Pierre Goguet : "La transformation des CCI est assortie de fortes contraintes financières"

Sous pression financière, les chambres de commerce et d'industrie ont dû tailler dans leurs effectifs ces dernières années tout en changeant de modèle économique. Dans un entretien accordé à La Tribune, le président du réseau consulaire, Pierre Goguet explique que les CCI sont en train de construire une offre de prestations pour tenter de compenser la baisse des ressources fiscales.
Grégoire Normand
Pierre Goguet, président de CCI France.
Pierre Goguet, président de CCI France. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Quelles sont les principales transformations que le réseau a dû mettre en place ces derniers mois ?

PIERRE GOGUET - Le réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) a commencé à se transformer bien avant avant le passage de la loi Pacte avec le contrat d'objectifs et de performance. L'idée est de substituer une partie des recettes issues des taxes par des prestations et mettre en avant notre valeur ajoutée. A travers ce contrat, cinq axes doivent être développés en priorité. Il s'agit notamment de la création d'entreprise, la transformation et l'internationalisation. Après le vote de la loi Pacte, nous avons mis en place une tarification unique de nos offres de service sur l'ensemble du territoire.

L'objectif est la constitution d'une offre commerciale avec un catalogue national de prestations et des tarifs votés en assemblée générale. Dernièrement, nous avons mis en oeuvre la Team France Export avec Business France pour soutenir les entreprises à l'international. Au niveau des territoires, le réseau consulaire doit être, pour reprendre les mots de Bruno Le Maire, "le bras armé économique de l'Etat dans les territoires". Nous oeuvrons à la mise en place des territoires d'industrie. Enfin, nous aidons toujours les commerçants et les artisans après la crise des "gilets jaunes" par la diffusion d'outils notamment.

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Face aux restrictions budgétaires, comment avez-vous mené ces mutations ?

C'est clairement un changement de modèle économique pour l'ensemble de nos chambres. L'Etat a complètement changé le statut de notre personnel. Il dépend dorénavant du droit privé. De nouvelles conventions collectives doivent être signées dans quelques semaines. Ces transformations sont assorties de contraintes financières fortes. Nous avons déjà subi des coupes budgétaires importantes et cela devrait encore s'amplifier dans les trois années à venir avec une baisse des ressources à prévoir. Nous ne voulons pas accepter cette trajectoire.

En même temps, nous sommes des entrepreneurs. Nous ne voulons pas renoncer. Il faut rappeler que notre assemblée générale a voté le contrat d'objectifs et de performance à 80% car la trajectoire financière n'y figure pas. Il y a une clause de revoyure. Chaque année, nous pouvons rediscuter des conditions de financement. L'idée est d'avoir un partage gagnant-gagnant de cette transformation. Les chefs d'entreprise ont finalement accepté ce pragmatisme dans les territoires.

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 Y-a-t-il eu un ou plusieurs plans de départs volontaires avec ces restructurations ?

Oui, il y a eu des départs mis en oeuvre dans le cadre de conventions permises par la loi Pacte. En même temps, des recrutements sont prévus avec l'arrivée de nouvelles compétences pour se renforcer dans certaines missions. Je souhaite d'ailleurs saluer le personnel qui doit faire face à de véritables chamboulements.

Dans le cadre de la loi Pacte, quelles sont vos nouvelles missions ?

La loi Pacte, portée par Bruno Le Maire, a tendance à recentrer les missions des CCI sur les questions de création, de transmission ou d'internationalisation des entreprises. Nous avons également un grand rôle dans la représentation des entreprises au coeur des territoires. Nous voulons avoir un rôle accru pour la numérisation des entreprises dans les territoires et aussi dans la prise en compte des normes environnementales. La loi Pacte fait entrer les chambres dans le champ concurrentiel avec la difficulté de ne pas se retrouver en concurrence avec des entreprises du territoire. Les chambres de commerce sont également très présentes dans les infrastructures avec un rôle toujours plus important dans les aéroports régionaux ou les ports par exemple.

Le gouvernement a récemment lancé le pacte productif 2025. Quelle est votre mission ?

Nous avons reçu une lettre de mission au mois de juillet. Plus de 500 contributions ont été remontées au ministre et 60 chambres sont mobilisées sur ce pacte. Un site a été mis en place pour récolter les contributions des entrepreneurs. Il reste encore un travail de tri et de hiérarchisation à faire.

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En tant que corps intermédiaire, comment votre rôle a-t-il évolué depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée ?

La situation est assez paradoxale. Alors que les chambres de commerce ont perdu des ressources depuis des années, nous avons montré que nous avons un rôle important à jouer dans le contexte de la fracture territoriale. Nous étions perçus comme un corps intermédiaire dont l'utilité n'était pas avérée.

Avec la crise des "gilets jaunes", les choses ont changé. On vient plus facilement verts nous. Pendant le Grand débat, les CCI ont joué un rôle d'interface indispensable pour remonter les remarques des entrepreneurs. Nous voyons bien qu'il y a des effets retardés pour les "gilets jaunes" avec des dépôts de bilan par exemple. Nous aidons encore beaucoup de commerçants même plusieurs mois après le pic de la crise.

Face à l'incertitude du Brexit, quelles sont vos préconisations pour les entreprises ?

Les entreprises doivent se préparer au pire. Avec la direction générale des entreprises à Bercy (DGE), nous avons pu construire un kit pour que les entreprises anticipent au mieux. Nous avons le sentiment que des efforts ont été faits mais ce n'est pas assez. Nous avons relancé une campagne de sensibilisation récemment (NDLR; le gouvernement a récemment appelé les entreprises à prendre contact avec les CCI pour les aider). Dans les CCI, du personnel est dédié à l'accompagnement des entreprises notamment dans les Hauts-de-France.

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Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 12/09/2019 à 13:05
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Encore les cci à faire leurs pleureuses. Un DG de CCI de province gagne entre 7000 et 10.000 euros par mois, et vive la ploutocratie dans les nominations. Un chef de service recoit en moyenne entre 4000 et 6000 euros par mois Bref, le style de vie...

à écrit le 11/09/2019 à 10:28
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Il faut rendre payants les pseudo services rendus, et on verra combien ils sont valorisés par les privés: personne n'accepterait de payer pour cela..

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