Les vaches normandes victimes aussi des sanctions contre l'Iran

L'exportation vers l'Iran d'un millier de vaches charolaises de Normandie, élément d'un ambitieux et fructueux contrat pour développer l'élevage bovin dans ce pays, est victime du rétablissement des sanctions américaines contre Téhéran.

La décision de Donald Trump, entrée en vigueur mardi, a déjà entraîné le retrait préventif de plusieurs grandes entreprises françaises, comme le transporteur maritime CMA-CGM, tandis que PSA a annoncé avoir commencé la suspension des activités de ses coentreprises sur place et que les raffineurs européens, dont Total, se préparent à arrêter leurs achats de pétrole à l'Iran.

À une autre échelle, un accord qui s'était tissé en août 2016 entre un exportateur français et le groupe iranien Seamorgh, premier producteur d'oeufs frais du pays, en vue d'envoyer à terme quelque 20.000 vaches charolaises de Normandie vers Téhéran, voit ses livraisons suspendues.

Pour la sénatrice UDI de l'Orne, Nathalie Goulet, l'une des instigatrices du projet, le blocage de ce contrat de "plusieurs millions d'euros" qui devait développer une filière bovine de qualité en Iran est la preuve concrète de l'absence de système de protection français ou européen face à l'"extraterritorialité américaine".

Inquiétudes des banques après les amendes records infligées à BNP Paribas ou au Crédit agricole en 2015 pour rupture d'embargo, réticence d'intermédiaires français soucieux de ne pas heurter des autorités américaines avec lesquelles ils commercent par ailleurs, les raisons du blocage sont doubles, explique-t-elle.

"Toute action de la Commission sera la bienvenue"

En octobre 2017, 310 broutards charolais élevés en Normandie étaient pourtant partis vers l'Iran, un premier envoi test, inédit, qui devait vérifier leur acclimatation et leur engraissement dans les infrastructures locales.

"Tout ça a été un succès et on était donc partis sur d'autres lots, à hauteur de 20.000 vaches par an", explique de son côté le directeur général de l'agence de développement économique de Normandie, Alexandre Wahl, autre soutien du projet.

Mais les transactions qui devaient se faire par le biais de lettres de crédit présentées par l'importateur, dans un premier temps acceptées par les banques françaises, sont désormais refusées, malgré la venue en juin de représentants de l'importateur iranien pour négocier auprès des institutions.

Second obstacle, l'un des principaux fournisseurs de bovins du contrat, la coopérative Agrial, présente aux États-Unis, s'est retirée du projet dans le sillage des annonces de Donald Trump, rapporte en outre la sénatrice Nathalie Goulet, une mesure que le groupe, contacté, n'a pas souhaité commenter.

Au total, trois livraisons représentant près de mille animaux qui devaient suivre l'essai réussi ont été suspendues, a confirmé Alexandre Wahl, qui n'exclut pas que des moyens de contournement puissent être trouvés à terme.

"Toute action de la Commission européenne sera la bienvenue", souligne-t-il.

"Une riposte à l'extraterritorialité" ?

La Commission a activé mardi la "loi de blocage", dispositif de protection des entreprises européennes contre les sanctions que les États-Unis s'apprêtent à réinstaurer contre l'Iran.

"La loi de blocage ouvre aux opérateurs de l'UE le droit d'être indemnisés, par les personnes qui en sont à l'origine, de tout dommage découlant des sanctions extraterritoriales imposées par les États-Unis et annule les effets dans l'Union européenne de toute décision de justice étrangère fondée sur ces sanctions", précise la Commission.

Pour la sénatrice Nathalie Goulet, cette loi peine cependant à dissiper les inquiétudes des petites et moyennes entreprises, comme des banques :

"Est-ce que financièrement la Commission va couvrir les risques ?
Il faut plus d'Europe et il surtout trouver une riposte à l'extraterritorialité américaine.
"

D'autres groupes agroalimentaires normands pâtissent du retrait unilatéral des États-Unis, note-t-elle, notamment la filière lait infantile de la laiterie Isigny-Sainte-Mère.

Quant à contourner les sanctions, "il n'est pas du tout impossible qu'on y arrive", estime la sénatrice, "mais c'est loin d'être simple". L'élue évoque la piste d'un pays tiers.

Les exportations agricoles françaises vers l'Iran ont représenté l'an dernier 19,5 millions d'euros, soit 1,3% du total des exports de près de 1,5 milliard d'euros.

La France est le 9e fournisseur de l'Iran à l'échelle mondiale et son deuxième partenaire commercial au sein de l'Union européenne, derrière l'Italie et devant l'Allemagne, selon les derniers chiffres de la direction générale du Trésor.

(avec agences)

Commentaires 5
à écrit le 10/08/2018 à 13:37
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"... le groupe iranien Seamorgh, premier producteur d'oeufs frais du pays, en vue d'envoyer à terme quelque 20.000 vaches charolaises de Normandie ..." : des vaches qui pondent des œufs, ça vaut cher :-)) ??

à écrit le 10/08/2018 à 9:22
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Dommage (doux euphémisme) que la photo de l'article ne présente pas des vaches de race charolaise ! Les photos et illustrations ont un sens, non ?

le 10/08/2018 à 11:41
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Il faudrait que les services photos soient plus issus de la campagne pour distinguer les races de vaches.....inutiles de mettre des vaches holstein pour représenter la Normandie "authentique".

le 13/08/2018 à 9:55
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On a du bol, l'illustrateur urbain aurait pu nous mettre des taureaux !!

à écrit le 09/08/2018 à 9:38
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Bah si c'est pour aussi exporter nos méthodes agro-industrielles c'est bien mieux pour les vaches ainsi justement hein...

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