Mixité sociale : le grand écart persiste

La mixité sociale à Paris, Marseille et Lyon s'amplifie fortement en journée sur les heures de travail, explique une étude originale de l'Insee qui s'est appuyé sur les données de mobilité pour appréhender les mouvements massifs de population au sein des grandes agglomérations.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

"Ghetto social", "apartheid", "extrême pauvreté"... depuis des décennies, de nombreux économistes, sociologues, géographes tirent la sonnette d'alarme pour expliquer et décrire les effets délétères des inégalités et le manque de mixité dans les grandes zones urbaines. Les crises à répétition dans les banlieues et la récente révolte des "gilets jaunes" ont jeté une lumière crue sur les discriminations subies par certaines populations. Avec la pandémie actuelle, ces phénomènes s'amplifient déjà alors que l'économie française traverse une seconde vague de contaminations ravageuse. L'avalanche de destructions de postes dans les territoires accélère le risque de pauvreté et des populations déjà fragilisées avant la crise pourraient basculer dans l'extrême pauvreté.

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Face à tous ces risques, les différents gouvernements et élus à tous les échelons ont multiplié les politiques publiques (politique de la Ville, plans pauvreté, éducation, urbanisme) censées favoriser la mixité sociale, le mélange des catégories socioprofessionnelles et la baisse de la pauvreté. Qu'en est-il vraiment ?

Dans une étude éclairante rendue publique ce lundi 9 novembre, l'Insee explique que les ségrégations sociales se réduisent considérablement sur les heures de travail à Paris, Marseille et Lyon. En revanche, les disparités de résidence se renforcent lorsque les travailleurs ont rejoint leur logement. En outre, si toutes ces catégories sociales se côtoient pendant la journée de travail, cela ne veut pas dire qu'elles entretiennent des relations sociales et professionnelles étroites. La coexistence de différents groupes sociaux au sein des villes restent donc bien éphémère.

Une ségrégation au sommet au cœur de la nuit

Les déplacements professionnels conduisent des catégories hétérogènes à se croiser dans les grandes métropoles françaises. À partir des données de mobilité issues de la téléphonie mobile, les économistes de l'Insee montrent que "la ségrégation est maximale lorsque les individus ont davantage tendance à être chez eux, c'est-à-dire au cœur de la nuit, autour de 4 heures du matin". Sans surprise, les contraintes relatives au lieu de résidence (loyers, prix de l'immobilier) pèsent sur les choix des lieux de vie pour les catégories modestes et certaines classes moyennes. Résultat, certaines catégories pourront faire bien plus d'heures de déplacement que d'autres. Dans leurs travaux de recherche, les statisticiens montrent par des cartes ces déplacements massifs de catégories de revenus hétéroclites à plusieurs heures de la journée.

Part des personnes à bas revenus dans l'agglomération parisienne

paris ségrégation

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En Île-de-France, ce phénomène est particulièrement spectaculaire. La part des bas revenus vivant dans le nord et le nord-est francilien se réduit considérablement au cours de la journée. L'indice de ségrégation est ainsi à son minimum entre 10h et 18 heures. "Pendant la journée, les bas revenus côtoient plus de personnes n'appartenant pas à leur groupe que les hauts revenus. À Paris et Lyon, durant la journée, les bas revenus sont presque uniformément répartis dans la ville", expliquent les auteurs.

Des espaces fortement différenciés

Malgré une plus forte mixité dans les grandes agglomérations françaises pendant les heures de travail, la ségrégation sociale reste très forte dans certains quartiers. C'est par exemple le cas de l'ouest parisien qui comporte une très forte proportion de hauts revenus tout au long de la journée. Même si leur part diminue entre la nuit et le jour  (passant de 40% à 20%), leur présence reste profondément ancrée. "Ils restent [...] surreprésentés puisqu'ils sont deux fois plus présents dans ces espaces que s'ils étaient uniformément répartis dans l'agglomération. À l'inverse, les bas revenus y restent sous-représentés pendant la journée", indique l'enquête. Dans les autres zones géographiques de Paris intra-muros, la diversité sociale est plus prononcée la nuit comme la journée.

Une offre de transports déterminante dans la mixité

Cette ségrégation peut en grande partie dépendre de l'offre de transports présente dans les villes. À Paris et Lyon, les déplacements de banlieue à banlieue demeurent complexes alors qu'ils sont relativement simples pour se déplacer vers le centre. À l'opposé, la ville de Marseille connaît de plus amples obstacles pour se déplacer dans le centre en raison notamment de la situation géographique de la ville. C'est une agglomération beaucoup plus étendue que Paris avec un relief qui limite notamment l'offre de transports. "Qu'il s'agisse de Lyon et Paris (périphérie) ou de Marseille (centre), les populations à bas revenus résident dans les espaces où les facteurs limitant la mobilité sont plus forts", précise l'organisme de statistiques.

> Lire aussi : Les dividendes cachés de la mixité

Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 10/11/2020 à 8:56
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Mixité = instabilité sociale - appauvrissement-violence ! NON merci ........!

à écrit le 10/11/2020 à 8:47
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Suffit juste de regarder les prix des maisons, quand on voit qu'un pavillon dans le 94, moche de moins de 100m2 se vend plus de 500000 euros ben pas difficile de comprendre ce phénomène hein. L’ Euro ou la baguette en dix ans qui passe de un fran...

à écrit le 10/11/2020 à 0:32
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Que signifie ce ratio "ressources naturelles/habitant" ?

à écrit le 09/11/2020 à 20:20
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Que les journalistes et nos medias montrent l’exemple,,,

à écrit le 09/11/2020 à 18:25
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Encore un article qui se voile la face : Le problème n'a jamais été la mixité : Que les gens se retrouvent entre eux, ça n'a rien de problématique. Mais vouloir "diluer" la pauvreté, ça ne marche pas, et ça n'a jamais marché. Le problème numéro un, c...

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