Pandémie : un effondrement des embauches au printemps, l'hiver s'annonce très rude

La pandémie a provoqué une violente chute des embauches durant le second trimestre (-45%) selon une récente enquête du ministère du Travail. Même si les mesures de reconfinement sont moins strictes qu'au printemps, beaucoup de secteurs vont revoir à la baisse leurs perspectives de recrutement.
Grégoire Normand
Le tertiaire, qui représente 80% de l'activité économique en France, a enregistré une baisse sidérante des embauches à -46,7% après un premier trimestre difficile (-8%). L'hébergement et la restauration, l'hôtellerie, le tourisme, ou les activités de loisir ont été directement affectées par les mesures administratives lors du premier confinement.
Le tertiaire, qui représente 80% de l'activité économique en France, a enregistré une baisse sidérante des embauches à -46,7% après un premier trimestre difficile (-8%). L'hébergement et la restauration, l'hôtellerie, le tourisme, ou les activités de loisir ont été directement affectées par les mesures administratives lors du premier confinement. (Crédits : Reuters)

Les chiffres de la crise continuent de donner le vertige. Selon une étude de la direction statistique du ministère rendue publique ce jeudi 5 novembre, le nombre d'embauches a chuté brutalement de 45% au second trimestre par rapport au premier trimestre. Sur un an, l'effondrement est encore plus spectaculaire (-50,7%). Au total, 3,07 millions de contrats de travail ont été signés entre les mois d'avril et juin.

Outre un plongeon de l'activité, la mise sous cloche de l'économie française a provoqué une paralysie des processus d'embauche dans de nombreux secteurs. Même si les conditions sont assouplies et les établissements scolaires sont restés ouverts, la mise en oeuvre du second confinement pour au moins quatre semaines devrait provoquer une nouvelle chute des embauches pour la fin de l'année.

Dans un webinaire organisé ce jeudi 5 novembre, le directeur des études à la Banque de France, Olivier Garnier, a averti sur les risques d'un nouveau reconfinement.

"Le second confinement risque d'affecter plus durablement l'économie [...] L'activité est descendue à -32% au cours du second trimestre. Au troisième trimestre, l'activité a rebondi fortement. Aujourd'hui, le profil de l'activité pour ce second confinement se rapprocherait d'un V moins marqué qu'au printemps. La sortie du confinement pourrait être plus graduelle et plus longue avec moins de visibilité pour les entreprises."

Une baisse généralisée

La sévérité du confinement au printemps a entraîné une baisse généralisée des embauches dans toutes les tailles d'entreprise. La baisse la plus brutale concerne avant tout les petits établissements de moins de 10 salariés (-53,7% après -24,7% entre janvier et mars). Viennent ensuite les entreprises ayant entre 10 et 49 salariés (-48,6%) et celles ayant plus de 50 salariés (-39,5%).

Par secteur, le tertiaire a enregistré une baisse sidérante des embauches à -46,7% après un premier trimestre difficile (-8%). Beaucoup d'entreprises dans les services ont directement été affectées par les mesures administratives lors du premier confinement, notamment dans l'hébergement et la restauration, l'hôtellerie, le tourisme, ou les activités de loisir. Pour ce second confinement, beaucoup de sociétés dans ces secteurs sont une nouvelle fois concernées, comme l'a rappelé l'économiste Olivier Garnier.

"Beaucoup de secteurs ont été touchés pendant le premier confinement et devraient encore l'être pendant le second confinement. L'hébergement, la restauration, la location de voitures sont directement touchés."

Compte tenu du poids des services dans l'économie tricolore, cette paralysie de l'activité a fait vaciller le marché de l'emploi en quelques jours. Une étude de l'Insee de 2019 rappelait que le marché de l'emploi est fortement tertiarisé (80%) dans l'économie française.

Dans l'industrie, la chute des embauches est également très marquée. Beaucoup de chefs d'industrie ont gelé leurs projets de recrutement pendant les huit semaines d'arrêt d'activité. Au cours de cette période, les embauches ont chuté de 34,2% selon les données collectées par les statisticiens. Enfin, la construction a également subi un marasme au printemps avec une diminution de 26,9% des embauches.

La situation inquiétante des contrats courts, CDD et intérimaires

Sans surprise, les contrats courts, contrats de saisonniers, les intérimaires ont subi de plein fouet les effets du confinement et la propagation du virus sur l'ensemble du territoire. Certains indépendants sont dans le même cas, comme les travailleurs de plateformes numériques : la hausse des livraisons de repas à domicile, par exemple, n'a pas compensé la baisse des livraisons au bureau.

Ainsi, le nombre d'embauches d'intérimaires s'est effondré (-40,7%) au cours du second trimestre après une baisse déjà marquée entre janvier et mars (-8,9%).

L'ampleur du repli chez les CDD est également considérable (-46%) sachant que la part des CDD dans les embauches est devenue largement majoritaire depuis des années (plus de 80%). Enfin, les contrats à durée indéterminée (CDI) n'ont pas non plus été épargnés (-41%), ce qui montre l'étendue et les dégâts colossaux de cette crise.

Le déconfinement n'a pas eu d'effets majeurs sur les contrats courts

Le déconfinement de la France au mois de mai a certes permis à l'économie tricolore de retrouver des couleurs. Au cours du troisième trimestre, le rebond du produit intérieur brut a été plus fort que prévu, selon les derniers chiffres de l'Insee rendus publics la semaine dernière (+18% contre 16% attendu). Mais, malgré ce vif rebond, les embauches en contrat court n'ont pas marqué une hausse équivalente. Si les signatures de contrats longs (CDI ou CDD de plus d'un mois) ont accéléré par un effet de rattrapage à la suite du confinement, celles pour les CDD plus courts sont plus timides.

"Passé ce rattrapage très partiel, la reprise des embauches en juin s'essouffle, si bien que le niveau atteint à la fin du mois reste significativement plus faible que celui observé à la même période de 2019 (68%). Cette situation tient aux embauches en CDD courts, qui demeurent encore très inférieures à celles de 2019 (de 40% environ). À l'inverse, les embauches plus « longues » rejoignent les niveaux prévalant un an auparavant", expliquent les statisticiens.

Avec le manque de visibilité et la forte incertitude sur l'évolution de l'épidémie, beaucoup d'entreprises n'ont pas embauché cet été malgré la saison estivale et l'essor du tourisme dans certaines régions.

Une forte hausse du chômage attendue au dernier trimestre

Le durcissement des mesures de restriction depuis plusieurs semaines avec l'extension du couvre-feu à 54 départements puis la généralisation d'un deuxième confinement sur l'ensemble du territoire assombrissent les perspectives du marché du travail. Dans leurs dernières projections, les statisticiens de l'Unedic tablaient sur un chômage à environ 10,5% de la population active.

Avec le reconfinement, ce taux pourrait encore grimper. Dans certains secteurs comme l'hôtellerie, le tourisme, certaines embauches ont été gelées alors que beaucoup d'établissements préparaient la saison d'hiver. Dans les commerces jugés "non essentiels", le moral est en berne face à la grande distribution qui peut rester ouverte. La période de fin d'année d'habitude favorable à l'approche des fêtes de Noël s'annonce tendue.

En outre, beaucoup d'entreprises abordent cette période de confinement avec des capacités d'endettement moindres qu'au printemps. Si le gouvernement a élargi le dispositif du fonds de solidarité en préparant son quatrième budget rectificatif, la propagation de cette maladie infectieuse sur le territoire européen et le durcissement des mesures dans de nombreux pays repoussent une nouvelle fois les espoirs d'une reprise rapide et solide.

Lire aussi : Face à la seconde vague, un budget de crise... saison 4

Grégoire Normand
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