« Nous avons atteint la côte d'alerte sur les finances publiques », c'est en ces termes que Bruno Le Maire a commencé la semaine ! Sur BFM TV, le ministre de l'Economie s'est, en effet, montré très préoccupé par la situation budgétaire : « Les conditions de financements ont changé. Nous pouvions emprunter à des taux négatifs, et aujourd'hui, nous empruntons à plus de 2%. Quand l'inflation augmente, la charge de la dette augmente aussi de plusieurs milliards d'euros ».
Un discours qui a fait mouche au sein du patronat. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux dans une interview aux Echos, ce mardi matin, renchérit estimant que "La côte d'alerte n'est pas atteinte, mais dépassée".
Réduire nos dépenses
Et pour cause, ce premier trimestre, la dette publique de la France a dépassé les 2 900 milliards d'euros, soit 114,5 % du PIB. Et l'Hexagone reste parmi les mauvais pays de l'Union européenne. « Il y va de la souveraineté de la France », a ainsi précisé Bruno Le Maire. Et le ministre de l'Economie de justifier la nécessité de réduire le niveau de dépenses : « Tout n'est pas possible, je le dis à certaines formations politiques (...) C'est ma responsabilité de ministre , de revenir à revenir à des dépenses publiques équilibrées d'ici à 2027 ».
Après deux années de « quoi qu'il en coûte », le discours sur la modération des dépenses revient donc en flèche. Pendant la campagne, le Président n'a-t-il pas promis de revenir en-dessous des 3% de déficit et de réduire notre dette ? Le tout sans hausse d'impôts.
Tout en dépensant encore et encore
Reste que derrière les discours, la réalité est plus complexe. Car dans le même temps, ces derniers jours, l'exécutif distille peu à peu les aides qu'il entend déployer pour préserver le pouvoir d'achat des Français. Le projet de loi que le gouvernement présentera le 6 juillet et qu'il espère faire passer - à condition d'avoir une majorité - comprend une série de mesures qui pèseront sur le budget.
Ainsi, le gouvernement a-t-il annoncé, ce mardi, une revalorisation de 3,5% du point d'indice pour les 5,7 millions de fonctionnaires à partir du 1er juillet avec effet rétroactif sur les salaires d'août. Un coût pour les finances publiques : 7,5 milliards d'euros.
Celle-ci s'ajoute à la revalorisation des pensions de retraite de 4 % dès le mois de juillet également - les retraités la verront lors de leur paiement début août-. Idem pour les minima sociaux qui seront augmentés dans ces même proportions.
Au menu, par ailleurs, l'augmentation des aides personnalisées au logement, les APL, de 3,5 % dès le 1er juillet. Une dépenses estimée à 170 millions d'euros pour les comptes publics.
Dans le paquet pouvoir d'achat, la majorité a également prévu de prolonger la ristourne de 18 centimes d'euros sur le litre d'essence au-delà du 31 juillet, date normalement de son arrêt. Soit au moins 3 milliards d'euros supplémentaire pour 4 mois, pour les comptes publiques. Autre prolongation annoncée : le bouclier tarifaire sur le gaz jusqu'à la fin de l'année, soit un coût de plus de 14 milliards d'euros pour l'Etat.
Enfin, Elisabeth Borne a aussi promis à la rentrée un chèque de 100 euros - avec 50 euros de plus par enfant - pour aider les familles les plus modestes. Il devrait cibler 9 millions de foyers, - contre 5 millions prévus initialement- ce qui devrait représenter une enveloppe de plus d'un milliard d'euros. Au total, l'ensemble des dépenses supplémentaires devrait facilement atteindre 30 milliards d'euros.
Un "en même temps" très politique
Cet ensemble de dispositif est destiné à éviter la grogne sociale. Traumatisé par le mouvement des gilets Jaunes, l'exécutif surveille de près les grèves et tensions qui se multiplient dans les entreprises et administrations. Et à un moment où la majorité se cherche des alliés à l'Assemblée nationale, il s'agit aussi de satisfaire, tant que faire se peut, de contenter la droite comme la gauche.
A droite, les Républicains ont fait de la modération des dépenses publiques le pilier de leur positionnement. Alors que pendant la campagne, la candidate Valérie Pécresse accusait Emmanuel Macron de « cramer la caisse », Olivier Marleix, aujourd'hui député et président du groupe LR à l'Assemblée nationale, poursuit en promettant : « Nous serons très vigilants sur ce sujet des dépenses et feront des propositions pour les limiter ». Et de prévenir : « Le gouvernement ne peut pas dire « allez hop, 30 milliards d'euros de dette supplémentaire! », ce serait irresponsable. »
A l'inverse, l'union de la gauche réclame des aides plus importantes encore pour les ménages. Le gouvernement espère montrer aux Français qui soutiennent la Nupes - tant que faire se peut - que son paquet de dispositifs n'est pas vain.
Il est toutefois peut probable que cela ne suffise. La semaine dernière, par exemple, Olivier Faure, qui représente les socialistes au sein de la coalition de gauche, jugeait que les 4% de revalorisation des pensions de retraites étaient très insuffisants, face au niveau de l'inflation - 5,5 % attendus en moyenne cette année selon l'INSEE.
La Nupes demande toujours que le SMIC soit porté à 1.500 euros, que l'âge de départ à la retraite soit remis à 60 ans, ou que l'on instaure les 32 heures par semaine. A vouloir tenter de contenter tout le monde, le gouvernement prend le risque de perdre à tous les coups.