Le spectre de la récession, un cauchemar pour le gouvernement

Par Grégoire Normand  |   |  916  mots
Edouard Philippe a annoncé un renforcement des mesures de confinement lors d'un entretien accordé au journal de France 2 lundi 23 mars. (Crédits : Christian Hartmann)
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé que les prévisions de croissance pour 2020 seront inférieures à celles du projet de loi de finances rectificatives, pourtant déjà fixées à -1%. La crainte d'une récession durable se multiplie chez les économistes.

Les conséquences économiques du coronavirus pourraient être encore pires que prévu. Lors d'un point presse ce mardi 24, le ministre de l'Economie n'a pas caché ses inquiétudes sur l'état actuel de l'économie tricolore et dans les mois à venir. "Nous faisons face à un choc violent, global et durable. L'économie réelle est touchée en France. Tous les secteurs sont touchés, certains plus que d'autres comme la restauration, le tourisme ont des baisses de chiffres d'affaires de 90 à 100%. La production industrielle a baissé de 25%. Dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR), j'ai fixé le PIB pour la France à -1% pour 2020. Chaque semaine d'épidémie et de confinement aggrave cette estimation. Le chiffre de croissance sera bien inférieur au chiffre qui a été présenté dans le PLFR. C'est un choc comparable à la grande récession de 1929" a déclaré sur un ton grave le locataire de Bercy.

Techniquement, la récession correspond à deux trimestres consécutifs de recul du produit intérieur brut. Si la plupart des économistes sont actuellement déboussolés par cette crise pour faire des projections macroéconomiques, les premiers indices PMI des directeurs d'achats pour le mois de mars indiquent que l'activité s'est effondrée dans les services et l'industrie.

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Des secteurs entiers à l'arrêt

La propagation du coronavirus sur l'ensemble du territoire a obligé le gouvernement à prendre des décisions de confinement drastiques. La fermeture des établissements de restauration, de commerces non alimentaires, de lieux culturels et de divertissement, l'annulation d'événements ont entraîné une chute brutale de l'activité dans un grand nombre de secteurs.

Dans l'industrie, plusieurs grands groupes comme Michelin, Renault ou PSA ont annoncé la mise à l'arrêt temporaire de leur production. Du côté du secteur aérien, de nombreuses liaisons ne sont plus assurées par les compagnies. Résultat, le nombre de salariés au chômage partiel explose. Selon des chiffres communiqués par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire ce mardi 24 mars, le chômage partiel concernerait plus de 700.000 salariés pour des dépenses évaluées à 2,2 milliards d'euros.

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Des mesures suffisantes ?

Le gouvernement a multiplié les mesures de soutien économiques et sociales pour répondre à l'effondrement de l'activité. La semaine dernière, Bruno Le Maire a annoncé un plan d'urgence de 45 milliards d'euros face à un patronat et des salariés inquiets. Si l'ensemble des mesures ont été globalement bien reçues, la crainte d'un prolongement du confinement s'est renforcée pour beaucoup d'entrepreneurs et de travailleurs. Lundi soir, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé un allongement et un renforcement des mesures de confinement alors que le bilan humain ne cesse de s'alourdir de jour en jour.

Pour beaucoup de secteurs, les difficultés de trésorerie pourraient encore s'amplifier si la paralysie se prolonge sur plusieurs semaines. Enfin, même si le gouvernement a prévu un mécanisme de garanties par l'Etat d'environ 300 milliards pour les nouveaux prêts bancaires, beaucoup de PME et TPE pourraient mettre la clé sous la porte. En effet, un certain nombre d'entreprises ont très peu d'avance sur leur trésorerie ou étaient déjà sous pression avant cette pandémie. L'allongement des délais et retards de paiement pourraient contribuer à accroître les défaillances d'entreprises dans ce contexte très dégradé.

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Un choc comparable à 1929 ?

A ce stade, il est sans doute trop tôt pour établir une telle comparaison. La Grande dépression de 1929 a marqué profondément l'économie mondiale par son ampleur et sa durée. L'économie internationale s'est lentement remise de cette situation catastrophique née de cette crise. Plusieurs économistes comme Joseph Stiglitz considèrent "qu'il a fallu attendre la veille de la seconde guerre mondiale pour que les revenus des Américains dépassent de façon significative leurs niveaux antérieurs et pour que le chômage retrouve des niveaux plus normaux". Aux Etats-Unis, le taux de chômage avait alors dépassé les 25% et les prix avaient chuté de 30%. En outre, une récession n'est pas forcément synonyme de dépression. Dans ce dernier cas, la baisse de l'activité peut être plus importante que lors d'une récession.

Si la pandémie actuelle frappe un grand nombre de pays sur la planète, il s'agit avant tout d'une crise sanitaire qui s'est transformée en crise économique. Par ailleurs, cette maladie a pris racine en Asie dans la région de Hubei avant de gagner l'Europe et l'ensemble des continents. La dépendance de l'économie européenne à l'égard de la Chine a facilité la transmission de l'onde de choc chinoise. La délocalisation d'un grand nombre de chaînes de production et de nombreux transferts de technologie, la multiplication des échanges commerciaux entre le Vieux continent et Pékin ont fragilisé les grands secteurs européens, souvent dépendant des intrants chinois dans la fabrication des biens. Enfin, la plupart des institutions et systèmes de protection sociale pour répondre à la crise sont nés au lendemain de Seconde guerre mondiale et tout au long de la seconde moitié du 20ème siècle pour éviter justement les dommages collatéraux.

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