/2020 à 9:07
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72 Mds d'impots de production pour 30 d'IS! tu m'etonnes qu'on soit un pays foireux. C'est irrecuperable, faut tout remettre a plat mais nos elites republicaines ne savent pas rever, seulement gerer (mal) l'esixtant. Quand a l'ecologie, je vire presq...

le 03/02/2020 à 9:42
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oui, c'est vrai, laissons nous griller et étouffer en paix...... du moment que la bourse monte

à écrit le 03/02/2020 à 8:49
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Le problème de ne pas achever les réformes avant d'en commencer d'autres c'est qu'au final on n'y comprend plus rien, toutes ces paroles se mélangent générant une sémantique totalement incompréhensible. Il se grille pour 2022 c'est une certitude...

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