La pandémie a chamboulé le calendrier budgétaire du gouvernement. En pleine recrudescence des cas de contamination et des hospitalisations, l'exécutif s'apprête à présenter son quatrième budget rectificatif depuis le printemps dans une France reconfinée pour la seconde fois et pour un mois minimum. Ce nouvel arsenal budgétaire doit être présenté en Conseil des ministres ce mercredi 4 novembre. "Le PLFR 4 est placé sous le sceau du soutien aux commerces et aux indépendants [...] Il s'agit de répondre à l'urgence avec un soutien massif aux entreprises et protéger les plus démunis" explique l'entourage du ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Le budget doit être présenté en commission à l'Assemblée nationale ce mercredi et la première lecture du texte est programmée pour mardi prochain dans l'hémicycle.
Pour le gouvernement, ce nouveau collectif budgétaire pour l'année 2020 illustre l'ampleur des dégâts provoqués par cette crise inédite. Entre les discussions parlementaires sur le budget 2021 aux allures de plan de relance et cette annonce d'un nouveau budget de crise, la fin d'année s'annonce sous haute tension pour la majorité parlementaire et les oppositions. Confronté à une accumulation de crises (sanitaire, économique et sécuritaire), Jean Castex se retrouve dans une position très délicate à gérer.
20 milliards d'euros supplémentaires
A la suite du nouveau confinement annoncé la semaine dernière, le Premier ministre a prévu une nouvelle panoplie de mesures de soutien d'environ 20 milliards d'euros supplémentaires pour aider les entreprises les plus affectées et les ménages plus vulnérables pendant cette nouvelle mise sous cloche de l'économie hexagonale. "La situation sanitaire a obligé le gouvernement à prendre des nouvelles mesures de soutien aux ménages et à l'économie avec le renforcement des dispositifs d'urgence comme le fonds de solidarité pour les petites entreprises, l'activité partielle pour les entreprises fermées ou les exonérations de charges" ajoute le cabinet du ministre des Comptes publics Olivier Dussopt. Le fonds de solidarité a ainsi été élargi depuis le printemps et les sommes distribuées peuvent désormais atteindre 10.000 euros contre 1.500 euros au mois de mars.
Pour les Français, l'exécutif a également intégré des mesures spécifiques pour les ménages les plus fragiles. "La crise économique implique des pertes d'emplois pour les ménages. Des primes importantes pour les bénéficiaires du RSA, des APL et les étudiants sont prévues" rappelle Bercy. La mise en oeuvre d'un nouveau confinement et l'aggravation de la situation sanitaire pourraient avoir des répercussions désastreuses sur les populations pauvres déjà fragilisées par la première vague. Beaucoup d'associations redoutent un basculement de nombreuses familles dans l'extrême pauvreté alors que la distribution de repas s'amplifie depuis le printemps.
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Des recettes meilleures qu'anticipées à l'été
Malgré cette crise inédite, les fonctionnaires de l'administration fiscale s'attendent à de meilleures recettes que prévues lors de l'élaboration du troisième projet de loi de finances rectificatif à l'été.
"L'aggravation de la récession ne s'accompagne pas d'une baisse des prélèvements obligatoires. Les prévisions de recettes se maintiennent, voire s'améliorent un peu plus que celles prévues. Les recettes de TVA et de l'impôt sur le revenu sont plus importantes qu'anticipées. Sur les grands impôts d'Etat, on a des bonnes nouvelles sur les recettes" indique le ministère des Finances.
Pour expliquer ce paradoxe, Bercy avance plusieurs facteurs. "L'économie a rebondi très vigoureusement au troisième trimestre. Ce qui se traduit par plus de recettes. [...] Pour l'impôt sur le revenu, les différentes mesures d'aides ont contribué à maintenir le revenu des ménages. Sur l'impôt sur les sociétés, beaucoup de secteurs économiques ont réussi à s'adapter et ont continué à fonctionner malgré tout. Certains ont profité du rebond économique au troisième trimestre. Cela s'est traduit par une hausse des recettes de l'impôt sur la société et celles sur la TVA. Cela doit nous donner confiance dans la capacité du gouvernement à redresser les finances publiques. Le redressement des impôts va s'améliorer quand la croissance reviendra".
Vendredi dernier, l'Insee a indiqué que le produit intérieur brut (PIB) tricolore avait rebondi à environ 18% au troisième trimestre alors que la plupart des prévisionnistes s'attendaient à un rebond de l'ordre de 16%. Malgré ces résultats favorables pour le Trésor, certains impôts ont moins bien rapporté. C'est par exemple le cas de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). "Pour la baisse de TICPE, cela est dû à une moindre consommation de carburant et une moindre activité économique. C'est un impôt qui a plus souffert du confinement et moins profiter du rebond" ajoute-t-on.
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Des perspectives économiques assombries
Après un printemps catastrophique et un été meilleur qu'anticipé, l'hiver s'annonce très compliqué pour l'économie tricolore. La plupart des économistes ont assombri leur prévisions de croissance pour le quatrième trimestre. Si le confinement décidé la semaine dernière est moins drastique que celui annoncé au mois de mars, beaucoup de secteurs jugés non essentiels et contraints de fermer se retrouvent à nouveau dans une situation très tendue. Avec le nouveau confinement, plusieurs économistes interrogés par La Tribune récemment prévoient un repli du PIB d'environ 5% pour le dernier trimestre alors que les fêtes de fin d'année représentent une période déterminante pour beaucoup de commerçants sans compter le secteur culturel qui profite généralement de cette période aussi.
Si les mesures mises en oeuvre (ouverture des écoles et des crèches) permettent de maintenir un niveau d'activité plus important, les craintes sur la demande se multiplient. En effet, beaucoup d'incertitudes demeurent sur la durée du confinement, la dangerosité du virus et les dommages collatéraux de la pandémie sur le marché du travail risquent de s'amplifier. Résultat, les ménages et entreprises risquent de réduire leurs dépenses et entraîner un choc de demande plus important qu'au printemps. Cette chute prolongée de la demande pourrait entraîner une spirale récessive dangereuse.