« Les ETI sont les entreprises qui ont créé le plus d'emplois entre 2009 et 2015 » Pierre-Olivier Brial, Meti

ENTRETIEN. Pierre-Olivier Brial, qui codirige l'entreprise Manutan, veut accélérer l'intégration des entreprises de taille intermédiaire (ETI, entre 250 et 4999 salariés) dans les stratégies économiques régionales. Il a lancé le club ETI d'Île-de-France et s'occupe du déploiement des autres clubs en région au sein du Meti, le mouvement des entreprises de taille intermédiaire.
Pierre-Olivier Brial estime que la loi Pacte va dans le bon sens, notamment avec les effets de seuil.
Pierre-Olivier Brial estime que "la loi Pacte va dans le bon sens, notamment avec les effets de seuil". (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Où en est le déploiement des clubs ETI en région et quels sont leurs objectifs ?

PIERRE-OLIVIER BRIAL - Aujourd'hui, trois clubs existent en région. Il s'agit de l'Aquitaine - dont l'expérience pionnière a inspiré le développement d'autres clubs - l'Île-de-France et le Grand Est. L'objectif est de couvrir l'ensemble des régions françaises d'ici deux ans. La création de ces clubs avait pour ambition de mettre en place un réseau entre ETI. À l'échelle d'un territoire, les ETI n'étaient pas très écoutées. Il n'y avait pas de dynamique territoriale. Le club a pour objectif que les ETI se rencontrent, se connaissent et échangent entre elles. Il y a une volonté de partager des savoir-faire. Ce qui n'est pas évident lorsque l'on se compare à des PME ou à des grandes entreprises.

Les ETI ont pendant longtemps été dans l'angle mort des politiques régionales. Où en est-on ?

Justement, l'autre objectif important est une meilleure prise en compte des spécificités des ETI dans la construction des politiques régionales. C'est essentiel que, dans les politiques régionales, les ETI puissent être entendues. Il y a une logique de coconstruction. Lorsque l'Île-de-France bâtit son plan sur l'intelligence artificielle, le club est consulté en amont. Par exemple, plusieurs patrons ont été auditionnés sur la participation des dirigeants au fonds d'investissement de la région.

Aujourd'hui, on travaille également sur le plan de formation. Le but est que les ETI soient bien intégrées dans la stratégie régionale. Jusqu'à maintenant, il y avait une forte focalisation des efforts sur les PME et les startups. Les grands groupes sont plus indépendants et ont souvent un accès direct à la région. En revanche, les ETI sont un peu oubliées au milieu alors que ce sont les entreprises qui ont créé le plus d'emplois entre 2009 et 2015. Ce sont vraiment des entreprises des territoires. 68 % des ETI ont leur siège dans les métropoles. Ce sont souvent des gros employeurs locaux.

Le dernier objectif de ces clubs est de flécher tous les dispositifs à destination des ETI. Il y a une méconnaissance des dirigeants sur l'ensemble des dispositifs dont ils peuvent bénéficier.

95 % des aides régionales destinées aux entreprises sont orientées vers les PME. Que pourraient faire les régions pour mieux orienter ces aides vers les ETI ?

Le fléchage de ces aides est lié à des directives européennes. En réalité, les ETI ne réclament pas forcément d'aides. Les ETI ont déjà une assise régionale avec un rayonnement international. Elles sont souvent leader dans leur domaine. Les entreprises de taille moyenne recherchent plus souvent des centres d'expertise ou un rapprochement avec la recherche. La région Île-de-France a par exemple décidé de créer un incubateur entre les startups et les ETI.

La loi Notre, qui attribue aux régions une forte compétence économique, a-t-elle contribué à favoriser la croissance des ETI ?

En redonnant du pouvoir économique aux régions, elle permet la création d'écosystèmes régionaux. Dans les länder allemands, la dimension des écosystèmes régionaux est très présente. Outre-Rhin, les dirigeants d'ETI se soutiennent et créent des dispositifs en commun. Les rencontres au sein du club permettent par exemple à des dirigeants de s'entendre pour répondre à des appels d'offres ensemble. La maille régionale est une base favorable pour les ETI.

Avez-vous rencontré des difficultés spécifiques dans le dialogue avec les régions et avec Bercy ?

Le dialogue fonctionne quand les régions disposent d'une vice-présidence économique et d'une direction d'entreprise très motivées. Par ailleurs, il faut un groupe de patrons d'ETI déterminés qui ont envie de s'investir pour créer un effet d'entraînement. Dans les trois premiers clubs, le dialogue fonctionne bien. Dans d'autres régions, il faut expliquer l'intérêt d'un tel dispositif. À partir du moment où il y a une volonté commune, cela peut aller très vite. En Île-de-France, il y a une forte volonté de l'exécutif de mettre en avant les ETI.

Que pensez-vous de la loi Pacte, qui est censée favoriser la transformation des PME en ETI ?

Le Meti a été consulté lors de la construction de cette loi. Il a fait un certain nombre de propositions. Aujourd'hui, je considère que c'est une loi qui va dans le bon sens, notamment avec les effets de seuil.

Les seuils sont un frein psychologique chez certains patrons. À présent, le Meti considère qu'il faut s'attaquer aux taxes de production. C'est un levier de compétitivité important entre la France et ses voisins européens, notamment l'Allemagne et l'Espagne. En même temps, ces taxes financent une grande partie de l'économie régionale. Il est important que l'État, les entreprises et les collectivités locales se réunissent. Il existe une forme de consensus sur l'impact des taxes invariables, c'est-à-dire celles qui tombent avant les résultats, contrairement à l'Allemagne. L'équation est aujourd'hui compliquée.

Comment le Meti Île-de-France travaille-t-il avec le conseil régional ?

Après avoir défini un calendrier annuel de travail sur différents thèmes comme la formation, l'innovation, le marketing, chaque chantier est porté par un responsable d'entreprise et un représentant de la région. Chaque chantier est composé d'actions très pragmatiques. Par exemple, on a récemment organisé des rencontres entre les PME et les ETI ou des programmes d'accélération. On alterne des objectifs ambitieux et des actions concrètes. La stratégie est coconstruite par tous les acteurs. L'intérêt de ces clubs est d'avoir un dialogue avec les politiques au niveau régional et au niveau national.

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