Tic-tac, tic-tac... à moins de trois semaines du début de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), Bruno Le Maire sait que le temps est compté. "Je souhaite que cette présidence soit efficace [...] Je veux moins de discussions, plus de décisions", a affirmé sans détour le locataire de Bercy lors d'une réunion avec des journalistes ce vendredi 10 décembre. Il faut dire qu'entre le premier janvier prochain et le 10 avril 2022, date du premier tour de l'élection présidentielle, l'exécutif n'aura que trois mois pour tenter de mettre en oeuvre le copieux programme déroulé par le président de la République Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse au château de l'Elysée ce jeudi 9 décembre.
Surtout, la dégradation de la situation sanitaire dans toute l'Europe pourrait venir percuter l'agenda du président. Autant dire que le timing va être serré au regard du nombre de chantiers abordés. Avant de rencontrer lundi prochain le nouveau ministre allemand des finances Christian Linder issu des rangs du FDP, Bruno Le Maire a présenté son plan de bataille pour les semaines à venir. Les 26 et 27 février prochains, un conseil des finances EcoFin, qui regroupe les 27 ministres des finances, doit se tenir à Bercy.
Faire adopter cinq plans d'investissement sur les technologies critiques
L'un des grands objectifs annoncé par Emmanuel Macron devant une pléthore de journalistes et de ministres est de changer "le modèle de production de l'Europe". Pour y parvenir, le ministre de l'Economie souhaite faire adopter cinq plans d'investissement durant les prochains mois autour de technologies dites "critiques". Il a listé par ordre de priorité les batteries électriques, les semi-conducteurs, l'hydrogène, la santé et le cloud. Si certaines usines sont déjà sorties de terre en France, la coordination entre les Etats européens sur tous ces sujets est loin d'être actée.
La pandémie a montré l'extrême dépendance de l'Europe à l'égard des pays asiatiques sur tous ces secteurs. "Il s'agit de développer de projets industriels en Europe pour faire jeu égal avec la Chine et les Etats-Unis. La France va mettre 8 milliards d'euros sur les fameux PIIEC", a déclaré Bruno Le Maire. En langage bruxellois, ces PIIEC correspondent aux projets importants d'intérêt européen commun lancés en 2014. Ils permettent notamment aux Etats de contourner le régime de droit communautaire en matières d'aides aux entreprises.
Faire aboutir la taxe carbone aux frontières
L'autre grand chantier que souhaite faire adopter le ministre de l'Economie pendant la présidence française de l'Union européenne est le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. "Cela consiste à corriger le fait que nous allons demander des efforts, décarboner notre industrie, mais nous continuerons à importer des biens de régions qui ne font toujours pas le même effort. Nous compenserons à nos frontières ce différentiel", a expliqué Emmanuel Macron lors de son intervention jeudi. Là encore, le projet est loin d'être abouti. Beaucoup d'industriels extérieurs à l'Europe ont déjà fait savoir leur mécontentement sur ce mécanisme parfois jugé "discriminant".
Aboutir à un "consensus" sur le pacte de stabilité
Lors de sa présentation de plus d'une heure trente, le chef de l'Etat a affiché son ambition de vouloir réformer les règles budgétaires européennes jugé "dépassées". "Ce modèle de croissance et d'investissement supposera aussi des règles budgétaires et financières adaptées permettant de donner la priorité aux investissements nécessaires pour accompagner les transitions, en particulier climatique et numérique", a affirmé Emmanuel Macron sans vraiment dévoiler de méthodes.
Il faut dire que le sujet est brûlant en Europe. De son côté, Bruno Le Maire a indiqué qu'il n'avait pas "volontairement mis l'aboutissement des discussions sur la réforme du Pacte de stabilité et de croissance dans les objectifs concrets de la présidence française de l'Union européenne". La méthode selon le ministre est de parvenir à "un consensus" entre les Etats membres de l'Union européenne et que "ce consensus" peut prendre du temps.
Pour parvenir à son objectif, il faut partir des "faits". "Il y a un fait qui est frappant, c'est que les niveaux de dette des pays membres de la zone euro ont totalement divergé au cours des derniers mois. Et là où il pouvait y avoir 10 ou 20 points d'écart de dette, il peut y en avoir 100 [...] ce critère des 60% est caduc. Je ne dis pas le critère des 3%, c'est un critère qui permet de voir à partir de quand vous réduisez votre endettement public", a expliqué le locataire de Bercy. Le ministre français a déclaré avoir fait récemment une proposition pour réformer ces règles lors d'une réunion des ministres des finances européens. "Ce serait à chaque Etat de prendre la responsabilité de proposer lui-même sa trajectoire de réduction des dépenses publiques et de rétablissement de ses finances publiques et de désendettement, avec un certain nombre de réformes à la clé des Etats, un calendrier", a annoncé Bruno Le Maire.
Là encore, le gouvernement risque de trouver sur sa route de nombreux obstacles à commencer par les pays dit "frugaux". Cette alliance informelle d'Etats (Pays-Bas, Danemark, Suède, Autriche) avaient clairement montrer son opposition au moment de la mise en place du mécanisme de levée de dette commune au printemps 2020 pour financer le plan de relance de 750 milliards d'euros.